Bonus : insomnie

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Note : coucou tout le monde, voilà quelques temps que la poésie de l'encre est terminée. Ce mois-ci, c'est le Writober (2018) et je vous propose d'essayer d'écrire des chapitres bonus à cette histoire. Juste du bonus pour le plaisir. Peut-être que les chapitres se suivront, peut-être pas. Les longueurs seront totalement variables. Je verrais en fonction de l'inspiration. J'espère que ça vous fera plaisir de retrouver Erwan, Raphaël et les autres. N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez.

Le thème du jour : Insomnie

Le plafond paraissait noir au-dessus de sa tête. Le volet fermé ne laissait pas échapper la moindre luminosité dans le cas contraire, le vieux lampadaire plus bas dans la rue aurait peut-être suffi à éclairer un peu la pièce. Erwan observait la surface sombre depuis des heures maintenant. A côté de lui, Raphaël dormait profondément. Il ne voulait pas le réveiller.

Son ventre se tordait au grès de ses angoisses. Les nuits étaient toujours des périodes difficiles lorsque les cauchemars reprenaient leurs droits et se faisaient envahissant. Il se réveillait parfois sous les coups de couteau. A d'autres moments c'était la foule qui se refermait sur lui et chaque personne qui la composait lui voulait du mal. Il entendait les murmures qui devenaient brouhaha. Au réveil, son cœur battait la chamade comme pour lui ordonner de courir, aussi vite et loin de possible. Il fallait toujours un certain temps pour qu'il parvienne à se domestiquer, à calmer les choses et à se rassurer. Raphaël dormait entre lui et la porte. Porte close dans un petit appartement verrouillé. Il ne risquait rien, alors pourquoi se retrouvait-il encore et toujours à observer ce plafond ?

- On devrait le peindre.

Erwan sursauta et se retourna vers la voix qui s'était élevé. Raphaël ne dormait finalement pas. C'était presque devenu une routine. S'ils n'avaient pas un rendez-vous tôt le lendemain, Erwan s'en serait peut-être un peu moins voulu.

- Le peindre ? demanda-t-il néanmoins.
- Oui, le plafond ... avec de l'encre fluo et on pourrait installer des lumières noires.

Raphaël dormait à moitié, ça s'entendait à sa voix. Visiblement, lui, il n'était pas stressé ni par la nuit, ni par les cauchemars, ni par ce qui les attendait le lendemain matin. D'un autre côté, malgré les années qui passaient tranquillement, il n'était toujours pas du matin. Régulièrement, il faisait peur aux clients potentiels. Au début, perdre des contrats aussi bêtement l'avait mis hors de lui, mais au fur et à mesure, il s'était habitué. A présent, il évaluait avec soin la meilleure stratégie. Certains clients étaient plus à l'aise s'il venait seul. D'autres se vexaient de ne pas voir les deux artistes. D'autres encore étaient gênés à l'idée de les voir ensemble. Il fallait composer avec les attentes de chacun.

- Tu pourrais nous faire des toiles érotiques ... sur tous les murs.
- Hey ! Mais tu ne dors pas du tout en faites !
- Mmm ... Tu crois ?

Raphaël s'était doucement redressé et il déposa un baiser dans son cou, le faisant frissonner.

- Tu préférerais un autre sujet ?
- Je pense surtout à laisser le plafond blanc. Murmura-t-il alors que son petit-ami, d'un coup de hanche, se retrouva au-dessus de lui, parsemant son corps de baiser.

Les frémissements qui le parcouraient étaient à présent bien différent de ceux de l'angoisse. Ils étaient anticipations, excitations et envies. Il glissa ses mains sur les épaules de son compagnon et trouva bientôt sa bouche. Ils s'embrassèrent, doucement, passionnément, tendrement. Raphaël n'était toujours pas le plus sage d'entre eux, mais ce fut néanmoins lui qui chuchota :

- Il faudrait que tu dormes.

Erwan se mordilla la lèvre puis l'embrassa. Il avait raison. Il avait parfaitement raison sinon pour une fois, ce serait lui qui affolerait leur client. Raphaël se laissa retomber sur le côté embarquant le poids plume qui lui servait de petit-ami dans le même mouvement. Erwan se retrouva à peser contre les muscles épais de son compagnon.

- Ta bouche me dit de dormir, mais je sens autre chose qui me propose une activité qui n'a rien à voir.

Un sourire s'étalait sur le visage du métalleux qui le regardait avec passion. Oui, la nuit était définitivement finie, mais avec les derniers lambeaux de sommeils qui s'étiolaient, l'angoisse partait elle aussi. Au fil des années, les insomnies étaient devenues moins graves parce qu'à présent, Raphaël était à ses côtés. Ce n'était même pas qu'il se sentait protégé, c'était simplement l'idée qu'il était là, présent. Affronter la vie à deux, Erwan pouvait le faire.

Au petit jour, les réveils sonnèrent et les deux hommes se préparèrent doucement, chassant d'une douche les traces sulfureuses de leurs nuits. Les cernes partaient plus difficilement mais qu'importe. Ce qui était le plus dur avec l'insomnie, c'était le poids de la fatigue qui prenait place sur ses épaules. Erwan parvient néanmoins à faire bonne figure, contrairement à Raphaël qui n'y mit pas vraiment du sien non plus, alors que le projet l'intéressait vraiment.

Après tout, comment ne pas être particulièrement emballé par la réalisation de la communication complète d'un groupe de musique qui collait parfaitement à ses goûts ? Pour une fois, c'était Erwan qui pouvait faire tâche, il avait beaucoup appréhendé le rendez-vous, mais l'agent était courtois, sympathique et très professionnel. Il avait pourtant des attentes surprenantes qui n'étaient pas dans le champ de leurs compétences.

- Pourriez-vous également réaliser un clip animé ?

Erwan déglutit fortement pris de court pendant que Raphaël assurait que c'était dans leurs cordes. Ils pouvaient réunir une équipe assez conséquente pour gérer l'ensemble du projet. Voilà qui promettait bien d'autres nuits blanches et autant d'heures rongés par l'angoisse et les questionnements.

Au fil des années, l'équipe s'était en effet enrichie. Le groupe d'ami de Raphaël aurait sans doute dû être des plus éphémères et pourtant, ils travaillaient à présent tous ensemble. Ils peignaient, ils dessinaient, ils concevaient des projets, ils répondaient à des appels d'offres, ... et la petite imprimerie proche de la faillite qu'ils avaient reprise était à présent à flot. Il y avait eu des moments de doute, des accrochages variés et pourtant, ils étaient toujours là et visiblement, ils allaient devoir faire appel à des animateurs en plus du reste.

En sortant de là, Erwan ne put s'empêcher de conclure dans un sourire mutin :

- Tu es un défi à toi tout seul, hein ?

Raphaël éclata de rire tout en confirmant cela avant de se pencher vers lui et de lui murmurer tendrement à l'oreille :

- Je t'aime.

La poésie de l'encreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant