Elles naviguaient depuis presque cinq jours et si cet immense horizon avait mis à rude épreuve leur volonté de porter la guerre au Sud, elles y étaient désormais habituées. Tout comme les autres changements. Par exemple, il n'y avait pas de pause nocturne. Les navires avançaient jour et nuit, quoique bien moins vite que leur capacité car aucune des « capitaines » n'avait suffisamment d'expérience ou d'assurance pour profiter pleinement de ce que leurs embarcations étaient capables de faire.
Et cet horizon, qui les avait tant perturbées, commençait à se modifier. Le soleil de midi, venant du sud, était suffisamment éblouissant pour qu'aucune Shield Maiden ne l'ait remarqué pour le moment, mais cela viendrait. Elles arrivaient au bout de leur voyage, au début de leur projet insensé. Elles avaient suivi avec application les cartes même si elles s'étaient permises de dériver légèrement vers l'est pendant le voyage. Elle ne voulait pas aborder le port d'où étaient partis les commandos, se doutant que c'était probablement dans cette grande ville qu'étaient basés les restes de l'armada royale. Sans compter qu'une ville d'importance aurait nécessairement des défenses que le petit village de pécheur n'aurait pas.
Avant que les sept navires ne lèvent l'ancre, la question avait été de savoir si les Shield Maiden devaient profiter un maximum de temps de l'anonymat ou si elles devaient clairement annoncer leur présence avant de disparaître dans la clandestinité et de mettre en œuvre leur plan de sape. Dans la mesure où le but était de faire passer un message, le choix s'était porté sur un village de pêcheur au lieu d'échouer les navires sur une plage. Il aurait fallu des jours, voir des semaines aux autorités du Royaume pour comprendre que c'était les Frimarques qui les attaquaient, si on ne leur laissait pas de solides témoignages. Tout simplement parce qu'avec les documents qu'elles avaient étudiés, il était clair pour les Shield Maiden que les voisins du Nord ne comptaient même pas pour ces gens et qu'il ne leur viendrait jamais à l'idée que l'ordre de génocide qui avait été donné pourrait avoir des conséquences néfastes sur leur puissance.
L'autre question qui s'était posée était d'ordre moral. Elles étaient là pour faire la guerre et taper avec force. Elles devaient faire passer un message avant de faire chuter le royaume. Il fallait que les rumeurs courent au-delà des frontières de Cartel et que ses voisins, alliés et ennemis soient médusés d'apprendre finalement la chute du Royaume après avoir entendu qui leur donnait tant de mal. En conséquence, devaient-elles réduire le village en cendre comme l'avaient fait les commandos dans le Nord ? Ou se contenter d'accoster, de faire chuter l'éventuelle résistance puis de continuer leur chemin ? Elles étaient des guerrières, certes, entraînées à donner la mort depuis de nombreuses années selon des traditions plus vieilles que bien des légendes de Frima. Elles n'étaient pas des meurtrières en conséquence de quoi, la seconde option avait été choisi. Cela diminuerait légèrement le poids de la nouvelle de leur arrivée mais aucune d'entre elles ne se sentait capable de tuer une femme avec son enfant dans les bras, comme l'avait fait sans honte les commandos du nord à de nombreuses reprises. Leur seul espoir pour que le message passe tout de même était qu'elle rencontre une certaine résistance. C'était peu probable vu leur cible. Cependant, il y avait d'autres moyens de faire passer le message.
Les peintures de guerre étaient un rituel qui étaient tombés en décrépitude des siècles plus tôt. La plupart des Shield Maiden tombaient sur leurs ennemis au gré de leur pérégrination et en conséquence, n'avait pas le temps de préparer ce genre de chose. Quand elles traquaient, ce qui arrivait plus rarement, elles avaient tout simplement d'autres priorités. Cependant, s'il n'était plus populaire, il n'avait pas été oublié et les évènements à venir l'avaient remis au goût du jour.
Profitant des longues heures de voyage, la plupart des combattantes arboraient de complexes sigles d'une couleur proche du sang. À dire vrai, le sang rentrait en parti dans la composition de cette peinture corporelle. Mélangé à de la graisse et d'autres adjuvants colorés, les dessins ancestraux pouvaient durer entre deux et douze jours, selon différents facteurs allant de la peau de la porteuse au temps. C'était assurément des combattantes impressionnantes, et nombreuses, qui allaient emprunter les quais du village qu'elles avaient choisi. Cela suffirait probablement à faire parvenir un message jusqu'à la capitale, si ce n'est jusqu'au roi lui-même.
Mais pour l'heure, elles étaient toujours sur l'eau sans savoir que ce long voyage touchait enfin à sa fin.
- Pense à ta défense Æsa. Tes mouvements sont fluides et rapides et tu es agile. C'est une bonne chose, en conséquence, de tourbillonner et sauter comme tu le fais mais quand tu tournes le dos à ton adversaire, l'une de tes épées doit balayer ton dos pour dévier toute attaque et lorsque tu es dans les airs, n'oublie pas que tu ne peux quasiment pas modifier ta trajectoire, en conséquence de quoi, si tu ne prends pas ton adversaire par surprise, tu as toutes les chances de finir embrochée.
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Shield Maiden
FantasyIl existe au nord des terres déchiquetées, des milliers et millions d'îles et d'îlots battus par les vents et couverts de glace pendant la majeure partie de l'année. Des terres qui sont si inhospitalières que les gens qui vivent là n'ont pas même le...
