Shield Maiden

Chapitre 3 : Valkyries (11)

- Je crois que j'ai trouvé, fut la réponse d'Aaditya qui était plongée depuis quelques minutes dans une pile de lettres personnelles.

Une autre, bien plus officielle, avait été glissée là.

- Écoutez, reprit-elle avant d'entamer sa lecture : À l'estimé Capitaine Grandel, fidèle serviteur de la couronne depuis des décennies et vaillant commandant de vaisseaux pour l'Armada Royale, de la part du Secrétaire d'État à l'Armée, avec l'appui du Grand Prêtre Suprême du Culte Drakien, du Général Valkorian et sous les ordres de Sa Majesté, le bon roi Josphian IV.

Elle fit une pause après ce long énoncé de titre pompeux qui, bien plus que le langage utilisé dans la suite de la lettre, traduisait son aspect officiel. Elle se replongea dans le document lorsqu'elle comprit que les deux autres femmes avaient compris toute l'importante de sa découverte et attendait la suite avec impatience.

- Depuis de nombreux siècles, nous avons conscience qu'il existe au nord une terre et une espèce d'homme qui vit là malgré des conditions climatiques pour le moins difficile. Si nos esprits de conquête se sont toujours tournés vers nos voisins ou vers les terres sauvages du sud ou le royaume barbare des Îles du Couchant, c'est parce que ces terres gelées ne présentaient qu'un intérêt plus que marginal et qu'il fallait en plus franchir la longue chaîne de récifs justement nommée Mâchoire des Dragons.

Sur les dernières décennies, sous l'impulsion de notre Souverain plein de bonté et sous celle de son regretté père, un effort a été fait pour apporter à ces sous-hommes la lumière de notre civilisation à travers l'envoie de nombreux marchands. Il en ressort de leurs récits qu'il n'y a rien à attendre de ces « Frimarques » dans la mesure où ils ne sont même pas capables de subvenir à leurs propres besoins.

Vous n'êtes pas sans savoir que nous avons essuyé ces deux derniers étés de redoutables déconvenues en mer. Si nos frontières terrestres sont toujours aussi solides, notre flotte a un besoin urgent d'être reconstituée. Les besoins en bois surpassent largement ce que peuvent produire nos forêts et nous ne pouvons marchander que des volumes négligeables avec nos voisins afin de ne pas ébruiter notre faiblesse. Notre rusé Souverain, qui n'a à l'esprit que le bonheur de son peuple en est arrivé à concevoir un plan si intelligent et si infaillible qu'il doit faire la fierté de tous ses ancêtres et même des Drakes.

Puisque les Frimarques ne nous sont utiles en rien. Puisqu'il n'y a aucune culture à sauvegarder, il a décidé que cette espèce devait être exterminée afin de laisser la place à tous ces citoyens qui peinent à trouver des logements dans nos villes toujours plus peuplées. Ces morts, à la gloire des Drakes, seront assurément une offrande de choix. En effet, leur grand nombre compensera largement leur relative faiblesse, d'autant que durant l'année en cours, et la campagne d'été qui se prépare, il paraît difficile d'envisager la moindre guerre contre nos voisins. Dès que le terrain aura été nettoyé au Nord, nos citoyens, des volontaires qui n'auront à cœur que la grandeur de notre royaume et de son armée, rejoindront cette nouvelle colonie au territoire si vaste et couvert presque uniquement de forêts. Cette dernière n'est semble-t-il pas fertile mais l'expédition que j'évoque par ces mots, n'a pas vocation à agrémenter le dictionnaire botanique d'un quelconque scientifique dilapidant nos ressources. Un pin reste un pin et il y a là-bas tant de pins qu'il faudra des siècles à nos valeureux bûcherons pour en venir à bout. Par ailleurs, ce qui rend cette terre si difficile d'accès rendra aisé sa défense contre l'appétit de nos rivaux, lorsqu'ils auront eu vent de cette stratégie de génie et de notre victoire éclatante, avec tout le prestige que cela implique auprès des Drakes. Notre nouvelle armada sera également un argument de poids dans ce sens.

Seront joins à cette missive des documents qui comportent notamment l'ensemble des récits des capitaines ayant déjà traversé la Mâchoire des Dragons. Fort de votre expérience et de ces lectures dont nous ne doutons pas de la pertinence, vous devriez être en mesure de naviguer afin de porter, avec vos hommes, la divine rédemption des Drakes à ces singes du nord.

D'après les récits de nos marchands, vous ne devriez pas rencontrer la moindre résistance. Il n'y a là-bas pas de soldats ni d'armée. Tout juste une sorte de groupuscule exclusivement féminin comportant tout au plus une centaine de membres et circulant en groupe de deux à cinq individus. La vaillance des femmes n'étant pas sujet à débat, nous ne doutons pas que vous serez en mesure de les mettre en déroute sans même sortir vos lames de leurs fourreaux !

Si vos ordres sont d'exterminer la civilisation de Frima, village par village, ne perdez pas de temps à vous acharner sur les fuyards. Ces incapables peinant à assurer leur survie dans des conditions de paix, nous ne doutons pas qu'ils mourront d'eux même en temps de guerre. Ensuite, notre royaume connaîtra une grandeur inégalée ! Notre territoire surpassera par sa taille l'ensemble de ceux de nos ennemis réunis. Nous pourrons construire une flotte si grande et si puissance que son simple nom fera capituler même le plus téméraire des capitaines ! Et c'est de vos actions que découlera cette gloire. C'est sur vos épaules que repose notre futur. Votre mission est simple, j'en conviens, mais néanmoins particulièrement vitale. Votre échec, quoique inenvisageable, ne ferait que creusait un peu plus nos faiblesses et nous ne serions alors plus en mesure de les cacher à nos ennemis qui n'attendent qu'un faux pas de notre part pour nous anéantir, oublieux et jaloux qu'ils sont de la grandeur de notre Souverain et de notre peuple.

Votre mission aura pour objectif premier la « ville » de Firlindel. Vous prendrez la mesure de la qualité de ce peuple en voyant ce trou perdu et boueux qui est l'un des grands centres de leur civilisation. Sur ce raid, vous serez en compagnie de quatre autres navires. Une fois cette cible atteinte et rasée, vous suivrez la route de l'est tandis que les autres capitaines auront leurs propres ordres. Naviguez à travers cet océan d'îles et d'îlots. N'hésitez pas à tracer des cartes pour tous les glorieux travailleurs qui suivront, et rasez tout semblant de village que vous croiserez. Considérez ces mots comme étant émis de la bouche de Sa Majesté en personne et puisse les Drakes s'abreuver du sang que vous ferez couler.

Par les Crocs et la Lame, Au nom de Sa Majesté, Notre bon Roi Josphian IV, Blablabla.