Raphaël se sentait bouillir de l'intérieur alors qu'Erwan se ratatinait sur son siège. Pas ce soir. Erwan n'avait même pas l'air de se rendre compte de l'énormité du problème. Il faisait de son mieux pour avoir l'air faible. Ses mains tremblaient, ses yeux étaient rougis et un bleu était en train de se former là où la gifle l'avait fauché. Aux yeux de Raphaël, c'était insupportable. Ça faisait longtemps qu'il se taisait, depuis le premier jour en faites, mais ce type le répugnait tellement. Comment faisait-il pour se regarder dans un miroir ?
- Tu te rends compte que tu l'as bien cherché, j'espère ?
Erwan se recula autant que possible sur son fauteuil tout en se mordant la lèvre. Les larmes allaient remonter jusqu'à ses paupières d'une seconde à l'autre. Il avait honte de ça. Il secoua la tête en faisant non et affirma d'une toute petite voix qui charriait autant de peur que d'épuisement :
- Je n'ai rien fait.
Raphaël déglutit, presque sidéré de l'entendre nier la vérité. Si jamais il disait des trucs pareils à Rebecca, il comprenait pourquoi elle s'acharnait de plus en plus. Il laissa passer une seconde de silence, avant de répondre, très ironiquement.
- C'est vrai après tout, tu es juste une salope.
- Arrêtes. Arrêtes. Je ... Je ... je n'y peux rien.Forcer les mots à sortir, c'était toujours dur dans ces cas-là. Est-ce que s'il parvenait à trouver les bons mots, Raphaël comprendrait ? Est-ce qu'il arrêterait de le regarder avec autant de dégoût ? Est-ce qu'il accepterait, juste d'arrêter pour le laisser souffler pour ce soir ? Il était épuisé. Physiquement et moralement. Il avait besoin que ça s'arrête.
- Quoi ? Répètes ça ? Tu n'y peux rien ? Vraiment ?
- Je ... je ne fais pas exprès.
- Quoi, t'es né comme ça ? Tu veux me faire croire que t'es né comme ça sérieusement ?Dans la poitrine d'Erwan, son cœur battait à mille à l'heure. Il n'y pouvait rien. Il n'avait jamais cherché à ... avoir ces désirs. Il avait toujours tenté de les repousser, même si ces parents lui disaient que ce n'était pas grave, qu'il avait le droit, qu'il ne devait pas en avoir honte. Il savait bien que Raphaël avait raison au fond. Il méritait tout ça ... Raphaël se redressa tout en continuant, impitoyable. Les larmes qui coulaient sur les joues de l'autre ? Peu importe. Il l'avait tellement mérité.
- Allez quoi ! Quand tu es en face, tu ne dis plus un mot ! Un peu de courage ! Parler, tu sais faire.
- Arrêtes. S'il-te-plait.
- Toi, tu ne t'es pas arrêté avec Te-Il n'eut pas le temps d'arriver au bout du prénom qu'Erwan s'était relevé d'un bond en lui criant dessus.
- NON ! Je n'ai jamais voulu ! Je ne voulais pas ! Je n'ai pas fait exprès ! Et après ... Et après il ...
Raphaël explosa d'un rire sec qui figea Erwan. Il resta, parfaitement immobile, alors que Raphaël se levait et marchait sur lui tout en parlant d'une voix basse et profonde. Il avait l'air dangereux. Erwan avait peur de lui. Il eut le temps de se demander s'il allait le frapper, mais les mots qu'il prononçait étaient pires que des coups.
- Quoi ? Genre t'as dérapé ? Ta langue a fourché et paf ? C'est arrivé ? Te fous pas de ma gueule. Tu savais parfaitement ce que tu faisais et t'as pris ton pied. Ce que Rebecca fait, avec les autres, je ne suis pas d'accord, mais c'était sa pote. Alors, avec toi ... T'as carrément mérité tout ça. Tu me dégoûtes. T'es répugnant. T'entends ? T'es répugnant !
Erwan avait détourné le visage, incapable de soutenir son regard en plus du poids de ces mots. Il avait l'impression de trembler de l'intérieur. Il avait envie de vomir. Il savait bien que c'était de sa faute, mais il faisait tout pour se retenir. Inconsciemment, il noua ses bras contre son ventre dans une tentative de se rassurer. Raphaël souffla. S'il continuait, il risquait de lui en foutre une. Il détestait l'idée même de cogner sur quelqu'un qui ne frappait pas le premier, même quelqu'un comme lui. Si ça ne le touchait pas personnellement, il pourrait prendre du recul, mais ce qu'il avait fait ... Il fit un effort pour reprendre le contrôle de ses émotions et recula.
Il n'arriverait pas à bosser ce soir. Tant pis. Il allait s'éclipser jusqu'à la chambre de Zach. Il squattait souvent là-bas. Mike avait l'habitude qu'il reste sagement ici tous les soirs, avec un peu de chance il ne vérifierait pas. Il allait passer la porte quand Erwan répondit. Ce n'était qu'un murmure, mais il l'entendit clairement.
- Je n'ai jamais voulu être gay.
Erwan était presque surpris de l'avoir dit mais c'était la vérité. Il n'avait jamais voulu être homosexuel et encore moins causer du tort à qui que ce soit. S'il avait pu l'empêcher, il l'aurait fait. Devant lui Raphaël se figea complètement. Il se retourna lentement avec un sourire désabusé. Vraiment, Erwan voulait jouer à ça ? Il n'avait visiblement honte de rien.
- T'es vraiment une salope, hein ? Et tu le fais tout à fait consciemment en plus. Tu veux me faire passer pour un homophobe ? Sérieusement ? Avec ton numéro de petite victime ? Oh, il est triste Erwan. Laisse-moi rire !
Juste avant de partir, Raphaël ajouta méchamment :
- T'as peut-être réussi à faire tomber Terrance. Avec moi, n'essaie même pas de t'y amuser.
Raphaël sortit et Erwan s'effondra. Il n'avait jamais voulu que Terrance ... Il frissonna. Il ne se sentait pas bien. Ce n'était pas de sa faute si Terrance ... Est-ce que c'était de sa faute ? Est-ce que c'était pour ça que Raphaël le détestait autant ? Est-ce qu'ils voyaient tous ce qu'il avait fait quand il le regardait ? Il eut à peine le temps de courir jusqu'aux toilettes pour y vomir. Il régurgita principalement de l'eau et le peu qu'il avait réussi à avaler aujourd'hui. Ça n'arrêta pas les hauts-le-cœur qui lui brûlèrent la gorge. Il se dégoûtait. Il se dégoûtait tellement. Il aurait tout fait pour ne pas éprouver ça. Pour ne jamais avoir eu le moindre désir.
A son âge, les autres devaient encore être en train de s'auto-congratuler pour leurs virilités naissantes. Lui, il la haïssait. Il aurait voulu ne rien avoir entre les jambes. Etre parfaitement asexué, sans le moindre désir, jamais. Si seulement il n'était pas gay. Il vomit de plus belle, entre deux respirations laborieuses. Il passa sa soirée ainsi, jusqu'à ce que le couvre-feu s'approche. Il tremblait d'épuisement, mais il se leva, se rinça la bouche sans avaler la moindre goutte, de peur de se remettre à vomir. Il alla se coucher en remontant sa couverture aussi haut que possible, comme si elle pouvait le protéger.
Raphaël l'avait accusé d'avoir fait ... que c'était sa faute avec Terrance. L'idée à elle seule lui provoquait de nouvelles nausées, mais il se retient de son mieux en respirant doucement. Et si jamais il avait raison ? Est-ce qu'il risquait de faire pareil à Raphaël ? Est-ce que cela allait recommencer ? L'angoisse lui noua les tripes.
Quand Raphaël revient et se coucha sans un mot, il était suivi par les sermons de Mike pour le mauvais tour qu'il lui avait joué. Il était censé bosser, pas aller s'amuser avec ses potes. S'il le reprenait à sécher comme ça, ce serait l'étude obligatoire. Comme ça, il les aurait devant les yeux. Erwan frémit tout en se demandant si ce ne serait pas finalement mieux pour lui. Juste travailler, être surveillé, supporter les regards malgré l'épuisement, mais ne plus risquer une telle proximité avec Raphaël ?
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La poésie de l'encre
RomanceIl y a Solitude, d'un blanc éclatant, elle ne se laisse pas oublier. Elle a noué ses grands bras comme des voiles autour de ses épaules. Il y a Silence, il a l'habitude de passer inaperçu, mais un jour ou l'autre, il deviendra assourdissant. Il y a...