FUGAZI

Split

"You are different from the rest. Your heart is pure! Rejoice! The broken are the more evolved. Rejoice."

-The Beast 

Point de vue Billie Jean.

Il y a comme un air de déjà vu. Pas juste parce que Jida me fait faire ça quasiment tous les samedis matin. Il y a un air de déjà vu parce qu'avant elle, mama me forçait à l'accompagner sur les marchés pour acheter tout ce dont elle avait besoin. Comme avec mama, mon utilité première et de tenir les sacs qui s'alourdissent avec le temps.

Quelques pas derrière Jida, je la suis quasiment au pas de course. Jida va beaucoup mieux, tellement qu'elle me met une pointe de vitesse assez importante. Le pire, c'est qu'elle prend le temps de s'arrêter quasiment tous les dix mètres pour dire bonjour à quelqu'un. Jida est très populaire dans son quartier.

-Vous êtes toute seule madame Akrour.

-Oh non, je suis avec ma belle-fille, elle se retourne vers moi et sourit. Billie vient voir.

Sa main se dépose sur mon épaule alors qu'elle me présente à Rachida qui vit dans l'immeuble face du sien.

-Comme elle est magnifique.

-Il a très bon goût mon petit.

-Elle est avec le plus jeune ?

-Non, non l'ainé

-C'est bien, c'est bien. Et les enfants, c'est pour quand alors ?

-Pas longtemps, j'espère, j'aimerais les voir grandir.

Les grands-mères, c'est dangereux. En trente secondes, elle vient de me marier et de m'inventer des enfants dans pas longtemps. Je devrais flipper, mais de sa part ça me fait plus rire qu'autre chose. On note aussi cette manière absolument pas subtile, avec laquelle les deux mamans parlent de moi comme si je n'étais pas là.

-Et toi, les enfants ?

-Le plus vieux vient de commencer son BTS.

-C'est bien, c'est bien.

-L'important, c'est la santé.

J'ai vécu cette conversation mille cent cinquante fois et dans deux secondes l'une des deux va invoquer Dieu pour conserver cette santé. Mon téléphone vibre ce qui détourne mon attention.

De Lina :
« J'ai une surprise pour toi, passe au salon aujourd'hui si tu as du temps. »

À Lina :
« Je vois avec Jida et je te dis. »

-On est parti ma fille, dit la grand-mère dans ma direction.

Je secoue positivement la tête.

-Elle a beaucoup de courage Rachida. Mina m'a dit que son frère venait de sortir de prison.

Après la session marché, j'ai droit à une session ragot. Les commentaires sarcastiques de Jida sur la vie que mènent ses voisins me font sourire. Elle me fait beaucoup sourire Jida. Quand je suis avec elle, j'ai la sensation que mes problèmes disparaissent. La simplicité de son quotidien me fait du bien, me rend heureuse. Je gratte un peu de cette joie en passant beaucoup de temps avec elle.

De retour dans l'appartement, je commence à ranger ses achats à leurs places, alors qu'elle se lance dans la préparation d'un repas typiquement kabyle.

-Tu manges avec moi, elle demande sans détourner son regard de la casserole sur le feu.

-Avec plaisir.