Invictus

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"Times change, we need to change as well."

-Nelson Mandela


Septembre 2017
Point de vue Billie Jean


« Mets le coco et on démarre. »

Le grognement sort de mon corps sans que je sois en mesure de l'arrêter. D'un geste machinal, j'attrape le cousin se trouvant sous ma tête pour le placer sur mon visage.

-Mets le coco et on démarre.

Est-ce que j'ai le droit de dire à un petit garçon de six, de se la fermer parce qu'il n'est pas en rythme ? Est-ce que vouloir le faire fait de moi un monstre ?

-Mets le coco et on démarre, s'exclame à nouveau Soan.

Il monte sur le lit et commence à sauter dessus. Si son rap n'est pas en rythme, les sautillements sur le lit le sont. Finalement, je peux m'en prendre qu'à moi-même. J'aurais jamais dû lui montrer comment démarrer le lecteur cd. Ma bonté me perdra.

En vengeance, je donne un coup dans ses jambes et il s'étale de tout son long sur le lit. L'éclat de rire qui sort de son corps m'oblige à sourire. J'aime bien. À mon tour, je me redresse et commence à sauter sur le lit en rythme avec la chanson du s-crew.

Par contre, je maintiens. Il est plus que temps qu'on change de cd. Il faut que je nous fasse une update, des différents albums sorties ces derniers mois. J'aime toujours le s-crew. Mais trop de s-crew tue le s-crew.

-Maintenant ma vie paraît mieux qu'un égotrip, je m'exclame en couvrant la voix de Nekfeu. Et les jolies filles dans mes clips, c'est mes copines.

Me voyant faire, Soan rigole un peu plus fort avant de me suivre. On va casser le lit. Mais franchement on s'en tape. C'est une belle matinée.

Sept mois depuis que j'ai passé le pas de la porte du Vixen. Après celle de quitter Karim, c'est sans doute possible la meilleure décision de ma vie. Et si j'avais le moindre doute, la joie sur le visage de Soan aurait été suffisante pour les faire disparaître.

Son comportement a radicalement changé. Il est toujours ce petit garçon calme, et dans son propre univers. Mais l'air effrayé qui ornait son visage à disparu. Il reste timide en présence de personne qu'il ne connaît pas. Mais il est tellement plus ouvert, plus heureux.

Et aujourd'hui n'est pas un jour comme les autres. Aujourd'hui, Soan entre à l'école. Sans surprise, je suis bien plus stressée que lui. Mais comme me l'avait promis Sofian, quand je suis arrivée avec suffisamment d'argent pour l'année tout entière, l'école privé dans laquelle je l'ai inscrit n'a posé aucunes questions.

Officiellement, j'ai vingt-trois ans, et je suis sa mère. Tombée enceinte à seize ans, abandonnée par sa famille et le père de l'enfant. C'est passé comme une lettre à la poste. Je ne sais pas si c'est grâce à Soan qui m'a appelé mama tout au long de l'entretien ou à cause du maquillage façon voiture volée que je portais ce jour-là.

L'essentiel, c'est que c'est passé.

-Il est où ton sac ? Je demande au petit garçon qui enfile ses chaussures.

FUGAZIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant