La confrontation

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Ils étaient de retour dans la chambre, à travailler d'arrache-pied, enfin, ils auraient dû travailler d'arrache-pied, mais Erwan ne bougeait pratiquement pas. Raphaël était de mauvaise humeur. Le projet avançait lentement et Erwan semblait peu motivé. S'il ne travaillait pas davantage, ils ne s'en sortiraient jamais. Il ne comprenait pas vraiment il ne comprenait pas vraiment les réactions d'Erwan. Il avait l'air de se sentir mal en permanence. Une vraie diva qui espérait que les autres larmoies devant sa souffrance. C'était ridicule. Il n'avait vraiment honte de rien ! C'est peut-être pour ça, parce que ça le mettait tellement en colère, que ce soir-là, Raphaël explosa.

- Arrêtes. Ça suffit., cracha sombrement Raphaël.

Il n'en pouvait plus. Si Erwan continuait à le provoquer ainsi, en ralentissant leur boulot et en essayant de montrer à quel point il était malheureux ... Raphaël allait craquer et lui mettre sa main dans la gueule. Et pourtant, il n'avait pas envie de devenir violent.

- Ne fais pas comme si tu ne le méritais pas ...

Erwan ferma les yeux aussi fort qu'il le pouvait. Il savait que c'était juste, mais les coups reçus dans les côtes étaient particulièrement vicieux. Il tremblait comme une feuille, le corps ravagé par des arcs douloureux, dès qu'il levait le bras. Il aurait dû dessiner, mais ça faisait tellement mal ... Son stylo tremblait entre ses doigts. Le protecteur n'arrivait pas à prendre forme sous ses traits maladroits. Il ne pourrait sans doute pas avancer pendant quelques jours.

- ... s'il-te-plait ... ne cris pas.
- Pourquoi, tu vas te mettre à pleurer en plus ?

Oui. Erwan aurait pu répondre "oui", très honnêtement. Il avait envie de pleurer autant de douleur que d'épuisement. Les larmes lui montaient aux yeux alors qu'il rougissait sous l'humiliation. Il aurait voulu que Raphaël s'approche doucement, qu'il passe sa main dans son dos, qu'il soit délicat avec ses meurtrissures, qu'il lui propose de se coucher, qu'il lui promette que ça allait s'améliorer ... Il aurait voulu de la douceur, de la tendresse. À la place, Raphaël fit une grimace tout en prononçant quelques mots de haine.

- Tu me dégoûtes ...
- S'il-te-plait, arrêtes ...
- Est-ce que tu t'es arrêté toi ? Est-ce que t'as eu pitié ?

Erwan hésita un moment à se justifier. Néanmoins, il savait qu'il n'avait pas la moindre excuse pour expliquer ce qu'il était, l'immondice qu'il était. Il n'y avait rien à défendre. Afin que Raphaël se calme et le laisse tranquille, il murmura qu'il n'avait pas fait exprès. C'était tout à fait vrai. Il n'avait pas voulu de tout ça. Il avait même lutté pour que ça n'arrive pas.

- Tu n'as pas fait exprès ?

Raphaël semblait abasourdi. Il n'en revenait pas. C'était donc ça, sa défense ? C'était ça, ce que ce type se murmurait au plus profond de sa confiance pour se pardonner à lui-même ? Quoi, de la négligence ? Il n'avait pas encore compris à quel point il était coupable ? À quel point il était immonde ? La colère envahit un peu plus le ventre du jeune homme. Erwan ne voulait pas l'entendre ? Peu importe, il était prêt à le lui rappeler. Il parla d'une voix lente, détachant correctement chaque information, car chacune d'elle ajoutait un peu plus de poids à la culpabilité évidente d'Erwan.

- Tu ... n'as pas fait exprès ... de dénoncer ton petit-ami ... l'homme qui t'aimait ... en le faisant passer pour un homophobe ? Tu n'as pas fait exprès de le faire renvoyer d'une section difficile d'accès ? Tu n'as pas fait exprès de lui voler son avenir ? Ou quoi, tu n'avais pas prévu qu'entre ta trahison immonde et le fait qu'il n'ait plus la moindre chance de décrocher le diplôme dont il rêvait, il choisisse de se donner la mort ? Tu lui as tout pris ! Tu pourrais au moins avoir l'honnêteté de l'admettre !

Devant lui, Erwan restait figé, il n'avait pas l'air de comprendre. Il ne pouvait quand même pas s'être menti à lui-même au point de nier la vérité quand on la lui disait ? Raphaël faillit se lever pour lui mettre son poing dans la figure devant son manque de réaction, mais avant qu'il le fasse, un froncement léger de sourcil le surpris alors que le visage d'Erwan se tordait dans un masque d'incompréhension.

- Hein ? Non. Ce n'est pas ce qu'il s'est passé.
- Tu vas oser ? Sérieusement ? Tu vas oser dire que c'est faux ?

Erwan fit non de la tête, doucement et voyant que ça ne suffisait pas, il s'humilia volontairement. C'était une espèce de souffrance qu'il offrait en pâture.

- Non, je sais que c'est moi qui l'ai tué ... Je l'ai tué ... le jour où je l'ai rendu gay ...

C'était au tour de Raphaël de ne plus comprendre. Il mâcha un "pardon ?" choqué qui eut l'air très étrange dans sa bouche, mais qui poussa Erwan à continuer.

- Si je ne lui avais pas fait perdre l'esprit ... si je ne l'avais pas transformé en pd ... il n'aurait jamais ... eu tous ces problèmes.
- Mais tu t'entends parler connard !? C'est pas qu'il était pd son problème ! C'était ton petit ami ! Tu lui as planté un couteau dans le dos en le dénonçant pour des conneries !
- Je ne l'ai jamais dénoncé et ... ce n'était pas mon petit-ami.
- T'es sérieux là ?

Erwan frissonna. Raphaël allait le massacrer. Tous les signes avant coureur le lui annonçait. Néanmoins, il répéta aussi courageusement que possible tout en combattant un réflexe nauséeux :

- Ça n'a jamais été mon petit-ami. Je l'ai perverti et j'en suis désolé, j'ai jamais voulu ça ... mais ... C'est tout ce que j'ai fait et j'ai conscience que c'était horrible et ... que c'est à cause de ça .. mais je n'ai rien fait d'autres et je n'ai jamais voulu ... faire de lui ... une salope de pédale !

Raphaël s'était levé d'un bond. D'une main, il l'avait chopé par le col, le soulevant à moitié et de l'autre, il l'avait giflé de toutes ses forces envoyant voler son visage sur le côté.

- Tes actes ont tué ton petit-ami. Est-ce que tu veux vraiment salir sa mémoire ?
- Ce n'était pas mon petit-ami ! Ça n'a jamais été mon petit ami !! Jamais !

Raphaël le lâcha, dégoûté. Erwan parvient à peine à rester sur ses jambes. Les tremblements qui le secouaient étaient clairement visible et le long de ses joues, les larmes coulaient.

- Tu es immonde ..., reprit Raphaël.
- Je n'ai jamais voulu être gay !

Raphaël éclata d'un rire étrange.

- Oh chéri, au prochain propos homophobe qui sort de ta gueule, je te jure que je te refais le portrait. Ce n'est pas que tu sois gay, le problème ! Le problème c'est que tu n'assumes pas que Terrance t'aimait. T'assumes tellement pas que tu t'es vengé en le dénonçant. Tu as dénoncé ton propre petit copain, tout ça parce qu'il avait osé dire que tu étais gay ! Que vous étiez gay ! Ensemble ! En couple ! T'as pas aimé ? Je suis vraiment désolé pour toi, connard ! Mais est-ce que ça valait le coup de faire ta salope au point de tout lui arracher ?
- Tu ne comprends pas ... On était pas en couple. On l'a jamais été. Et j'ai rien dénoncé !

Ils restèrent là, à s'observer, furieux et désemparés. 

La poésie de l'encreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant