"Les femmes par contre elles ne reviennent pas. Pas une seule"
-Matray
Je n'aime pas les gens. C'est un fait. J'ai un manque presque pathologique d'empathie. Même avant. Quand j'étais juste une adolescente qui n'avait pour seul souci que sa dernière note au contrôle de math. Maintenant, je suis toujours une adolescente. Sauf que je dois élever un enfant de cinq ans et supporter un mari violant. Je crois que je pourrais plus jamais compatir face aux gens que se plaignent de leur vie. Surtout, que la mienne va probablement s'arrêter ce soir dans un bain de sang. Mon sang.
Parce que l'adrénaline qui circule dans celui-ci m'empêche de prendre parfaitement conscience des conséquences de mes actes. Je sais qu'il va me le faire payer, au centuple, mais je le fais quand même. Parce qu'il n'est pas question que sous mes yeux, Karim pose ses mains sur Soan.
Y a juste pas moyen.
C'était la ligne à ne pas franchir et il l'a fait. Au cours de ces, quoi ? Dix derniers mois, je n'ai jamais pris la peine de répondre aux coups de Karim. Ils appellent ça la sidération, face à la violence, le cerveau se met sur off et le corps n'a aucune réaction. Mon cerveau est tout sauf sidéré pour une fois et forcément Karim n'est pas prêt quand j'attrape la chaise sur laquelle j'étais assis quelques instants auparavant et la lance dans sa direction.
La chaise se brise en deux contre son dos. J'ai frappé fort. J'aurais dû frapper plus fort.
Karim semble à peine ébranlé par le coup que je viens de lui donner. Mais son regard... L'adrénaline recule et laisse place à une frayeur comme je n'en ai jamais ressenti auparavant.
Ouep, ma vie va s'arrêter là, probablement dans un bain de sang.
Je ne suis pas un poids plume. Quand on parle de mon physique les gens, s'arrêtent toujours sur la couleur de mes yeux, ils oublient souvent que je fais plus d'un mètre soixante-dix. Baba, fan de danse classique, a travaillé dur pendant des années pour m'offrir des cours.
J'ai arrêté la danse en entrant au lycée, mais j'ai conservé un corps fin et musclé. Alors non, je ne suis pas un poids plume. Pourtant, c'est comme si je ne pèse rien quand après avoir repris ses esprits Karim m'attrape par les bras et me balance contre le mur le plus proche. Mon dos cogne contre une armoire qui se brise sous la force de l'impact.
Ma respiration se coupe à nouveau, ma vue se brouille à nouveau. Je ne le vois pas s'approcher, mais je le sens. L'acharnement qu'il met dans les coups qu'il me donne sort tout de droit de l'enfer. Lui aussi Ibliss viendra le chercher.
La douleur n'a pas de fin. Tout mon corps est parcouru par un feu qui brûle tout sur son passage. J'en viens presque à regretter les moments où il se contentait de me balancer ses bouteilles de bière vide sur la gueule.
Le sang dans ma bouche à un goût métallique. Je le sens s'écouler, je sais que c'est le mien, mais je ne sais même pas d'où il sort. De partout, j'ai envie de croire.
Et puis finalement la douleur finit par refluer à mesure que ma conscience des choses qui m'entourent disparaît. J'embrasse l'inconscience avec un parfait calme malgré les pleurs de Soan. L'image ce stop sous son regard emplit de peur, exact reflet de la mienne.
Il m'a laissé pour morte.
J'ai perdu conscience plusieurs heures. Mon retour à la réalité est lent et douloureux. Tout mon corps me fait souffrir et je suis frappé par le calme de la maison. C'est un paradoxe parfait face à la violence qui l'a précédé.
Il fait jour désormais. J'ai perdu conscience pendant plus longtemps que ce que je ne pensais à l'origine. Il m'a laissé pour morte. Il est parti persuadé que je ne reviendrais pas à moi. Mais je suis vivante. Malgré ma respiration sifflante, mon mal de dos, mon visage douloureux. Je suis vivante.

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FUGAZI
FanficHakim Akrour a toujours eu une idée précise de ce qu'il cherchait chez une femme. Lui il voulait une fille bien, une fille propre. Et si en plus elle pouvait être musulmane et algérienne ce serait encore mieux. Ce qu'il n'avait pas prévu, c'est de...