Raphaël avait posé son front sur ses avant-bras, repliés devant lui. Il était crevé. La veille, il n'avait pas réussi à s'endormir. En fait, il n'avait pas encore réussi à se calmer. La discussion l'avait mis tellement en colère, il ne cessait plus de se la ressasser. Il y avait un moment qu'il avait compris qu'Erwan le prenait pour un idiot. Après tout, vu ses résultats scolaires, ce n'était pas surprenant. Il détestait ça. Il n'était pas bête quand même ! Non. Il ne l'était pas. Il avait bien des défauts, mais il savait réfléchir.
C'était sans doute parce qu'Erwan pensait imbécile qu'il avait cru que le menacer suffirait à le faire taire. Erwan ne voulait pas entendre la vérité ? Il voulait jouer la pauvre petite victime du méchant homophobe ? Sérieusement, c'était pathétique. Raphaël ressentait un tel élan de haine. C'était tout à fait nouveau pour lui. Il y avait des gens qu'il n'aimait sérieusement pas. Il avait eu des conflits avec un paquet d'autres personnes, mais il n'avait jamais ressenti un courant d'émotions aussi froid, aussi profond et aussi violent.
Il avait envie de taper sur ce mec. De le cogner jusqu'à ce qu'il comprenne à quel point il était immonde. Il soupira. La violence n'était pas une solution. Peut-être que s'il se le répétait assez souvent, il parviendrait à s'en souvenir avant que ses poings n'arrivent dans sa petite face de salope. Ce soir, il ne retournait pas à l'internat. Il prenait le train pour rentrer chez ses parents et pour une fois, il en était presque soulagé. S'il cognait Erwan, ça se retournerait contre lui. Avoir un peu de temps pour se calmer, ce ne serait pas un mal.
La journée passa lentement, il n'avait presque plus de clopes ce qui n'arrangeait pas son état de nerfs. Il fixa la pendule la moitié de la journée et sauta sur ses pieds dès que la dernière sonnerie retentit. Ils n'étaient qu'au beau milieu de l'après-midi, mais le vendredi, les classes composées majoritairement d'internes étaient libérées plus tôt. C'était bien pratique parce que la journée était loin d'être terminée. Il remonta toute la cour jusqu'à l'internat. Là, il y avait une pièce où ils posaient leurs affaires. Erwan n'était pas là. Il n'était jamais là au moment des pics d'affluences. Il attendait certainement qu'il y ait presque plus personne. Tant mieux.
Raphaël choppa son sac qu'il passa en bandoulière et sa basse qui alla reposer sur son épaule, contre son sac de cours. Il était chargé comme une mule, comme tout les autres. Ça serait presque drôle s'il n'était pas censé grimper dans un bus, attendre debout en équilibre en espérant de ne pas être trop chahuté par les coups de freins. S'il se pétait la gueule, Zach et le reste des potes allaient se foutre de lui, pensa-t-il. Il prit néanmoins un moment pour les attendre. Quand ils furent tous réunis, ils firent le trajet jusqu'à l'arrêt de bus tout en discutant. Raphaël réussit à extorquer une clope à Sacha juste avant de grimper dans le bus qui fut rapidement rempli à raz bord.
Il parvint à rester sur ses pieds, ce qu'il était toujours plus facile à dire qu'à faire et descendit, avec presque tout le monde, devant la gare. Là, certains se mirent à courir, visiblement en retard et peu désireux d'attendre le train suivant. Raphaël et ses potes allèrent tranquillement devant le tableau d'affichage où ils se posèrent comme ils le pouvaient contre les panneaux publicitaires. Le train de Nathaniel fut le premier à être annoncé. Il leur fit un signe de la main et partit tranquillement. Ce n'était que le premier, un second train fut annoncé, Sacha et Zach partaient ensemble.
Lui, il attendait toujours un bon moment. Il faisait les deux heures et demie de voyage seul. Dès que ses amis s'en allaient, il enfonçait ses écouteurs dans ses oreilles et se laissait bercer par la musique. Une bonne demi-heure plus tard, son train fut enfin annoncé. Il marcha jusqu'à la voie où il s'installa pour fumer en attendant son train. Erwan était sans doute par là. Cet idiot prenait la même ligne que lui. Généralement il ne le voyait pas. Erwan savait se faufiler. Ce jour-là n'y fit pas exception. Raphaël ne le remarqua pas.
Il s'installa au premier siège seul qu'il trouva, éparpillant ses affaires aux mieux pour qu'elles ne dérangent pas, mais également pour que personne ne soit tenté de s'installer à côté de lui. Il ne lisait pas. Ceux qui le faisaient avaient l'air de passer le trajet plus rapidement que lui. Certains révisaient. Ce n'était pas trop son truc, ça non plus. Enfin, ses profs seraient sans doute ravis s'il choisissait de passer ses trajets à réviser, mais il ne le ferait pas.
Il préférait encore s'ennuyer en regardant par la fenêtre. Le problème avec l'ennui, c'était les pensées parasites qui venaient s'accumuler dans sa tête. Il ne pouvait pas s'empêcher de penser à Terrance. A l'époque, ils n'avaient pas immédiatement saisi le petit jeu auquel jouait Erwan. Personne n'avait compris. Ils auraient sans doute dû, ça aurait pu éviter tout ce qu'il s'était passé ensuite.
Quand le train freina finalement le long de sa gare, dehors, la nuit était tombée. S'il avait de la chance, c'était la voiture de sa mère qui serait garée devant. S'il n'en avait pas, ce serait celle de son père. S'il n'en avait vraiment pas du tout, sa mère n'aurait pas pu l'accompagner. Il n'était pas pressé d'avoir la réponse, mais il se prépara à sortir avant l'arrêt du train. Les portes ne restaient pas ouvertes longtemps et avec toutes ses affaires, il avait des difficultés à se déplacer.
Devant la gare, il y avait une voiture blanche, un break, c'était la voiture de son père. Il était dedans, seul. Raphaël soupira. Franchement, il espérait que ce week-end serait plus tranquille que les précédents. Il installa ses affaires à l'arrière, prenant soin de poser sa basse à plat, sur le dos et de la bloquer pour qu'elle ne subisse pas de chocs. Il prit une grande inspiration et alla affronter son père. Ils échangèrent des banalités en essayant de se forcer tous les deux à ce jeu qu'ils ne comprenaient pas vraiment. Parfois, le silence durait un petit moment entre deux questions. Un silence gêné, désagréable.
- Et sinon ... Tu n'as pas ... rencontré une jolie fille ?
- Papa ..., ce seul mot charriait toute la lassitude que pouvait ressentir Raphaël, mais son père reprit.
- Quoi, j'ai encore le droit de rêver non ? Et puis on ne sait jamais ... ça pourrait ... Écoutes, ça pourrait te passer ! Tu sais, il ne faut pas que tu restes braqué. Si tu essayes vraiment ... Tu pourrais ... tomber amoureux.
- Papa, je suis gay. Ça ne va pas changer en faisant un effort. Si je tombe amoureux, ce sera d'un mec.Le père crispa ses doigts sur le volant, d'une façon tout à fait involontaire. Son ventre se contractait douloureusement et il cherchait à camoufler une grimace de répugnance. C'était dégoûtant. Son gosse, tomber amoureux d'un mec ! Il aurait tout entendu. Déjà qu'il "baise des mecs", il ne l'avait toujours pas digéré. Mais même en admettant que ça puisse être une forme bizarre de perversion, tomber amoureux d'un homme, c'était tout autre chose. Avoir des sentiments pour un autre type ? Il ne pouvait pas comprendre.
- Mais t'as essayé au moins ? T'as regardé les filles un peu ?
Raphaël soupira. Il pouvait regarder toutes les "filles" du monde, ça n'y changerait rien. Il avait tout à fait conscience de la beauté d'une jolie fille seulement, ça ne l'attirait pas, pas plus qu'un joli arbre ne pouvait lui faire le moindre effet ! Non, s'il tombait amoureux, ce serait forcément d'un autre homme. À ses yeux, c'était l'évidence même. Il espérait que d'ici là son père parviendrait à prendre un peu de recul sur les choses, sinon, cela deviendrait d'autant plus compliqué.
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note : alors, alors. Raphaël est homosexuel, mais il est surtout tout à fait conscient de son orientation sexuelle et il n'a pas l'air de la cacher. Est-ce que vous vous y attendiez ? Ce n'était qu'une petite révélation et on est loin d'avoir terminé. J'ai tellement hâte que vous sachiez tout pour en parler avec vous !
N'hésitez pas à me laisser des commentaires et à bientôt :)
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La poésie de l'encre
RomanceIl y a Solitude, d'un blanc éclatant, elle ne se laisse pas oublier. Elle a noué ses grands bras comme des voiles autour de ses épaules. Il y a Silence, il a l'habitude de passer inaperçu, mais un jour ou l'autre, il deviendra assourdissant. Il y a...