La plaie

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Erwan avait vomi plusieurs fois avant que les hauts le cœur ne se soient calmés. Quand il revint, Raphaël avait ramassé toutes les affaires et les avaient de nouveau bouclé dans sa pochette. Il semblait un peu vexé, alors Erwan resta là, à tripoter sa manche sans vraiment arriver à s'approcher davantage.

- J'espère que c'est pas mon boulot qui t'as fait cet effet là., marmonna Raphaël.

Il avait lancé ça comme une broutille, mais ce n'en était absolument pas une et Erwan ne s'y trompa pas. Suivant ce qu'il répondait, Raphaël risquait de réellement se refermer comme une huître et de ne plus montrer ses œuvres à quiconque. Il avait compris à quel point le sujet était dramatique sensible pour lui. Alors, c'est avec un empressement maladroit qu'Erwan reprit.

- Non ! J'te jure. C'est ... vraiment bien. Tu as fait un super boulot. C'est ... C'est que moi qui déconne. Je suis désolé.

Raphaël n'avait pas l'air prêt à lâcher. Il y avait beaucoup de questions qui attendaient des réponses depuis trop longtemps. Il n'avait pas insisté par textos, mais à présent qu'ils étaient en face à face, les choses étaient différentes. Il voulait des réponses.

- Mais encore ?
- Je ... Je ... Tu le sais. Je ...
- Tu quoi ?, la voix de Raphaël sembla étrangement lasse.
- Je ... ne fais pas exprès.
- Oh pitié ! Tu vas vraiment me ressortir tes conneries à base de "je suis gay" et en quoi ça ...

En quoi ça pouvait lui donner envie de vomir. C'était la fin de sa question, mais Raphaël se tut soudain en comprenant ce qui avait pu se produire. Est-ce qu'Erwan l'avait regardé comme ça ? Comme un partenaire potentiel ? Est-ce que ça lui avait plu ? Visiblement pas puisqu'il était allé jusqu'à en gerber. Le jeune homme blêmit en comprenant les excuses maladroites que tentaient de prononcer Erwan.

- Putain ! C'est encore plus humiliant. Je suis moche à ce point ?
- Hein ? Non ! Non tu ... Je ... Je ne veux pas te rendre comme moi.

Raphaël se passa une main sur le visage, soudain épuisé. Il était beaucoup trop tôt dans la journée pour de telles conneries, pensa-t-il. S'il n'y faisait pas gaffe, il allait mettre son poing dans la figure d'Erwan en plus, parce que certains de ces mots étaient justes infectes. À chaque fois qu'il les entendait, il sentait son sang se mettre à bouillir dans ses veines alors que son palpitant s'emballait dangereusement. Il souffla. Il pouvait le faire. Le mec qu'il avait découvert petit à petit, ce mec-là pouvait le mériter.

- Etre gay, ce n'est pas une maladie. Ce n'est pas contagieux. Tu ne peux pas rendre les autres gays. Il faut vraiment que t'arrêtes avec ces conneries. Tu vas te faire démolir un jour à dire des merdes pareilles.

Erwan baissa à peine les yeux. Il ne comprenait pas pourquoi Raphaël disait ça. Tout ce qu'il essayait de faire c'était de le préserver. Il ne voulait surtout pas que ça recommence. Il ne voulait plus jamais que ça recommence. Mais Raphaël reprit immédiatement sans lui laisser le temps de répondre ou même de formuler la moindre négation.

- Écoutes moi bien parce que je vais pas te le répéter. Tout le monde s'en fout de tes goûts. Le problème, c'est ce qu'il s'est passé avec Terrance. Tant que tu n'expliqueras pas clairement ta version, personne ne peut comprendre. Il est mort ! Ses potes mériteraient quand même des explications tu ne crois pas ?

Erwan reculait en faisant non de la tête. Il se bloquait totalement à chaque fois que Raphaël tentait d'aller dans ce sens. Il ne voulait pas en parler. Il avait trop honte. Il tenta de détourner le sujet en attaquant directement ses propos. Il n'aurait jamais osé avant, mais ça allait mieux avec Raphaël.

- Tu te trompes. Le soucis c'est que je sois ...
- Gay ?
- Oui ...
- Ok. On va faire simple. Combien de personnes m'ont défoncé cette année ?
- Hein ?
- Allez, donne un chiffre.

Erwan ne parvient pas à imaginer qui que ce soit s'en prendre à Raphaël. Pas sans finir à l'hôpital en tout cas. Raphaël n'aurait même pas besoin d'aller jusque là, il leur faisait suffisamment peur pour qu'ils ne puissent pas oser. Sans compter qu'il était toujours entouré par ses amis.

- Aucun ?
- Ouais, aucun. Et pourtant, je suis gay.

Erwan se figea totalement avant de laisser échapper d'une toute petite voix un "quoi ?" incrédule.

- Je suis homosexuel. Un PD, une fiotte, .. Gay. Peu importe le mot que tu fous dessus, moi, j'm'en bas les couilles. En attendant, on ne m'emmerde pas. Si les autres t'emmerdent c'est par rapport à Terrance. Et je veux comprendre ce qu'il s'est passé. Racontes.

Mais devant Raphaël, le jeune homme continuait de reculer en faisait des petits "non" de la tête, les yeux agrandis par ce qui semblait être une frayeur intense. Il semblait vouloir fuir. Il semblait vouloir se cacher et disparaître.

- Tu peux pas être ...
- Gay ? Ah. Pourquoi ?

Erwan s'était arrêté, acculé contre un mur. Il restait sans voix. Comme pour le calmer, Raphaël se vautra un peu plus au fond de sa chaise, afin de lui montrer qu'il ne comptait pas venir l'attraper. Voyant qu'Erwan ne lui répondrait pas, le bassiste reprit tranquillement, d'une voix froide.

- Alors ? Parce que je suis censé planter pleins de bébés dans pleins de ventres ? Parce que le bon dieu, il parait qu'il est pas d'accord ? Parce que c'est pas assez viril ? Parce que ... Alors ? C'est quoi ta version ? J'en ai à la pelle et elles sont toutes débiles.
- Parce que tu es quelqu'un de bien ... Je n'ai pas voulu ... Je n'ai pas voulu ...
- T'es pas le centre du monde. J'étais gay avant de te rencontrer. Et je suis toujours la même personne. Ni mieux, ni moins bien. T'en as d'autres des merdes pareilles ?

En voyant le garçon se ratatiner davantage sur lui-même, Raphaël s'arrêta une seconde avant de reprendre, excédé.

- Je ne sais pas ce que tu t'es imaginé dans ta petite tête ... mais le silence ... Il t'aide pas.

Ce furent les larmes qui roulèrent sur les joues d'Erwan qui l'arrêtèrent tout à fait. 

La poésie de l'encreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant