FUGAZI

The Greatest Showman

"No one ever made a difference by being like everyone else."

-P.T. Barnum

Mars 2020

Point de vue Hakim Akrour 

Entrant dans le magasin des frissons parcours mon corps. Putain ce qu'il fait froid. Je frotte mes mains l'une contre l'autre avant de me diriger vers le rayon alcool. Perdu dans mes pensées, je ne vois pas le gamin qui se précipite dans mes jambes.

Le choc me fait reculer alors que le gamin tombe en arrière sur ses fesses. Je suis sur le point de l'aider à se relever, mais un écran de cheveux noirs apparaît sous mes yeux. D'une main ferme, la jeune femme redresse le garçon.

-Soan, tu vas bien ?

Il secoue la tête tout en se retenant de pleurer. J'ai pas le temps de m'excuser qu'elle se retourne d'un mouvement brusque.

-Regarder où on met les pieds c'est pas en option, elle s'exclame durement me fixant de ses yeux bleus.

J'ai un nouveau mouvement de recul face à ce regard qui m'assassine. Putain ce qu'elle est bonne. Je veux pas faire le mec lourd n'y rien, mais elle est vraiment trop bonne. Du genre avion de chasse.

-Et s'excuser, c'est pas interdit non plus, elle ajoute alors que le gamin attrape la main qu'elle lui tend.

Quelle connasse. Elle fait demi-tour et je l'observe se rendre au niveau des caisses d'une démarche chaloupée. Le derrière est aussi bien que le devant. J'crois que je l'ai déjà vu quelque part, mais asy j'ai pas de temps pour ces conneries.

-Elle a cet effet sur tout le monde, s'exclame une petite voix.

Je me retourne sur la voix et tombe sur la caissière la plus relou de l'histoire.

Depuis qu'elle travail ici, faire les courses et l'un des trucs les plus divertissant de ma semaine. Petite de taille, ses cheveux bruns presque noirs font ressortir sa peau très blanche. Le truc marrant, c'est ce qui sort de sa bouche. On croirait pas qu'autant de conneries peuvent sortir d'un corps aussi petit.

-T'es pas censée bosser toi ?

-Et t'es pas censé acheter autre chose que de l'alcool à cette heure-ci ? Je juge pas pour autant. Par contre, je juge totalement le regard pervers que tu viens de lancer à cette pauvre jeune femme. On est en 2020 bro un truc comme ça, c'est du harcèlement maintenant.

-Ferme là, je conclus

Je reprends mon chemin en direction du rayon alcool. Sur un point elle n'a pas tord, c'est un peu limite de n'acheter que de l'alcool à cette heure là de la journée. Et même si je m'en cogne, je me sens presque obligé d'acheter autre chose que la bouteille de Hennecy que j'étais venu chercher.

Le problème quand tu vas toujours dans le même magasin, c'est que les gens finissent par te connaître. Alors forcément, quand j'arrive à la caisse, la caissière la plus relou de l'histoire est incapable de retenir la réflexion qui pend au bout de sa langue à la vue du plat de lasagnes et des gâteaux sablés qui accompagne l'alcool :

-Tu verras, avec les lasagnes ta gueule de bois sera moins violente. Mais ce qu'est encore mieux c'est d'avoir de la bonne compagnie pendant la soirée, elle secoue ses sourcils en rythme avant de me jeter un regard en coin.

La première fois qu'elle m'a demandé de l'inviter à une de mes soirées, je l'ai regardé comme si elle avait plusieurs têtes. Maintenant, j'fais même plus gaffe, elle est tarée, elle est tarée.

J'hausse les épaules en la regardant passer les articles, sous la petite lumière rouge.

-Est-ce que ce mouvement d'épaule est un oui ? Parce que si c'est le cas, je peux être là à 21 heure 30 avec un truc décent à boire.

-On n'est toujours pas pote.

-Pas encore, une soirée et tu pourras plus te passer de moi. C'est presque déjà le cas, tu viens toujours ici quand je bosse.

Je le reconnaîtrais jamais, mais elle a raison. C'est pas ma faute. Même si elle est chelou, elle est hyper drôle. Je sais pas d'où elle débarque mais clairement pas la planète Terre. Je sors ma carte pour régler mes achats alors qu'elle les glisse dans un sac avant de me le tendre en même temps que le ticket de caisse.