Zach s'était invité pendant la période de l'étude, demandant s'il pouvait participer au soutien scolaire. Les garçons avaient accepté, bien-entendu même si Raphaël s'était foutu de sa gueule ouvertement. Il savait pertinemment que son pote était vraiment stressé pour ses notes derrière ses airs de je-m'en-foutiste. Il voulait réellement travailler, améliorer son niveau et réussir son année. Mais au fond il venait surtout pour surveiller Erwan.
L'idée amusait pas mal Raphaël, après tout, Zach allait être déçu. La grande majorité du temps, ils ne faisaient que dessiner à quatre mains. Leur rapprochement, leurs mots secrets, la poésie derrière leur relation, tout ce qui était en train de naître entre eux était là, sur le papier. C'était dans l'encre qui se mêlait en douceur. A petite touche, à force de petits coups de stylos, tout naissait juste là sous leurs doigts. L'histoire du protecteur n'avait rien de romantique et pourtant, c'était à son contact qu'ils se rencontraient.
A présent qu'il était installé sur le lit de Raphaël, posé dans un coin, la situation lui paraissait assez étrange. Zach ne voyait que deux mecs qui bossaient en silence, s'échangeant les feuilles sans même commenter le travail de l'autre. Ils ne se disaient pas : tu as bien bossé. Ils ne proposaient pas des pistes d'améliorations. Ils ne semblaient pas communiquer. En faites, ils n'en avaient simplement pas besoin pour se comprendre, pour se surprendre, pour se répondre. Mais comment Zach aurait-il pu le voir ? C'était assez froid et étrange à observer. Par deux fois, il se demanda si les garçons se faisaient la gueule ou s'ils n'osaient rien dire à cause de lui. Ce n'était pas le cas. Il contemplait une authentique séance de travail.
Quand Mike était venu annoncer le couvre-feu, il les avait retrouvés comme ça. Il expliqua à Zach qu'il était temps de retourner dans sa chambre, tout en le félicitant de prendre du temps pour étudier. Il était presque surpris de ne pas les retrouver autour d'une basse, d'une guitare ou de tout autre instrument bruyant.
Tout en partant, Zach avait jeté un regard d'avertissement à son pote. Pas de connerie. Il devait rester sur ses gardes. Une fois la porte fermée, Erwan avait demandé :
- Zach a un soucis en ce moment ?
- Ouais. Un grave. Il se transforme en mère poule. Tu crois que je lui dis qu'il commence à ressembler à une gonzesse ?Erwan soupira doucement, malgré le léger sourire qui s'était accroché à ses lèvres.
- Ce que tu dis est sexiste.
- Pouah, tu sais pas te marrer, hein ?Erwan haussa doucement d'une épaule, mal à l'aise. Manquait-il d'humour ? Il sursauta quand des bras puissants s'enroulèrent autour de son corps et le ramenèrent plus près de Raphaël. Il faisait de plus en plus souvent ce genre de choses et Erwan trouvait ça affreusement bon. Il aimait laisser ses doigts glissaient sur ses bras. Il aimait sentir ses muscles qui roulaient doucement sous ses doigts trop maigres. Ces contacts étaient horriblement bons.
- Tu es un terrible râleur., reprit Raphaël.
- On dirait oui ...Ce n'était qu'un chuchotement perdu dans une étreinte douce. Raphaël finit par le relâcher uniquement parce qu'ils devaient éteindre s'ils ne voulaient pas que Mike ré-ouvre la porte. S'il les trouvait comme ça, ils auraient deux homosexuels à mettre dans des chambres séparées. L'administration s'arracherait sans doute les cheveux. Raphaël pensa que c'était presque tentant, juste pour les voir galérer. Juste pour observer leurs visages ahuris, mais au fond, Raphaël tenait à son petit confort. Il n'avait pas la moindre envie d'être séparé d'Erwan.
Ce fut ce soir-là que cela se produisit. Lumières éteintes, cœurs battant à toutes allures et caresses douces. Erwan n'aurait jamais osé faire le premier pas. Cependant, Raphaël n'était pas timide alors avec une tendresse infini, il s'approcha des lèvres du garçon et les embrassa. Il attendit, une petite seconde, sans doute moins, mais assurément une éternité, puis Erwan lui répondit. Ils s'embrassèrent. Ils laissèrent leurs lèvres se frôler. Du bout de la langue, Raphaël le goutta et leur baiser devient plus dur, plus envieux, rempli d'une nécessité impérieuse.
Leurs mains glissaient sur leurs peaux respectives. Du bout des doigts, ils apprenaient à se connaître. Ils n'allèrent pas beaucoup plus loin ce soir là, parce qu'Erwan était pétri de peurs et d'angoisses. Parce que Raphaël voulait y aller doucement. Parce qu'il voulait tout découvrir de lui, parce qu'il voulait plus que son corps et que ses traits sur du papier.
Alors qu'Erwan s'était endormi près de lui, Raphaël resta éveillé. Est-ce que Zach deviendrait un problème ? Il voulait croire que non. Ils étaient amis depuis longtemps et ça comptait pour lui. Ses potes l'avaient accepté comme "gay". C'était quelque chose qui lui paraissait acquis. Accepter Erwan serait une autre paire de manches et puis ... Quelque part il savait qu'entre une acceptation théorique et le fait de le voir réellement avec un autre mec, il pouvait y avoir un monde. Pour le moment, il n'était gay que d'une façon somme toute imaginaire dans leur esprit. Les choses allaient changer et ils devraient s'y faire.
Jour après jour, ils se rapprochaient. Il ne comptait pas le leur cacher, même s'il n'était pas du genre amoureux transi capable de crier sous tous les toits ses sentiments. Ce premier baiser, c'était un pas en avant, quelque chose d'assez inédit. C'était quelque chose de précieux. Il allait chérir chacun de ses moments. Il allait chérir Erwan.
Erwan se sentait bien auprès de lui. Tout ce qu'il voulait c'était que ça dure encore. Zach et ses regards l'inquiétaient. Il avait peur de perdre tout ce qui était en train de se construire ici. Il ne voulait pas envisager l'avenir de crainte que ça ne lui porte malheurs. Tout ce qu'il voulait, c'était de profiter pleinement de cet instant, de ce cocon de chaleur et du goût de Raphaël sur ses lèvres. C'était bon. C'était délicieux et si chaque jour pouvait être aussi serein que celui-ci alors il aurait trouvé le bonheur. Dans ses bras, son sommeil se faisait sans le moindre cauchemar. Il était simplement bien.
Tout ce qu'il voulait, c'était de continuer de se réveiller, la joue posée sur son torse nu, à écouter son cœur battre paisiblement. Il voulait cacher son nez dans son cou et l'embrasser doucement, là où sa peau était la plus fine. Il voulait respirer son odeur. Il voulait de tout ça pour le reste de sa semaine, pour le reste du mois, pour le reste de l'année ... et sans doute pour le reste de sa vie. En attendant, il se repaissait de sa chaleur et de ses étreintes.
C'était un fait étrange. Une idée bizarre. Une espèce d'anomalie. Mais c'était également la vérité, Erwan était amoureux. Erwan était heureux.
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La poésie de l'encre
RomanceIl y a Solitude, d'un blanc éclatant, elle ne se laisse pas oublier. Elle a noué ses grands bras comme des voiles autour de ses épaules. Il y a Silence, il a l'habitude de passer inaperçu, mais un jour ou l'autre, il deviendra assourdissant. Il y a...