- Nous vous avons convoqué car nous aimerions que vous fassiez passer un message à vos citoyens, commença-t-elle.
L'homme essaya de se concentrer sur elle mais il était évident qu'il peinait à détourner son esprit, et ses yeux, du spectacle de la guerrière en train de boire le sang de son ennemi. Il ne pouvait savoir que les Frimarques, contrairement aux Hommes du Sud étaient parfaitement capables de digérer le sang, qui était une source importante d'énergie pour les chasseuses et les Shield Maiden.
- Je... Je vous écoute.
- Ne levez pas les armes contre nous.
L'homme, comprenant qu'on en venait finalement à négocier une reddition, regagna une partie de son assurance, son esprit essayant déjà de trouver une stratégie qui lui permettrait de gagner de l'influence auprès des autorités royales.
- Je vais faire passer le message mais vous comprenez que tout homme est libre d'agir et que...
- Vous m'avez mal comprise, le coupa Aaditya avec un sourire aussi dérangeant que celui de sa précédente interlocutrice. Alors laissez-moi reformuler. Ce n'est ni une demande, ni une négociation. Juste une information et un avertissement. Au moindre incident. Au moindre coup. À la moindre insulte, nous rasons la ville pierre par pierre et nous tuons tout le monde, du plus jeune des nourrissons au plus vieux de vos anciens. Les soldats de Cartel ont fait bien pire chez nous, alors nous n'aurons pas la moindre hésitation. En plus, la chair des enfants est bien plus raffinée que le gibier.
Il fallut une seconde à l'homme pour comprendre le sens de la dernière phrase. Il vomit aussitôt que son esprit visualisa ce qu'il se passerait, sous les regards amusés de certaines Shield Maiden. Il était inutile de lui dire que dans la culture Frimarque on ne mangeait pas le corps des enfants.
- Par ailleurs, nous allons disposer librement de ces cadavres, continua Aaditya en désignant du pouce les corps derrière son dos, sans prendre la peine d'attendre la fin des hauts de cœur de l'homme. Si lorsque nous repasserons ici, quelque chose a été modifié, nous raseront ce village également.
- Mais... S'il vous plaît, c'est mon... commença la femme
- Silence femme ! Commença le bourgmestre.
Lyvanya qui avait lu les récits du capitaine du commando qu'elles avaient combattu toutes les trois réagit instantanément. Son poing fila en avant et le pommeau de son épée droite atterrit violemment sur la joue de l'homme qui fut projeté au sol dans un craquement horrible qui annonçait clairement que le coup avait fait des dégâts. Elle se mit aussitôt en position pour affronter les deux gardes mais ces derniers, pas rassurés depuis le début s'étaient déjà reculés de plusieurs pas afin de ne pas engager le combat. La femme gémit face à la violence de l'action mais elle ne hurla pas et ne pleura pas de nouveau, même s'il n'y avait aucun doute sur le fait qu'elle était au bord de la crise de nerf et qu'elle se souviendrait probablement toute sa vie de cette journée.
Aaditya se tourna vers elle :
- Quel est le problème ?
- Mon... mon frère, fit-elle en tendant une main si tremblante qu'il était impossible de savoir également qui elle désignait parmi les nombreux morts de la place.
- Oui, et ? Il a affronté les Shield Maiden. Tous ceux qui se mettent en travers de notre chemin, nous appartiennent.
- C'est que c'est la seule famille qu'il nous reste et ma mère, elle ne se remettra pas de ne pas avoir de corps à enterrer.
Aaditya la contempla longuement et se méprenant sur le sens de ce regard, la villageoise sembla vouloir se fondre dans le mur. La plupart des regards alentour étaient portés sur la femme, même si certains, plus prudents, ne perdaient pas de vue l'homme qui gémissait au sol, le visage ravagé et le sang coulant sans peine de sa pommette explosée.
- Si la ville fournit un montant équivalent à ce que contiennent les cadavres, nous vous en laisserons la charge. Mais nous gardons les têtes. C'est non négociable.
La femme sembla s'en satisfaire et la Shield Maiden reporta son attention sur l'homme. Malgré sa corpulence, elle le releva sans peine en le prenant par le col. Les Frimarques n'étaient pas faits dans le même bois que les hommes du Sud, c'était un fait, et si ce que Danse-Mort avait raconté, cela n'avait rien de surprenant. Ils avaient subi la magie de la Mère, qui qu'Elle soit. La créatrice des mondes elle-même les avait endurcis pour qu'ils puissent résister aux terribles conditions de Frima.
- Cesse de pleurnicher vieillard. Tu peux t'estimer heureux de simplement être en vie. Les choses vont changer à partir d'aujourd'hui dans votre royaume minable. Et tu ferais mieux d'en intégrer rapidement les nouvelles règles. Là d'où nous venons, les hommes sont conscients de la valeur des femmes.
Il y avait de la haine dans le regard du vieillard quand il répondit :
- Votre peuple est faible !
La flèche le frappa entre les deux yeux et le projeta en arrière sur plusieurs mètres. Les gardes ne perdirent pas de temps cette fois, et ils prirent simplement leurs jambes à leur cou. Aaditya fixa l'homme avec surprise et se retourna au bout d'une poignée de seconde. Une Shield Maiden non loin de là se contenta de hausser les épaules et la jeune femme soupira. Cela contrariait ses plans mais ce n'était pas une mauvaise chose. Voilà un avertissement de poids. Elle se tourna à nouveau vers la villageoise qui les fixaient avec stupeur :
- Je suppose qu'il n'a pas de suppléant ?
Elle sembla hésiter entre vomir et faire un signe de la tête et finalement choisit la seconde option pour répondre négativement.
- Alors, à toi la charge de nous ramener de la nourriture et de faire passer le message pour les têtes que nous mettrons autour du village. En échange, je suppose que l'on pourra faire une exception et laisser le corps de ton frère aussi intact qu'il ait actuellement. File. J'ai assez parlé.
La jeune femme trébucha et mit quelques secondes à se souvenir comment elle trouvait l'équilibre avant de s'enfuir en faisant un grand écart autour du corps du bourgmestre.
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Shield Maiden
FantasyIl existe au nord des terres déchiquetées, des milliers et millions d'îles et d'îlots battus par les vents et couverts de glace pendant la majeure partie de l'année. Des terres qui sont si inhospitalières que les gens qui vivent là n'ont pas même le...
