Lorsqu'ils arrivèrent dans les champs, les trois femmes s'arrêtèrent et la Valkyrie continua. Elle déambula entre les corps, s'attardant devant certains d'entre eux et se figeant plusieurs secondes devant les hommes du Sud.
- Il me faudra parler avec les Drakes, leur dit-elle en revenant vers eux. Mais il n'y a pas là les morts qui hantent les fonds. Ils ne sont pas assez nombreux.
- C'est tout mon village pourtant. Il ne reste plus que moi et un bébé qu'ils n'ont pas eu le temps de trouver, protesta la chasseuse qui retrouvait son cran face à cette minimisation des évènements de la veille.
- Et c'est une bien triste nouvelle. Mais ce n'est pas...
Hardiment, Aaditya coupa la parole à la Valkyrie, consciente que l'esprit de la villageoise était fragile et qu'elle pouvait s'oublier à tout moment, une forme de suicide originale mais efficace.
- Alors poussez vers l'est jusqu'à Firlindel, et probablement même au-delà, ensuite. Il y a sur cette route bien assez de morts.
- Combien ?
Le silence se fit, la Valkyrie les regarda, avec une patience et une immobilité inhumaine. Ce fut Lyvanya qui lui répondit :
- D'ici à Firlindel, nous avons traversé quatorze villages. Il n'y a pas un seul survivant dans aucun d'entre eux. Firlindel a été en grande partie massacré, également. La ville a subi l'assaut de cinq navires qui se sont ensuite séparés. C'est l'un d'entre eux qui a tout détruit d'ici à Firlindel, jusqu'à ce que nous les rattrapions. Les quatre autres sont peut-être toujours en train de semer la mort. À moins qu'ils ne soient tombés sur d'autres Shield Maiden. Vous trouverez vos morts sur leurs routes. Bien plus qu'il n'en faut.
- Soit. Je vais suivre votre conseil, guerrière, puis je reviendrais ici et nous parlerons. Certaines choses ne vont pas en Frima, visiblement. L'enfant dont vous avez parlé, pourra-t-il survivre ici ?
- Un jour ou deux, grand maximum. Nous n'avons qu'une jarre de lait de Sivern pour le nourrir et elle ne tiendra pas bien longtemps.
- Alors je l'emmènerai avec moi jusqu'à Firlindel. Nous y serons en quelques instants. C'est l'une des premières cités que nous avons fondée avec mes sœurs. Si vous dîtes qu'il y a des survivants, et si les choses n'ont pas trop changé, l'enfant grandira bien là-bas.
Lyvanya se tourna vers la villageoise mais celle-ci se contenta de hausser des épaules. Le premier village à l'ouest se trouvait à presque quatre jours de navigation. Ils n'avaient aucune chance d'y amener le bébé en bon état là-bas. La proposition de la Valkyrie dépassait sa compréhension mais de toute façon, l'enfant n'était même pas de son ressort.
- C'est d'accord. Le bébé doit dormir dans la maison là-bas...
Elle finit sa phrase dans le vide. La valkyrie s'était déjà dissipée. En un instant, son corps avait disparu et une boule de lumière filait vers le groupement de maison. Elle traversa sans peine les murs de pierre puis disparut de leur vue. Lorsque les trois femmes parvinrent à leur refuge, une minute plus tard, il était vide, bien que la couche où s'était trouvée l'enfant, était encore chaude.
Elles s'assirent à la table de la pièce de vie mais aucune ne sut quoi dire. La Valkyrie n'avait été là que pour une poignée de minutes tout au plus. Était-il possible qu'elles aient rêvé sa présence, ensorcelée par un besoin de force, qu'elles étaient allées chercher dans les plus vieux mythes de leur peuple : une créature guerrière invaincue ? Après tout, les Shield Maiden elles-mêmes n'avaient-elles pas été créées sur le modèle des Valkyries.
Et pourtant, l'enfant n'était plus là et la créature avait prétendu être de retour d'ici à la nuit tombée, alors même qu'elle escomptait vers une virée jusqu'à Firlindel. D'un autre côté, il fallait reconnaître que lorsqu'elle avait été sous forme de lumière, dans l'eau, elle avait filé bien plus rapidement que n'importe quel navire.
- Que fait-on maintenant ? Finit par demander Aaditya.
- On continue sur le programme que nous avions prévu. Ce matin, Æsa tu nous emmèneras voir le navire des soldats. Si nous ne pouvons pas le récupérer, cependant nous le laisserons là, au cas où la Valkyrie aurait des projets. Ensuite, nous nous occuperons des morts. Il y a bien assez de pierres pour ériger un cairn et y mettre les têtes, lui répondit Lyvanya.
La plus jeune des Shield Maiden enchaîna :
- Et je suppose que tu as un plan en tête pour le cairn ? Parce que nous ne pourrons pas mettre des têtes sur un vulgaire tas de cailloux.
- Je pensais faire une sorte de monument à étage, avec des plateaux circulaires à chaque niveau. Si le monument est assez large, on doit pouvoir s'en sortir facilement si on trouve quelques pierres suffisamment plates. Un premier niveau presque à même le sol avec les soldats et les anciens, le second niveau un peu plus haut, un peu plus large aussi quoiqu'avec une circonférence moindre, avec les adultes. Et le sommet plat avec les enfants.
Æsa sortit de ses réflexions à cette phrase :
- Non ! Dans notre village les enfants sont enterrés entiers sous des cairns. On considère qu'ils sont trop jeunes pour veiller une éternité sur le village. Il est préférable de les laisser errer comme bon leur semble dans le royaume des esprits.
- Soit. Cela demandera beaucoup plus de pierre mais on pourra faire le cairn en pierres un peu moins grand. On mettra les anciens au sommet de ce fait.
Le silence retomba et finalement, Lyvanya, qui avait déjà exploré partiellement le Wampyarza la veille, se décida à y prélever de quoi faire un petit déjeuner. Aucune d'entre elles n'avait spécialement faim après cette rencontre inédite et en conséquence, elles ne voulaient pas se casser la tête à découper un soldat puis faire cuire le gigot. De la viande séchée leur conviendrait tout aussi bien et elles pourraient la manger tout en marchant.
Elles prirent leur part, s'équipèrent puis partirent dès que la plus âgée des Shield Maiden fut de retour.
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Shield Maiden
FantasiIl existe au nord des terres déchiquetées, des milliers et millions d'îles et d'îlots battus par les vents et couverts de glace pendant la majeure partie de l'année. Des terres qui sont si inhospitalières que les gens qui vivent là n'ont pas même le...