Tout d'abord, les femmes du continent ne voyageaient jamais seules. Elles se déplaçaient uniquement sur des chariots tirés par des chevaux, ou à pied quand elles n'avaient pas les moyens de faire autrement. Monter à cheval requérait un équipement qu'elles n'avaient pas le droit de porter, visiblement, à savoir un pantalon. Mais pas cette femme. Elle portait un pantalon et une cuirasse, ainsi qu'une longue cape pour la protéger des éléments. Elle n'avait pas d'arme mais elle semblait à l'aise sur sa monture. Elle n'avait pas l'assurance, de certains des combattants que Æsa avait déjà affronté mais elle n'était plus non plus une débutante. Comme si elle avait commencé à monter relativement récemment mais avait passé une bonne partie de son temps, depuis, sur le dos d'une monture.
Plus surprenant encore, elle s'arrêta à côté des restes calcinés de ce qui avait été le convoi de Alvin Vor Goran. Les cadavres avaient disparu depuis longtemps mais la charrette restait clairement visible.
Elle aurait dû fuir en voyant qu'elle rentrait dans une zone dangereuse mais elle n'en fit rien. Elle n'était clairement pas rassurée mais elle descendit pourtant de cheval et se pencha comme pour lire ce qu'il s'était passé ici. Il était cependant clair pour Æsa qu'elle n'en avait pas le talent. Elle brouillait les traces sans s'en rendre compte. Le peu qu'elle dut comprendre dû cependant lui suffire car elle se redressa, plus assurée, quelques dizaines de secondes plus tard. Elle se tourna vers les bois, du côté opposé de Æsa, et commença à parler :
- Mon nom est Vénia. Je viens porter un message aux Shield Maiden de la part de Aaditya.
Et elle attendit, comme si elle était persuadée qu'elle avait été entendue. Dans un sens elle n'avait pas tort. Et son comportement, comme si elle ne craignait pas les Shield Maiden, tendait à prouver qu'elle avait côtoyé un peu les Frimarques. Dans le doute, Æsa arma une flèche et sortit de son abri comme une ombre. Elle avait mis longtemps à maîtriser cet art mais cela en valait la peine et il fallut presque une minute pour que la femme comprenne que quelqu'un se trouvait derrière elle. Elle sursaute violemment et poussa un petit cri de frayeur tout en reculant de plusieurs pas, les yeux fixés sur la flèche pointée vers elle :
- Je viens en amie !!
L'ancienne chasseuse se contenta de pencher la tête légèrement sur le côté et d'attendre. Elle n'aimait pas parler la langue de ce peuple et préférait souvent cette communication non verbale qui avait en plus l'avantage de perturber ses interlocuteurs.
- J'ai... j'ai un message pour la ou les personnes en charge de ton groupe, de la part des autres groupes. Ce que vous attendiez est en train de se produire et je dois transmettre les décisions qui ont été prises par les deux autres groupes.
Ce qu'elle disait pouvait avoir du sens. Sauf que ce n'était pas une Frimarque. Pourquoi envoyer une fille du Cartel ? Æsa lui posa la question directement en Frimarque, consciente que si la femme disait vraie, elle comprendrait au moins en partie sa langue.
- Je être proposé.
Haché, plein de fautes et d'hésitation. Mais c'était clairement du Frimarque.
- Je suis celle qui dirige plus ou moins ce groupe, reprit la Shield Maiden en langage du Cartel, conscient qu'elle s'en sortait bien mieux dans celui-ci que la femme en Frimarque. Suis-moi.
Elle avait hésité un instant pour savoir si oui ou non elle amenait cette étrange messagère au camp mais la nuit tombait. Si c'était un piège, la femme n'aurait pas le temps de disparaître dans la nuit avant de recevoir une flèche. Elle était une excellente chasseuse et la femme n'avait rien d'une habituée des bois. Elle mettrait du temps à retrouver la route. Bien trop pour voir la moindre chance de survivre.
Elles marchèrent en silence pendant presque une heure. La femme tenait son cheval par la bride, bien incapable de monter dans cet univers de branches denses. Il faisait nuit depuis longtemps quand elles arrivèrent à destination mais ce n'était pas un souci pour la Shield Maiden, habituée depuis le temps à ce long trajet. De plus, la lune était à demi pleine si bien qu'on y voyait presque comme en plein jour, les couleurs en moins.
À la différence des forêts Frimarques, ces bois étaient majoritairement constitués d'arbres relativement jeunes mais il y avait quelques vénérables. L'un de ces vieux et immenses arbres étaient tombés quelques années plus tôt, emportant tout sur son passage et créant une large trouée. Les jeunes pousses avaient proliféré mais cela restait un endroit dégagé, à deux pas d'un ruisseau qui coulait suffisamment bas et loin pour éviter tout risque d'humidité excessive ou d'inondation. En conséquence, les Shield Maiden avaient dégagé la clairière et s'étaient installées là dans un mélange de cabanes faites de branchages, de bois, et de quelques peaux d'animaux. Elles étaient habituées au froid si bien que la fraîcheur de leur campement ne leur posait pas de soucis. En plus, elles pouvaient tout de même profiter des soleils de midi, suffisamment hauts pour dépasser les cimes des arbres alentour et réchauffer, et surtout sécher, toute la clairière. C'était un campement sommaire mais où il faisait bon vivre.
- Bien, parle maintenant.
VOUS LISEZ
Shield Maiden
FantasyIl existe au nord des terres déchiquetées, des milliers et millions d'îles et d'îlots battus par les vents et couverts de glace pendant la majeure partie de l'année. Des terres qui sont si inhospitalières que les gens qui vivent là n'ont pas même le...