- Les Drakes sont la même chose pour les hommes du Sud. Ce sont aussi les fils de Mère. Ainsi que nos compagnons, nos amants et les pères de nos enfants. Lorsque le monde fut créé, Mère décida d'impliquer chacun d'entre nous car elle craignait que nous ne finnisâmes par nous dissiper dans l'inactivité. Même nos esprits doivent s'occuper si nous ne voulons pas tout simplement disparaître. Elle donna à nos enfants les terres sauvages du Sud. Ils y firent naître des créatures fascinantes et un peuple libre et fortement connecté à leur monde dans la mesure où leurs esprits encore juvéniles étaient bien plus facilement compréhensibles pour les hommes. Elle confia aux Drakes la destinée du continent qui se trouve au Sud de Frima. Une terre riche et fertile car si nous les aimons de tout notre être, il est vrai que les Drakes n'ont pas l'intelligence de nos enfants. La facilité avec laquelle les hommes se reproduisaient en ce lieu permettait de s'assurer que la civilisation ne s'éteindrait pas même s'il arrivait quelques erreurs. Ces erreurs ont conduit les hommes du Sud à vénérer les Drakes comme des dieux, parfois bienveillants, parfois violents. C'est bien loin d'être leur vraie nature mais l'âme humaine n'est pas faite pour comprendre les desseins et le comportement des immortels. À nous, ses filles chéries, elle nous a laissé la plus aride des terres, celle qui demanderait le plus de travail et celle qui ne pardonnait que peu la moindre des erreurs. Il n'y avait guère, à l'époque, que quelques individus gelés sur le point de s'éteindre. Des parias du Sud, des explorateurs perdus et d'autres, venu d'ailleur. Mère garda pour elle son jardin secret, de l'autre côté, des océans. La vie avait pour vocation, là-bas, de suivre son cours sans aucune intervention des immortels. Et si des espèces devaient venir à s'éteindre, elle avait décidé de ne pas lutter contre cela.
Nous nous sommes acquittées de nos tâches pendant des milliers d'années. Les hommes sauvages ont prospéré en tribus glorieuses et puissantes, vénérant les esprits et croyant qu'en chaque être, en chaque plante et même en chaque lieu, vivait un esprit qui devait être respecté. Ils pouvaient suivre leur chemin sans l'aide de personne. Ce fut le premier argument de Mère.
Sur les territoires du Sud, ceux que nous autres, immortels, appelons Terre centrale, des empires naquirent et se défirent. Laissant parfois des ruines dans leur sillage ou aucune trace, comme s'ils n'avaient jamais existé. Ces hommes semblaient prompts à la violence, guerroyant sans cesse et croyant durs comme fer que le faible devait être écrasé pour que le fort vive. C'était une culture de l'autodestruction mais la fertilité de la terre leur permettait toujours de se relever de leur cendre. Ce fut le second argument de Mère.
Au nord, Frima était née et grandissait peu à peu. Notre peuple peinait à survivre dans ces étendues glacées mais les quelques individus avaient donné naissance à de nombreuses familles et à des centaines de villages disséminés sur l'archipel. Mère, consciente que l'environnement était hostile à notre peuple décida de changer la donne. Elle créa de toute pièce ceux que vous nommez les Glaricz, afin que les Frimarques puissent trouver plus de proies. Elle toucha, de sa divine énergie, les corps et les cœurs de vos ancêtres, renforçant leurs capacités à survivre dans des conditions hostiles, aussi bien au froid qu'à la faim, et apportant à leurs esprits la capacité à se remettre sans peine des morts de ceux qui leur étaient chers. Ces dons furent le troisième argument de Mère. Cependant, consciente de la fragilité de notre création, elle créa une muraille sous-marine, ce que vous appelez la Mâchoire des Dragons, afin de séparer notre fragile peuplade pacifique de ses voisins belliqueux du sud.
Le monde ainsi figé, tout en étant lancé dans son évolution naturelle, elle nous annonça sa décision de se retirer pour le grand repos, qui devait durer jusqu'à ce que l'équilibre soit perturbé ou qu'un grand cataclysme lui donne l'énergie nécessaire à la création d'un nouveau monde. Ce faisant, conscient que son pouvoir supérieur ne serait plus là pour nous seconder, nous guider ou corriger nos erreurs, elle ordonna notre retrait, et notre retour dans les Royaumes qui étaient les nôtres à la création du monde. Nous partîmes apaisées de nos craintes pour ce peuple que nous avions chéri et choyé des millénaires durant, et impatientes d'enfin retrouver les étreintes réconfortantes des pères de nos enfants. Tout au bonheur de nos retrouvailles, perdus dans la joie des rires de nos enfants, nous avons peu à peu cessé de surveiller votre évolution de loin, d'autant que dans les premiers siècles, les choses se déroulaient comme Mère l'avait prévu : des Empires naissaient et périclitaient dans le sang sur la Terre Centrale ; les hommes et les femmes plus solides de Firma survivaient et se reproduisaient, hiver après hiver et enfin, au sud, les choses demeuraient immuables au cœur des Terres Sauvages. Quant au territoire de Mère, et bien, il avait toujours évolué sans aide si bien que notre retrait n'avait aucune influence. Nous nous sommes perdus et nous avons partiellement oublié, les années s'écoulant toujours plus nombreuses entre deux vérifications, devenant des décennies puis des siècles. À dire vrai, le dernier immortel a avoir parcouru cette terre était un nouveau-né qui avait échappé à la surveillance de ses deux parents. Ce qu'il nous a compté était conforme à nos souvenirs et à nos espérances si bien que nous avons continué à vivre notre vie comme elle l'était avant la création de ce monde. Et c'était il y a deux mille cinq cents ans.
Et pourtant, les choses semblent avoir bien changé. Peut-être est-ce à l'initiative d'un seul royaume mais au vu du contenu de la lettre j'en déduis que les hommes de la Terre Centrale ont déjà envahi, partiellement ou totalement, cela reste à déterminer, les Terres Sauvages et voilà que maintenant leur attention se porte sur Frima. Il me semble qu'il est temps de rétablir l'équilibre. Mes sœurs vont traquer les navires restant puis parcourir le monde et juger de son état.
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Shield Maiden
FantasyIl existe au nord des terres déchiquetées, des milliers et millions d'îles et d'îlots battus par les vents et couverts de glace pendant la majeure partie de l'année. Des terres qui sont si inhospitalières que les gens qui vivent là n'ont pas même le...