Chapitre 3 : Valkyries (12)

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La manière dont Aaditya sauta toutes les pompeuses nominations à la fin du document aurait pu arracher un sourire à ses deux interlocutrices s'il n'y avait eu le contenu édifiant de la lettre. Elle était gorgée d'insultes et de venin envers les Frimarques et prouvait, plus que tout le reste, que les Hommes du Sud ne seraient jamais en mesure de comprendre une autre culture que la leur. Mais au-delà d'un avis sur leur peuple dont les Frimarques n'avaient que faire, le plus douloureux c'était de savoir que c'était la simple stupidité qui avait coûté tant de vies précieuses. Finalement, à la plus grande surprise des deux autres femmes, Lyvanya éclata de rire. Devant les yeux ronds de ses compagnes son rire redoubla et elle peina à articuler une explication :

- Je suis en train d'imaginer la tête de sa Royale Majesté lorsque je vais lui apporter la tête de ses hommes d'élite avant de lui prendre la sienne.

- Tu ne vas quand même pas... commença la chasseuse médusée mais Lyvanya acquiesça violemment de la tête avant de repartir d'un grand éclat de rire joyeux.

- C'est de la... continua-t-elle avant de s'interrompre à nouveau.

Elle avait cherché du soutien chez Aaditya mais cette dernière regardait la villageoise avec un petit sourire moqueur au coin des lèvres et dans les yeux une lueur de vengeance meurtrière. La jeune combattante semblait plus que partante à cette idée et savourait avec le même humour l'idée d'un souverain qu'aucune d'entre elles n'avait jamais vu, faisant face aux têtes de ses soldats d'élite.

- Bon sang, réfléchissez un peu ! Il y a quoi ? Deux cents ? Trois cents Shield Maiden, à tout casser ? Vous ne pouvez pas laisser tomber Frima pour aller chercher une vengeance qui ne vous apportera que la mort au moment où on a le plus besoin de votre protection ?

Lyvanya arrêta de rire mais son vissage trahissait toujours son amusement lorsqu'elle regagna la commode pour fouiller les derniers documents. Elle répondit tout de même à la chasseuse :

- Ma réponse tient en un seul mot Æsa : Valkyrie. Selon les légendes, elles sont censées garder nos frontières et nous avons pris leur place parce qu'elles n'étaient plus que des mythes, mais si elles sont de retour, les Shield Maiden perdent leur raison d'être. Et quoi de mieux comme dernier baroude d'honneur que de montrer clairement au reste du monde qui méprise Frima ce que nous sommes vraiment, notre véritable puissance. Si en plus on venge nos morts, alors tout est parfait.

- Et tu crois vraiment que la Valkyrie que nous avons vu signifie le retour de toutes les autres ? Tu crois qu'elle va accepter de prendre votre place pour vous permettre d'imiter les Hommes du Sud en portant la guerre en dehors de nos frontières comme n'importe quel peuple belliqueux ? Et les Drakes, tu y as pensé ?

- Les Drakes ? Demanda Lyvanya surprise, interrompant son mouvement.

- Oui. Les Drakes. La lettre en parle et lorsqu'elle a vu les soldats, la Valkyrie a dit qu'elle devait en parler aux Drakes. Je ne suis pas la seule à avoir entendu ses paroles, non ?

- Non, en effet. Cela m'était sorti de l'esprit. Quoi qu'il en soit, si les Valkyries reviennent, rompant visiblement une règle entre elles et une autre entité, car la mort les a dérangées jusque dans leur royaume sous-marin, je doute qu'elles s'opposent à notre action. Nous verrons directement avec elle ce soir.

La Shield Maiden tourna à nouveau le dos à la chasseuse pour reprendre sa progression vers la commode qu'elle avait quittée à la lecture de la lettre et Æsa, en conséquence, abandonna le débat. Elle ne pouvait pas se battre plus loin contre une décision qui, au fond, faisait vibrer son âme d'un écho de justice, et faisait naître en elle, pour la première fois, une soif de sang. En conséquence, elle s'attaqua à nouveau à la serrure et toute patience dissipée, glissa la lame de son couteau entre le haut du tiroir et le plateau de la table de chevet avant d'abattre violemment son poing sur la poignée.

Il y eut un craquement sonore et elle rangea son arme. Le tiroir était descendu de presque un centimètre et quelque chose avait clairement cédé. Elle tira sur la poignée et si elle dut forcer car il ne pouvait plus vraiment glisser, elle n'eut aucun mal à retirer le contenant du meuble. Il contenait essentiellement du courrier si bien qu'elle le laissa sur le sol pour les deux guerrières. Elle se tourna vers Aaditya qui avait repris sa fouille :

- Tu as trouvé le matériel de rechange du navire ?

- Non. Je pense qu'il y a deux longues coursives qui courent tout le long du navire, vu la forme de la coque et l'aménagement intérieur mais je n'ai pas trouvé l'entrée. Je n'ai cependant pas pu chercher bien longtemps avant que Lyvanya m'appelle. Tu veux prendre le relais ?

- Oui. J'en ai fini avec ce meuble et je ne peux pas vraiment aider avec les papiers.

- D'accord. Mais sois prudente quand même. Je ne pense pas qu'il y ait encore quiconque sur ce navire mais on ne sait jamais. Tiens, prends ça.

La guerrière prit par la lame l'une de ses deux épées courtes qui étaient posées sur la table et tandis la poignée vers la villageoise qui s'en saisit avec précaution.

Shield MaidenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant