Shield Maiden

Chapitre 7 : The Bloody Mountain Call / The song of the incoming Death (4)

Les hommes combattaient désormais depuis presque trois heures et l'épuisement venait s'ajouter à l'enfer du champ de bataille. Ceux qui combattaient étaient ceux qui s'étaient trouvés à l'arrière des rangs à attendre leur tour au début de la bataille, mais ils commençaient, comme leurs camarades tombés plus tôt, à fatiguer, ce qui les poussait à leur tour à faire des erreurs mortelles. Contrairement à ce qui s'était passé au début de la bataille, le bruit des armes était plus fort que celui des cris des combattants. Blessés et vivants n'avaient plus l'énergie de crier pour se donner du courage. Désormais, plus que les techniques de combat, c'était l'instinct de survie qui faisait la différence.

Le Roi rassembla une dernière fois ses cavaliers lourds et à la grande surprise des Shield Maiden qui continuaient d'observer ce qu'il se passait, se joignit à eux. Il ne restait plus que deux à quatre mille combattants au centre du col. En venant renforcer la cavalerie lourde avec lui-même et sa garde personnelle, le royaume avait toutes les chances d'arracher finalement la victoire, même s'il était évident qu'il avait déjà perdu la guerre. La grande majorité de ses forces ne quitterait jamais le col, avec ou sans l'intervention des Shield Maiden. Sa noblesse était décimée, tout comme ses soldats de métier et les paysans qui avaient été recrutés pour l'occasion. Il serait impossible pour le roi de résister à l'armée de six mille soldats de métier qui devait arriver dans les jours à venir d'après les informations qui avaient été recueillies par chacun des trois camps. Même si le général archadien perdait la totalité de son armée ici, il aurait tout de même rempli sa mission avec brio.

Il fallut de longues minutes pour que la cavalerie lourde et ses renforts se mettent en place puis ils lancèrent la dernière charge, ne prenant même pas la peine de faire semblant de contourner le front C'était une attaque frontale conçue pour en finir. En réaction, l'infanterie des deux camps commença à chercher à s'éloigner du centre car il était évident que cette charge ne ferait pas de distinction entre ami et ennemi. De l'autre côté, le général archadien rassembla ce qui restait de sa maigre cavalerie et s'élança à son tour avec ses quelques gardes du corps, vers le champ de bataille. C'était probablement son baroud d'honneur, l'acte finale d'une bataille qui n'avait que trop duré.

Et c'était le moment que choisirent les Shield Maiden pour prendre part au combat. En chargeant ainsi le roi venait de s'engager dans le combat et il lui serait désormais impossible de s'enfuir lâchement en sécurité en découvrant la présence d'un troisième protagoniste.

Les cavaliers lourds étaient protégés essentiellement frontalement contre les projectiles, et c'était l'une des raisons qui avait permise aux Shield Maiden de faire tant de dégâts lors de leur première charge. Cette fois aussi, malgré la distance, les deux volées qui partirent des bois firent de lourds dommages. La distance fit perdre de la puissance aux projectiles mais ce fut suffisant pour laisser près de vingt-cinq cavaliers sur le carreau. Le Roi ne fut pas de ceux-ci, protégé mais les immenses boucliers de ses gardes du corps, mais cette soudaine attaque provoqua un certain flottement dans la charge, puis dans la bataille elle-même lorsque les traits filèrent vers l'infanterie. Les hommes étaient épuisés et c'était des cibles faciles si bien que très rapidement il fallut ajouter près de trois cents morts, répartis plus ou moins équitablement entre les deux camps. Les combattants qui avaient commencé à s'écarter du centre de la bataille pour s'approcher des bois et éviter la charge des cavaliers durent soudain faire face à une nouvelle menace. Cela ne changea pas le cours des combats mais on put sentir pendant presque deux minutes un grand relâchement dans l'attention de chacun. Royaliste et Impériaux cherchaient tous les deux à comprendre, confusion renforcée par le fait que les pertes se faisaient dans les deux camps. En conséquence la charge du roi ne fut pas sans effet, mais perdit grandement en impact. Les cavaliers du général archadien n'étaient pas à la hauteur mais ils suffirent pour fixer le combat et il ne fut bientôt plus question d'une quelconque charge : le reste de la bataille était destiné à ne devenir qu'un fouillis de corps à corps, chaque camp essayant tant bien que mal de prendre le dessus sur l'ennemi en faisant tomber son état-major tout en défendant le sien.

Les Shield Maiden avaient de nombreuses flèches mais ce n'étaient rien à côté de ce qu'avait eu à disposition les trois cents archers archadiens. Conscient qu'ils étaient dangereux, elles avaient pris garde de viser en premier la dizaine de survivants qui continuaient à tirer malgré la fatigue et les pertes. Ainsi, elles eurent le champ libre pendant les cinq minutes que durèrent le déluge de flèches qu'elles firent tomber sur la mêlée généralisée. Quelques combattants se portèrent vers les bois pour les débusquer mais ils furent rapidement abattus avant même de présenter un quelconque danger. Finalement les traits se firent plus rares et les Shield Maiden se séparèrent en deux groupes : celles auxquelles on avait donné bien plus de flèches et qui restèrent dans les bois pour continuer leur macabre travail, et celles qui, une fois leurs projectiles épuisés, avaient prévu de sortir des bois pour faire parler l'acier de leurs lames. Æsa avait décidé d'être de cette seconde catégorie. Elle était excellente avec un arc, après une vie à chasser le difficile gibier de Frimarque, mais elle avait une soif de vengeance qu'elle ne pourrait apaiser que dans un corps-à-corps tout à fait sanglant.

Elle fut l'une des premières à sortir, au niveau du bois sud. Elle nota rapidement à sa gauche et à sa droite d'autres combattantes faire de même. En face, au niveau de l'autre lisière, d'autres sortirent à leur tour.

Le flottement qui avait eu sur le champ de bataille après leur déluge de flèches se reproduisit. Cette fois, l'ennemi invisible ne l'était plus et avec un rictus, la jeune chasseuse se dit que cela devait être une sacrée surprise pour ces hommes du sud qui n'avaient toujours prêté que bien peu de qualité aux femmes. Une surprise désagréable.