L'Emprise

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"Je voulais juste qu'on nous aide" 

-Alexandra Lange

L'émancipation de la femme, n'a pas fait son entrée en Kabylie. C'est pour cela que mes parents ont pu me marier de manière légale sans mon autorisation. Ça peu semblé aberrant pour le reste du monde, moi, je le comprends.

Je ne suis pas d'accord avec cela, simplement que je le comprends.

Ça veut aussi dire, qu'en tant que femme, je suis passée de l'autorité de mon père et à celle de mon mari. Un mari, c'est un peu différent. Pour un père, une fille doit être bien élevée pour que sa dot soit conséquente. Pour un mari, sa femme doit être fertile, pour lui faire des enfants. C'est encore plus vrai dans les montagnes, parce que le travail ici y est ingrat.

Avoir des fils, c'est s'assurer des revenus décent pour vivre.

Contrairement à ce que beaucoup pense, le patriarcat sévère n'est pas seulement une question de religion. La religion n'impose pas la soumission de la femme à son mari. Le patriarcat est beaucoup plus une conséquence économique. Plus on est pauvre, plus on le subit.

En tout cas, c'est mon point de vue. Je précise que j'ai très souvent raison.

Karim en est la preuve. Malgré sa légitimité à le faire, il ne m'a pas imposé sa présence physique. Il a fait en sorte que je m'y habitue. La première fois qu'il m'a embrassé, j'ai senti mes entrailles se serrer. La sensation n'était pas désagréable, simplement étrange. Il a recommencé l'expérience plusieurs fois. Jusqu'à ce que je finisse par lui répondre. Ça l'a fait sourire. Ce sourire sur le côté qui semble cacher quelque chose.

Je ne suis plus vierge. Admettre cela a été plus difficile que l'acte en lui-même. Sans doute parce que je n'ai pas eu la sensation que quelque chose avait changée. Toute ma vie, on m'a expliqué à quel point la virginité est importante, qu'il faut la conserver précieusement. Je m'attendais pas à ce que les cieux s'ouvrent au-dessus de ma tête, mais je m'attendais à autre chose. Ce qui est sûr c'est que je ne pensais pas que ça ferait aussi mal.

J'y prends du plaisir maintenant. Mais je pense que c'est parce que d'une certaine façon Karim me plaît. J'ai aimé qu'il prenne le temps que je sois plus à l'aise en sa présence. J'aime qu'il ne me parle pas comme si j'étais débile, comme son oncle fait.

J'aime encore plus le fait qu'il n'est jamais là. Il dit qu'il travaille beaucoup sans jamais préciser en quoi consiste son travail. Je ne m'attarde pas trop sur ça. Clairement, je m'en fous.

-Tout est prêt ? Demande Karim en entrant dans la pièce.

-Oui, on va pouvoir passer à table, je réponds en sortant le plat du four.

Mes compétences culinaires se sont clairement améliorées. En même temps, j'ai pas grand chose d'autre à faire de mes journées. Si l'idée d'être une femme au foyer ne m'a jamais répugné bien au contraire, je n'avais pas mesuré à quel point cela pouvait être chiant. Même avec un enfant en bas âge.

Le problème, c'est que je suis un peu hyper actif. Je dors beaucoup, mais une fois que j'ai ouvert les yeux, c'est difficile de m'arrêter. Karim en est ravi. La maison dans laquelle nous sommes désormais est d'une propreté presque suspecte. Ses chemises sont toujours repassées, les cols amidonnés. Ouais je me fais chier à ce point.

La télé est hors de question, les programmes sont en arabes. De toute manière, je ne suis pas suffisamment désespérée pour regarder la télévision en pleine journée. Mais j'ai des plans pour l'avenir. Pour mettre fin à l'ennui. Et ceux-ci dépassent largement le fait d'apprendre à Soan à écrire. Il a quatre ans. Ses lignes d'écriture sont plutôt des gribouillis, mais il adore les faire et j'ai la sensation qu'il fait des progrès.

FUGAZIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant