Shield Maiden

Chapitre 4 : Forge the legend (4)

Le soleil état toujours au-dessus de la ligne des plus hautes branches des bois alentour lorsqu'elles arrivèrent mais dans la mesure où les montagnes encerclaient le village qu'elle venait de quitter, cette absence de nuit ne signifiait pas qu'il ne s'était pas écoulé de temps.

Par contre, les choses avaient bien changé depuis leur départ. Elles avaient atterri avec Illvarnia au milieu des champs mais malgré l'heure tardive, il y avait du monde partout. Le village était à nouveau habité et il y avait temps de combattantes que de grands feux, destinés à brûler toute la nuit, étaient allumés un peu partout autour d'elles. Ils avaient vocation à permettre aux dernières arrivantes de dormir à la belle étoile, en profitant du temps relativement clément.

Mais il n'y avait pas que des Shield Maiden. Facilement reconnaissable, un simple coup d'œil de Lyvanya lui permit de décompter pas moins de treize Valkyries. Certaines se tenaient par groupe de deux ou trois à l'écart mais d'autres semblait discuter autour du feu avec les humaines comme si elles s'étaient toujours connues. La présence de ces créatures ne devait, en conséquence, pas dater de la veille si elles étaient si bien intégrées et que les combattantes étaient si à l'aise malgré le statut divin de leurs interlocutrices.

- Ton sang appelle toujours la vengeance, jeune humaine, mais ton esprit semble capable de suivre la cadence désormais. Et bientôt, ton corps fera de même. J'ai dans l'idée que tu seras une Shield Maiden d'exception. Une bonne chose puisqu'avec ce qui se décidera ce soir, tu seras probablement la dernière à les intégrer.

Les deux nouvelles arrivantes se retournèrent pour voir qui leur parlait mais elles savaient à quoi s'attendre, ayant reconnu la voix et le ton des propos.

Danse-Mort n'avait pas changé depuis sa première apparition à part peut-être son regard si étrange qui semblait plus sombre. Elle reprit sans attendre :

- Nous vous attendions pour commencer. Vous êtes les dernières.

Soudain, sa voix se fit beaucoup plus puissante et sembla surgir de l'air tout autour d'elles.

- Mes sœurs. Shield Maiden. Le temps est venu de parler.

Certaines valkyries reprirent leur forme d'énergie lumineuse, d'autres s'approchèrent sous leur forme « humaine ». Lyvanya remarqua que c'était essentiellement celles qui discutaient auparavant avec les combattantes autour des feux.

De leur côté, les femmes cessèrent leur activité et se rassemblèrent en un large cercle autour de Guid'Obscure avant de s'asseoir à même le sol sur cinq rangées. Il fallut un certain temps pour que Aaditya n'apparaissent, l'une des dernières à quitter le village. Elle semblait avoir grandi en l'espace de quelques jours. Il y avait quelque chose dans son regard et dans sa démarche. Une assurance tranquille qui n'était pas là auparavant. C'était une bonne chose. Elle était enfin devenue une combattante à part entière, indépendante. En conséquence, la plus âgée allait pouvoir concentrer pleinement ses forces sur la formation de Æsa qui se tenait actuellement à ses côtés, quoique guère vaillante après une telle semaine.

Aaditya ne s'assit pas avec ses consœurs et rejoignit au contraire le centre. Elles étaient donc trois Shield Maiden et deux Valkyries car à la plus grande surprise de la villageoise ou de Lyvanya, Illvania ne s'était pas dissipée comme certaines de ses sœurs. Malgré son air effacé, elle avait un rôle à jouer ici.

- Mes sœurs, nombre d'entre vous l'avait remarqué ces dernières semaines, mais la mort s'infiltre dans nos royaumes, dans nos demeures. Lorsque je suis sortie, j'ai découvert ce village dont la quasi-totalité des habitants avaient été massacrés par des soldats de la Terre Centrale. Consciente que cela n'était pas suffisant, et trop récent, j'ai demandé des explications et on m'a conseillé de tracer ma route vers l'est. Vous avez fait le même trajet, avec les mêmes doutes que moi sur l'étendu réel de ce « massacre » que l'on vous avait dépeint. Vous avez vu les mêmes montagnes de cadavres dont personne ne pouvait plus s'occuper. Certaines d'entre vous ont suivi les pistes. Pour découvrir des champs de bataille comme ici ou des navires pleins d'hommes avides. Nous avons partiellement rompu la règle de Mère en envoyant sur eux les Shield Maiden, nos héritières bénies. Puis, tout au long de cette semaine, nos enfants et nous-même avons parcouru le monde. Nous y avons vu la Terre Sauvage martyrisée si violemment que certains des plus jeunes de vos tendres poupons ont sombré dans une folie, heureusement temporaire, qui les a conduits à ravager les mers du sud et bien des terres. Cela a eu, néanmoins, le mérite de stopper temporairement l'avancée des Hommes des Royaumes Centraux.

Pendant ce temps, pendant que notre peuple et celui de nos enfants agonisent plus ou moins lentement, nos compagnons, dans leur oisiveté qui est la leur, quand bien même nous les aimons ainsi, semble avoir oubliés qu'ils ont donné une direction aux hommes dont ils avaient la charge. Une direction faussée qui les mène à détruire les terres si durement cultivées par leurs compagnes ou leurs enfants. Nous ne pouvons leur reprocher leur faiblesse d'esprit car c'est la candeur de leurs erreurs qui attisent la passion de nos cœurs. Nous ne pouvons, non plus, agir comme il se doit et stopper cette folie. Mère dort encore et ne saurait tolérait, même en plein éveil, une telle intervention en dehors des lignes qu'elle nous fixa jadis. Non, notre jardin est et restera Frima. Mais la situation ne peut perdurer. Notre peuple, en à peine un mois, a été réduit d'une civilisation durable à une espèce en voie de disparition qui, si rien n'est fait, courra simplement, avec le temps et en raison de ces milliers de savoirs et d'ingéniosités brutalement éteints, à sa perte. Il est temps de réveiller Mère pour qu'elle rétablisse l'ordre. Mais c'est une opération que je ne peux prendre seule et qui nécessite notre approbation à toutes. À celles qui sont ici ce soir et à toutes les autres. Et cela prendra des mois. Un temps que nos Frimarques n'ont pas. En conséquence, ce que je propose ici et maintenant, c'est que nous reprenions de pleins droits la protection de notre territoire. Que nous rappelons aux hommes qui veulent la guerre que les éléments sont des dieux cruels sur lesquels ils n'ont aucune emprise, contrairement à nous. Dans le même temps, nous discuterons avec les absentes et avec nos enfants, voir nos compagnons, sur la nécessité de réveiller Mère, même si je ne doute pas que son sommeil soit déjà perturbé. C'est la décision que nous devons prendre ce soir.