Éthanol

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Dans la voiture aux vitres teintées appartenant à la sœur de Hoseok, un groupe de jeunes gens se retrouvaient autour d'une dizaine de papiers tous différents les uns des autres. Certains n'étaient que des tirages photo, d'autres des retranscriptions manuscrites ainsi que des photocopies de diverses conversations téléphoniques. Le tout était regroupé dans un dossier soigneusement préparé au préalable. L'avocate semblait implacablement apprêtée, les cheveux tirés dans un chignon serré, portant un tailleur sombre et un chemisier blanc. Ses pupilles allaient et venaient entre différentes lignes et grands points, avant de finalement se poser sur le père de famille dont la jambe ne cessait de tressauter. Finalement, Joy referma simplement la pochette et la posa non loin sur le dernier siège disponible. Elle prit la parole, l'air sûr d'elle et confiante malgré l'instance qui se tiendrait dans la demi-heure qui allait sans doute suivre.

« -Namjoon. Tout va bien se passer. »

Aux côtés de libraire, Yoongi se tenait présent, vêtu d'un simple pull aux manches trop longues et d'un jean délavé. Il n'assisterait pas au procès, ce n'était pas sa place et il attendrait plus ou moins patiemment dans la voiture en compagnie de Taehyung et Hoseok. Il aurait pu entrer dans la salle d'audience, mais ce n'était pas sa place et il ne craignait que sa présence ne desserve son compagnon. De plus, le pâtissier devait bien avouer qu'il n'était pas certain de rester calme en présence de Jieun. Il n'avait jamais vu la jeune femme jusqu'à présent, mais un seul contact pourrait suffire. C'était sans doute pour cela également que Namjoon n'avait pas donné la date de l'instance à Seokjin. Son meilleur ami serait sans doute venu, chargé d'argument et probablement influencé par sa famille, une fois de plus ça n'aurait fait qu'aggraver les choses et de son point de vue, le garçon en avait bien assez fait. Namjoon lui avait raconté ce qu'était venu lui dire son ex-compagne et, malheureusement le pâtissier ne pouvait être que d'accord avec elle. La façon dont avait agi Seokjin n'aidait en rien le père de famille, tout au contraire. Pudiquement, Yoongi déposa une main sur la cuisse de son cadet et lui offrit un sourire discret.

« -Tu n'as rien à craindre.. Joy fera très bien son travail et puis le bien-être de Wooju passera avant tout. »

Comme ils étaient naïfs.

Quelques mots furent encore échangés et Yoongi serra une dernière fois la main de Namjoon dans la sienne avant que ce dernier ne quitte la voiture en compagnie de la petite-amie de Taehyung. À présent, les trois hommes étaient seuls dans la voiture et un silence pesant s'installa. Aucun des garçons ne semblait savoir quoi dire pour détendre l'atmosphère alors que la seule chose qu'ils pouvaient faire en cet instant était attendre le retour de leurs deux amis, dans l'angoisse et le stresse. Avant que le père de famille ne revienne, il serait incapable pour eux de savoir quoi que ce soit et, Dieu seul savait combien de temps cela pouvait prendre ? Un instant, Yoongi songea à simplement se poser dans le café d'en face, mais que faire si son compagnon revenait et qu'ils n'étaient pas là ? Si la sentence s'avérait être en faveur de Jieun et qu'il n'était pas là pour l'épauler, que se passerait-il ? Malgré tout ce qu'il tentait de démontrer, Yoongi savait pertinemment que Namjoon était quelqu'un de fragile au fond, et le laisser seul dans un tel moment ne pouvait même pas lui traverser l'esprit.

Un long soupir outrepassa les lèvres du pâtissier alors qu'il se laissait aller sur son siège, étendant ses jambes tant qu'il le pouvait, jusqu'à être arrêté par le siège en face de lui. Un instant, il ferma les yeux puis inspira profondément tandis qu'un millier de scénarios se jouaient dans sa tête. À ses yeux, il était impossible que son compagnon n'ait pas gain de cause, tout simplement parce qu'il s'agissait là d'une injustice pure et simple. Mais qui était-il pour affirmer que tout irait bien ? Personne, absolument tout et n'importe quoi pouvaient se passer derrière les portes closes, et si l'argent entrait en ligne de compte, effectivement Namjoon ne pourrait faire grand-chose. Yoongi pourrait lui proposer de l'argent, quand bien même ils n'en avaient jamais parlé, son compte bancaire se portait plus que bien, et la pâtisserie rapportait gros -depuis que son frère avait accepté de lui payer ses heures supplémentaires-, mais c'était peine perdue, Namjoon refuserait c'était tout bonnement couru d'avance. Néanmoins avant qu'il n'ait eu le temps de plonger plus profondément dans ses réflexions, Taehyung prit la parole.

« -Puisqu'on va probablement rester là un moment.. Hosoek, comment ça se passe à la JYP ? »

Le principal concerné fusilla le futur professeur des écoles du regard, comme si dans un moment pareil il était nécessaire de parler de son avenir. Pourtant, au fond Yoongi trouvait que c'était plutôt une bonne idée. Se concentrer sur autre chose qu'un procès dont ne sortira aucune information avant sa fin, c'était presque nécessaire et avant même que le danseur n'ait pu lui faire la moindre remarque le pâtissier hocha doucement la tête en jouant avec la manche droite de son pull. Un fil en dépassait et, nul doute que s'il tirait un peu trop, ce dernier allait tout bonnement finir par se découdre.

« -Taehyung a raison, on ne peut pas rester à ne rien faire, on va devenir fou. Alors, est-ce que Jinyoung est aussi canon en vrai qu'à l'écran ?
-.. T'as pas idée. »

Et bien malgré eux, un fou rire résonna à l'intérieur de l'habitacle. Cela faisait un bien fou, il fallait l'avouer, et puis peut-être qu'entendre parler de la toute nouvelle carrière de son meilleur ami serait suffisamment intéressant pour se sortir toute cette histoire de la tête. Tout du moins jusqu'au retour de Namjoon, et puis ce n'était pas tous les jours que l'on avait une connaissance qui dansait pour le célèbre groupe qu'était les GOT7. Non pas que le pâtissier soi particulièrement envieux, il n'avait jamais été un danseur exceptionnel et en dehors de soirée, ce sport ne l'intéressait absolument pas. Quant au piano, il avait eu le choix fut un temps, la musique ou la pâtisserie, aujourd'hui le choix avait été fais et il ne le regrettait en aucun cas. Le piano restait pour lui une passion, un moyen de se détendre, mais au grand jamais il n'aurait la prétention de s'y consacrer pleinement. Il ne le pratiquait pas assez pour cela, tout au contraire de Hoseok.

Lorsque le fou rire qu'ils partageaient tous trois fût finalement calmé, Yoongi laissa un léger rictus lui échapper alors que ses dents blanches venaient nerveusement mordiller sa lèvre inférieure. C'était bête, mais il ne parvenait pas à se détendre. Bien que la conversation semblait plus qu'intéressante et que, bien sûr il était heureux pour son colocataire, Namjoon ne quittait pas son esprit. Comment cela se passait-il à l'intérieur ? Avait-il besoin de lui, parvenait-il à garder son calme ? Trop de questions sans réponses, mais il s'efforça de les rejeter pour les quelques heures à venir bien que le visage larmoyant de son compagnon lui revenait soudainement à l'esprit.

« -Tu sais que Jimin n'apprécierait probablement pas l'idée que tu te rapproches de Jinyoung ? »

En parlant du rouquin, Yoongi était partagé entre l'envie de lui envoyer un message et celle de simplement l'oublier. Il n'était pas particulièrement proche du grand frère de Jihyun, et même s'ils se croisaient bien plus régulièrement maintenant qu'il faisait partie intégrante de la vie de Namjoon tandis que l'étudiant était officiellement dans celle de Hoseok, le pâtissier n'était jamais réellement venu vers lui. Mais aujourd'hui, son cadet gardait Wooju pour la journée, il aurait aimé venir, il le savait, mais il fallait quelqu'un pour surveiller l'enfant et, même si Yoongi ne s'impliquait pas plus que cela dans la vie du garçonnet, il avait crû défaillir lorsque Namjoon lui avait un jour expliqué qu'il lui était arrivé de laisser son fils sous la surveillance de Rapmon. On parlait ici d'un chien, en compagnie d'un enfant en bas âge, si le pâtissier pouvait comprendre qu'à l'époque son compagnon ne pouvait faire autrement, au fond cela restait à ses yeux de l'inconscience pure. Mais qu'importe, il n'avait aucune remarque à faire, il n'en était pas légitime et il le savait. De plus, il ne connaissait pas Namjoon à cette époque, ce n'était pas comme s'il avait pu faire quoi que ce soit.

À l'évocation du rouquin, Yoongi remarqua également que le sourire de Hoseok s'estompa dans la foulée, tandis que ses pupilles fixaient à présent un point imaginaire et vague, comme s'il n'était tout simplement plus en leur compagnie. Échangeant un rapide regard avec Taehyung, ce dernier reprit finalement la parole, tout aussi incertain que le garçon aux cheveux bleus.

« -Est-ce que tout va bien avec Jimin ?
-Oui, bien sûr, pourquoi est-ce que ça n'irait pas ? »

Devant le regard suspicieux et insistant de son meilleur ami, Hoseok laissa un léger soupir lui échapper alors que ses mains venaient jouer avec ses doigts, les tordant nerveusement tout en faisant subitement craquer ses phalanges. Pour Yoongi, c'était étrange à voir, de tous son meilleur ami était probablement le plus transi d'amour pour le petit étudiant, alors pourquoi une telle réaction ? Ce n'était clairement pas une chose à laquelle il s'était préparé. Pas alors que la semaine dernière, son cadet lui parlait encore de cette soirée qu'ils avaient passée dans l'un des nombreux noreabangs de la ville. L'aîné se redressa dans son siège, retenu par la ceinture de sécurité qu'il n'avait pas encore pris la peine de détacher.

« -C'est juste que.. Les choses semblent différentes ces derniers temps.
-Bien sûr qu'elles le sont ! Tu es entré dans l'une des plus grandes agences de divertissement du pays, c'est ce que tu as toujours voulu ! »

Face à lui, Yoongi vit Hoseok secouer légèrement la tête, venant par la suite écarter une mèche de cheveux qui lui barrait la vue du bout de ses doigts avant de finalement reprendre, le regard fuyant et les gestes presque tremblants. Il semblait mal à l'aise comme cela arrivait si rarement, habituellement son meilleur ami était quelqu'un plein d'entrain, de vie. Et bien qu'il savait qu'au fond ce n'était qu'une façade, c'était toujours difficile à voir.

« -Justement, j'ai moins de temps à lui consacrer, je suis presque toujours en répétition, je rentre tard et finalement on ne se voit plus autant qu'avant. J'ai peur qu'il se lasse, ou qu'il pense qu'il ne compte plus autant pour moi qu'avant.
-Hoseok, Jimin est celui qui t'a poussé à auditionner, tu penses sincèrement qu'il viendrait te reprocher de te consacrer pleinement à la danse ? »

C'était partiellement vrai. Même si Yoongi lui avait soufflé l'idée quelques années auparavant, c'était tout de même le rouquin avait convaincu son meilleur ami de sauter le pas. Et voilà où il en était maintenant, commençant à danser professionnellement, prêt à faire les plus grandes scènes de Seoul en tant que back-dancer. Il n'y avait aucune chance pour que le rouquin le laisse tomber pour un motif tel que celui-ci. Mais c'était ainsi qu'était fait Hoseok, à toujours craindre que chaque personne qui comptait pour lui finisse par l'abandonner, le laissant derrière comme ses propres parents l'avaient fait quelques années auparavant. Il fut un temps où le pâtissier avait su apprécier la famille de son cadet, mais aujourd'hui, il la détestait tout bonnement. Quel genre de parents mettaient dehors leur enfant d'à peine dix-sept ans ? Si Jiwoo n'avait pas été là, où se serait-il retrouvé ? Cet abandon soudain avait laissé un traumatisme au fond du danseur, et peut importe combien il cherchait encore à le cacher, il était impossible pour lui de mentir à son meilleur ami. Yoongi le connaissait bien trop bien pour cela.

Ainsi les trois jeunes hommes parlèrent de longues heures durant, de tout et de rien, partageant insécurités et moments de joie malgré la boule grossissante dans la gorge de chacun. Yoongi n'avait aucune message sur son téléphone, Taehyung n'avait aucune nouvelle de Joy non plus, et les inquiétudes ne cessaient de les tourmenter. Jusqu'à ce qu'enfin, aux alentours de dix-sept heures, le pâtissier ne les voit approcher au loin, sortant du bâtiment juridique. De là où il se trouvait, il ne parvenait pas à déterminer si l'expression qu'arborait Namjoon signifiait qu'il avait eu gain de cause ou bien l'inverse. Mais une chose était sûre, il pleurait. Ce ne fut qu'une fois la portière ouverte, que le sourire éblouissant du libraire le frappa au-delà des larmes.

Ensemble, ils avaient gagné. Tout du moins, la première partie de cette longue bataille avait été proclamée en faveur du père de famille.

𝙼𝚞𝚏𝚏𝚒𝚗Où les histoires vivent. Découvrez maintenant