Chapitre 3 : Valkyries (13)

39 13 2
                                        

Les deux Shield Maiden se battaient avec un duo d'épées courtes. La lame qu'on lui avait donnée devait peser un bon kilo d'acier travaillé avec soin. Soixante centimètres d'une lame à double tranchants à laquelle venait s'ajoutait une poignée relativement simple en bois entouré avec une fine lanière de cuir. De prime abord, ce type de matériaux et la manière dont il avait travaillé devait permettre une prise plus aisée en raison des multiples rainures engendrées mais avec le temps et l'usage, cet aspect rugueux avait disparu et il n'en restait plus qu'une douceur toute particulière. Il n'y avait pas de garde, ce qui n'était pas surprenant si les Shield Maiden s'amusaient à faire voler les lames en cercle, autour de leur poignet, comme l'avait fait Lyvanya pour provoquer les soldats. Une garde aurait rendu la chose bien plus malaisée. Cela signifiait aussi que les guerrières ne pouvaient s'attarder dans un combat de force car elle n'avait rien pour protéger leurs mains.

Au début, Æsa crut que la lame ne venait pas de Frima car l'acier était particulièrement travaillé mais elle dut revenir sur ses conclusions dans la mesure où les symboles et les runes tracés, quoique anciens, étaient tous originaires du Nord. Ces détails, ainsi qu'une série d'arabesques qui suivaient les courbes de la lame, étaient incrustés dans le métal en délicats entrelacs argentés qui se distinguaient de la couleur métallique de l'acier uniquement lorsque la lumière était propice. C'était une œuvre d'art. Aaditya dut surprendre son air impressionné :

- La plupart des lames des Shield Maiden sont de cette qualité, et faîtes sur mesure en prime. Il y a un village dans une vallée, sur le continent, qui est spécialisé dans ce genre de chose. C'est de là que proviennent la plupart des outils de Frima, même si, il est vrai, ils sont nettement moins travaillés. Ils vivent de leur mine et des échanges qu'ils font de nourritures contre leur fabrication. Mais aujourd'hui, c'est juste au-cas où. Tu n'as besoin de savoir t'en servir. Crie s'il y a le moindre problème.

La chasseuse hocha la tête et s'éloigna.

Il lui fallut un bon quart d'heure pour trouver ce qu'elle cherchait mais ce fut un jeu d'enfant par la suite. Les coursives, étaient en réalité compartimentée en trois pièces toute en largeur, de chaque côté du navire. Cela servait peut-être de cloisons étanche en cas d'avarie de la coque. En tout cas, les portes étaient gonflées par l'humidité, formant une barrière efficace, quoique pas complètement étanche, contre toute inondation. Conséquence de cette construction, ces ouvertures se confondaient avec les panneaux de bois qui formaient les murs latéraux du navire. Pour les ouvrir, des anneaux avaient été positionnés mais ces derniers ressemblaient presque en tout point aux autres destinés aux hamacs des matelots, si bien que Aaditya avait dû passer à côté sans même s'en rendre compte.

Elle fouilla avec attention chacune des six pièces mais il n'y avait rien d'intéressant. Elle trouva, entre autres, des rames de rechange, des voiles, d'énormes poulies et des rouleaux de cordes, des bâches, d'autres hamacs, quelques affaires plus personnelles, appartenant aux soldats, ainsi qu'une pièce entière consacrée à la nourriture avec des réserves et un poêle bien différent de ceux qu'elle avait toujours connu : une boite en fer pourvu d'une cheminée, d'un âtre et d'une sorte de four. Les réserves pour les trente hommes lui parurent particulièrement peu fourni mais dans la mesure où Lyvanya avait dit qu'ils se servaient après chaque massacre, il n'avait guère besoin de plus de trois ou quatre jours et le dernier village à être tombé se trouvant à deux jours de navigation, cela expliquait l'état des réserves.

Une fois assurée de n'avoir rien manqué, elle rejoignit les deux combattantes qui étaient en train de rassembler les livres et rapports dans un sac.

- Tu as trouvé ?

- Oui. Des portes que le temps a dissimulées. Rien de bien important. Leurs réserves de nourriture était plutôt basse mais vu leur objectif et la manière qu'il avait de progresser en Frima, ce n'est pas vraiment surprenant. Et de votre côté ?

- On en a enfin fini avec tout ça. Même si j'ai encore beaucoup de lecture, on a fait un premier tri. On a pu dénicher une série de rapport qui correspondait à chacun des numéros. Ils sont bien plus détaillés que tout ce que j'avais pu trouver jusque-là. Il sera bien plus facile d'estimer le nombre de victimes ainsi. Il s'avère aussi que Aaditya et moi-même avons loupé une de leur cible pendant notre poursuite, ce qui nous a probablement permis de les rattraper plus vite. Globalement, leur technique était rudimentaire : ils attaquaient et s'il y avait des survivants, blessés ou non, ils les interrogeaient pour savoir où se trouvait le village suivant. Sinon, ils faisaient juste route vers l'est. La plupart du temps, cependant, ils avaient une destination claire en tête, ce qui explique leur trajet relativement en zigzag et le nombre de villages qu'ils ont pu raser.

Æsa ne fit pas de commentaire. C'était une bonne chose qu'elles soient capables de déterminer quels villages n'existaient plus et combien d'âmes avaient été arrachées à leur peuple mais elle ne tenait pas particulièrement à faire le décompte. Après tout, son propre village avait passé la nuit dans le champ, à contempler sans les voir, les étoiles du ciel nocturne. Elle suivit donc les deux guerrières lorsqu'elles sortirent de la pièce avec leur chargement avant de poser les lampes, après les avoir éteintes, non loin de l'entrée.

Elle avait laissé entrouvertes les portes qu'elle avait trouvées mais les deux Shield Maiden lui firent confiance et n'y jetèrent même pas un coup d'œil, regagnant à grand pas la proue du navire pour rejoindre la terre ferme. Elles sautèrent chacune à leur tour, la chasseuse rendant sa lame à Aaditya avant de la rejoindre sur la plage de galet. Elle prit ensuite les deux Glaricz qui gisaient non loin de là, et elles reprirent la direction du village alors la matinée touchait presque à sa fin.

Shield MaidenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant