Chapitre 4 : Forge the legend (7)

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- Le plan semble tenir la route mais c'est un travail de sape. Ce n'est pas ce qui marquera les esprits. Les royaumes qui vaincront Cartel après s'être rendu compte de sa faiblesse en tireront toute la gloire et nous ne serons pas plus avancées.

- Ce travail de guérilla n'est qu'une première étape. Lorsque des armées seront mobilisées, nous les harcèlerons jusqu'à les forcer à se battre, très affaiblies. Nous pouvons aussi laisser les hommes du sud se battre avant de nettoyer le champ de bataille des vaincus comme des vainqueurs. Choisir l'une ou l'autre des options dépendra beaucoup des forces que pourront mettre en jeu les opposants. Si elles sont comparables à celles de Cartel, alors nous sommes en mesure d'intervenir pendant ou après une bataille, ce qui a le mérite de faire passer le message au-delà de Cartel bien plus facilement. Si la supériorité numérique est trop importante, alors il nous faudra battre les armées du Royaume de Cartel avant qu'elles n'arrivent à destination. Difficile de récupérer toute la gloire d'une victoire si on n'a pas eu le moindre combat. Cependant, d'après mes lectures, nous ne devrions pas affronter de supers puissances. Les seuls états qui seraient capables d'écraser les armées du Royaume sous le nombre se trouvent bien plus au sud, sur des terres encore plus fertiles et ils n'ont que faire des agissements de leurs lointains voisins du nord. Il y a des centaines de kilomètres qui les séparent et quelques dizaines de pays, aussi. De ce que j'ai pu lire, le Royaume de Cartel serait capable de rassembler entre deux et trois mille soldats auxquels il faut ajouter le triple de villageois armés qui peuvent être recrutés à tout moment mais dont la force combative est quasi nulle, surtout si nous n'attaquons pas les villes, dont les fortifications représentent un obstacle bien trop important. En faisant preuve d'indulgence, et sachant qu'une large frange de la population ne vit pas très bien, on a une chance de créer, en plus de tout le reste, une sorte de rébellion qui serait à notre avantage sur les champs de bataille. Pour les voisins, il faut compter entre deux et sept mille soldats de métier éventuellement renforcés du quart de villageois. Il semblerait que dans le cadre d'invasion, on compte avant tout sur l'expérience plutôt que sur le nombre alors que pour la défense, c'est l'inverse. En conséquence, en négociant bien notre moment, nous devrions être toujours capables d'intervenir pendant et après les batailles, sans avoir à provoquer nous-même l'une d'entre elle.

Notre style de combat et notre mode de vie depuis la nuit des temps se prêtent bien à des escarmouches, même s'il n'est pas question ici d'évoluer par petits groupes. Nous sommes peu nombreuses et si nous nous séparons, il y a trop de risques pour que notre efficacité soit réduite à néant. Nous avons des cartes de leur pays sur lesquels figurent les plus importantes routes, celles qu'il nous faudra couper. Nous connaissons leur organisation et la manière qu'ils ont de répondre aux agressions. Et nous avons détruit leur arme la plus efficace. Ces commandos auraient probablement été capables de prévoir nos mouvements mais vu le peu d'estime que semblaient porter certains des soldats que nous avons tués à leur hiérarchie, j'ai dans l'idée qu'elle est bien plus adaptée aux guerres « courantes » où des armées se font face, de champ de bataille en champ de bataille, entrecoupé de quelques sièges. Ce n'est pas pour rien que ces commandos étaient si efficaces. Nous pouvons réussir. Je ne veux pas vous mentir en vous disant qu'une bonne partie d'entre nous pourraient peut-être même revenir de cette expédition mais il n'est pas impossible que certaines survivent si la chance nous sourit.

- Le style est en effet proche de celui auquel nous avons l'habitude. Nous n'avons jamais eu à combattre au sein de grande bataille. L'essentiel de nos combats se font dans les bois. Mais encore faut-il arriver là-bas en vie. Tu n'as pas répondu à ma remarque concernant les navires Aaditya. Et ton discours soulève une autre question : tu veux laisser certaines d'entre nous en arrière et je ne peux m'empêcher de penser que certaines voudront peut-être rester et voir leurs enfants grandir, ce qui est leur droit le plus absolu. De combien d'entre nous penses-tu avoir besoin au minimum ? À partir de quel seuil faudra-t-il laisser tomber toute idée de vengeance ? Nous ne pouvons, et ne devons, pas imposer la décision, même d'une majorité, à celles qui n'auraient pas envie de s'engager dans une mission pour laquelle, clairement, nous n'avons jamais été préparées et qui n'aurait même jamais dû nous venir à l'esprit. Notre serment lorsque nos armes sont forgées font clairement état de la défense et non de l'attaque. On ne peut exiger de quelqu'un qu'il renie ces vœux ancestraux.

- Les hommes du sud ont tracé des cartes sur leur route. Nous aurons juste à les suivre en sens inverse. Passer la Mâchoire des Dragons est un exercice périlleux mais il semble exister des passes et en suivant à rebours le chemin des soldats, nous pourrons franchir l'une d'elles sans avoir besoin de chercher ou de risquer nos vies. Il y a bien assez de livres et de rapports concernant la navigation pour diriger rudimentairement les bateaux. Nous n'exploiterons clairement pas l'ensemble de leurs capacités mais cela sera suffisant. Quant à la direction, nous qui sommes habituées au dédale des îles, des bras de mer et de terre, nous savons mieux que personne nous fier aux étoiles ou à la lumière pour savoir retrouver notre chemin. Pour ce qui est du nombre, je pense qu'il est nécessaire que nous soyons au moins trois groupes de quarante à cinquante combattantes, sans cela nous n'aurons pas l'influence militaire nécessaire pour remplir les objectifs et nous nous ferons taillées en pièce lorsque l'heure des combats sonnera. Il faudrait donc que deux tiers à trois quarts des Shield Maiden accepte de se lancer dans cette entreprise. Nous ferons un vote par l'épée, le moment venu. Mais il est important de garder en tête que c'est une décision suicidaire, au mieux, si nous entrons en guerre et qu'en prime, nous rompons nos vœux. Il est important de respecter l'avis de chacun ce soir car c'est peut-être tout ce qui restera des Shield Maiden demain : notre état d'esprit, le respect que nous avons chacune entre nous, que nous soyons vieilles et expérimentées ou jeune et ne disposant d'une arme que depuis une poignée de semaine.

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