Contre-enquête

3.2K 173 39
                                    

"Monsieur, je ne sais pas si vous lirez cette lettre. Je veux vous dire qu'il arrive parfois qu'un homme que tout accuse ne soit pas le coupable. Demandez-vous si vous pourriez vivre avec l'idée que le coupable se trouve quelque part autour de vous et qu'il peut recommencer"

-Daniel Eckmann


Octobre 2016

Point de vue Yasmin Yousfi.

Je peux supporter ses coups. Je suis résiliente, je plis mais je ne rompt pas. Alors oui ses coups, je peux les supporter. Ce que je ne supporte pas se sont les caresses. Chaque fois qu'il s'approche de moi mon cœur se soulève.

Il me touche, souvent. Trop souvent. Quelque part au cours de ces derniers mois, il a décidé qu'il était temps qu'on soit une vraie famille. Il a décidé qu'il voulait un autre fils. Un qui ne sursauterai pas chaque fois qu'un porte claque. Je lui ai répondu que Soan n'aurait pas peur de tout s'il n'était pas aussi violent...

Je réponds plus maintenant.

Quand j'étais au collège, Le planning familial est venu nous faire une intervention sur les violences conjugales. Je me souviens que ça m'a fait rire, quand la meuf nous a expliqué que ça pouvait arriver à tout le monde. J'ai rigolé parce qu'avec mon caractère, je me suis dit que dans cette vie il n'y avait absolument aucune chance pour que ça m'arrive à moi.

Yasmin Yousfi n'est pas une victime jamais elle se laisserait tapé dessus.

Sauf que je ne suis plus vraiment Yasmin Yousfi. Ce que je ne savais pas, c'est que je finirais par tellement me haïr que par moment, j'espère juste ne pas me réveiller.

Mais je suis résiliente. Je plis, mais ne rompt pas.

Soan aide beaucoup. Qu'est-ce qu'il adviendra de lui si je ne suis plus là ? La simple pensée me donne envie de hurler de rage. Alors je prends les coups et je ferme ma gueule. Mais qu'on soit clair, la première qui me demande pourquoi je ne pars pas, je lui refais le portrait sans anesthésie.

Le lit bouge. Comme souvent, je n'ai pas dormis de la nuit. Il me touche puis je passe des heures entière à regarder le mur face à moi. Cette nuit n'a pas fait exception.

Les lattes du sommier couinent. Il s'éloigne. Il part tôt le matin, alors comme chaque fois, je fais semblant de dormir. En réalité, j'attends qu'il s'en aille pour trouver le sommeil. Aujourd'hui ne fait pas exception. Quand j'entends la porte de la maison se refermer, j'ai un soupire de soulagement avant de fermer pour de vrai les yeux.

Je suis en état permanent de vigilance extrême, même s'il est toujours d'une discrétion improbable pour un enfant de son âge, il ne faut pas longtemps à Soan pour me réveiller.

-Oh non, je suis attaquée par un bébé monstre, je dis en soulevant le petit garçon pour le faire monter sur le lit.

Ses rires me font du bien. Je le chatouille pour prolonger la petite mélodie. Je m'accroche à ces instants de calme, comme on s'accroche à une bouée de sauvetage.

-Allé bonhomme, on va prendre le petit-déjeuner, je finis par dire en le reposant par terre.

Rapidement, je l'installe sur sa chaise haute à la table de la cuisine avant de disposer devant lui une assiette de fruit ainsi que des tartines au chocolat et sa gorge grenouille rempli de jus d'orange. Pendant qu'il mange, je me rends dans la buanderie.

Dans toute la folie qu'est ma vie en ce moment, il y a un autre point positif en dehors de Soan. Soraya ma voisine. Il y a quelques mois, elle est passée à la maison avec un boite, qu'elle m'a donné avec juste un phrase « pour que tu puisses partir le jour où tu en auras la force ». À l'intérieur, se trouvaient des pilules contraceptives.

FUGAZIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant