Chapitre 12

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Et tes parents n'ont pas réussi à sortir du bâtiment avant qu'il s'écroule...

Je retourne cette phrase dans ma tête depuis plusieurs jours. Je refuse de l'accepter, c'est tout simplement impossible. Lorsque Louka me l'a annoncé, j'y croyais à moitié. Ça ne pouvait pas être possible, surtout si près de leur date de retour, une mauvaise blague pour ce venger de mes nombreuses insubordinations. Ce n'est que quelques jours plus tard que l'horreur de la situation m'a rattrapé. Lorsqu'ils m'ont demandé de confirmer l'appartenance de certains objets personnels retrouvés sur les cadavres carbonisés par l'incendie, cette... chose est devenue bien réelle. Un médaillon en forme d'étoile et un ensemble de couteaux dont les manches forment des fleurs de lys appartenant à ma mère ainsi qu'une broche représentant une camomille que mon père portait fièrement sur sa veste de chasseur. Ce n'est qu'a ce moment que j'ai réalisé qu'ils étaient vraiment partis, que je ne les reverrais plus jamais.

J'inspire lentement et secoue vivement la tête. Non ! C'est une mauvaise blague, un cauchemar et je vais me réveiller bientôt. Je refuse que la dernière chose que je leur aie dit soit une menace de rendre la vie difficile à mes formateurs pour qu'ils reviennent rapidement à la maison. Ça ne peut pas être notre dernière interaction ! J'ai une boule logée au fond de la gorge que je m'efforce à avaler pour éviter de me briser. Je ne veux pas y croire, ça ne peut pas être vrai. Je n'ai pas d'autre famille, je n'ai personne d'autre.

Je suis... complètement seule...

Je lance une pierre dans la mer. Milan m'a proposée de me faire remplacer pour les gardes de nuit le temps que je fasse mon deuil et prendre de temps pour moi. Bien sûr, j'ai refusé. L'une des choses qui rendaient mes parents fiers était mes aptitudes en tant que chaperon. C'était de me voir dans l'élite de ma cohorte, de me voir accumuler les réussites lors des tests imposés, mais surtout mon incapacité à me replier sur moi-même lors de moment difficile. Je suis restée forte devant le capitaine de la défense. Je n'ai pas flanché et je ne lui aie pas laissé l'occasion de me contredire lorsque je lui ai dit que j'allais complété mon tour de garde. Mais c'est trop... trop dur. La forêt est trop silencieuse et mon crâne trop bruyant. Ça ma tenu réveiller depuis l'identification des objets personnels. La maison était trop tranquille, je n'ai pas même été capable de rester à l'intérieur des murs de ma chambre. J'ai passé toutes les nuits sur le toit de la maison déniant leur départ sans avoir eu la chance de leur dire au revoir. J'ai attendu impatiemment cette nuit croyant que ça m'aiderait à me changer les idées, à passer par-dessus ma tristesse, mais j'avais tort.

Je me suis tenu aux côtés de mon partenaire dans le parfait silence. Il n'a pas essayé de me faire rire, pas cette fois. Il a compris que c'était inutile, qu'il ne pouvait me donner de ce dont j'avais besoin. Mais les images dans ma mémoire n'ont pas cessé de me hanter. Je ne suis pas arrivé a faire taire ses voix qui me demandes s'ils ont souffert, s'ils savaient qu'ils allaient mourir et s'ils ont pensé a moi avant de s'éteindre. C'était trop, même pour moi. J'ai demandé à Noah de me laisser seule sur la plage pour le restant de la nuit, il a été tenté de refuser et s'obstiner est resté près de moi, mais s'il y a bien une chose que je ne tolérais pas, c'est de lui permettre de voir mes larmes. J'ai insisté et il a cédé. Noah a continué de son côté à patrouiller la forêt sans me contredire. Je me suis assise sur le sable face à la mer, me remémorant des souvenirs heureux. J'ai essayé d'effacer les horribles mots de Louka de ma mémoire sans succès.

Et tes parents n'ont pas réussi à sortir du bâtiment avant qu'il s'écroule... Bordel ! 

Je retiens mes larmes, mais elle menace de couler à tout moment. J'enlève mes bottillons et marche un peu dans l'eau glacée de la mer. Le vide. Je repousse toutes les autres émotions qui se bousculent dans ma poitrine et me concentre sur le vide. Car cette sensation est mieux que celle qui menace de prendre place. Je ne peux pas faiblir, je dois rester forte... pour eux. Je crois que je vais vomir. Je m'accroupis et ramène mes jambes vers moi. Je pose la tête sur mes genoux, mais ça ne fait qu'amplifier cette impression de manquer d'air, de ne plus pouvoir respirer. Inspire. Expire. Inspire. Expire...

Red WoodsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant