OSMOSIS

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"Vous avez oublié une donnée essentielle, l'amour parfois ça fait mal" 

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 Juin 2016

Point de vue Yasmin Yousfi


Je prends une grande inspiration alors que je dépose le jean fraîchement repassé sur la pile de vêtements prévu à cet effet. La télévision diffuse des clips quelconques. À défaut de la regarder pour de vrai programme, j'ai pris l'habitude d'en faire un fond sonore.

Soan, joue avec ses cubes sur le tapis devant moi. Il n'est jamais loin. Je crois qu'il a peur de me perdre de vue. C'est toujours l'amour de ma vie, et ses lignes d'écriture sont de mieux en mieux ce qui me rend très fière.

La chaîne lance le jingle des nouveautés et je redresse la tête. Le clip démarre sur ce qui ressemble à l'arrière d'une caravane. Un mec danse avec un masque sur la bouche. C'est un clip du S-crew. Incapable de quitter l'écran des yeux, je ricane quand Mekra commence à agiter son drapeau de l'Algérie. Ils sont partout ces algériens, et leur drapeau c'est encore pire. On ne fait pas plus fière qu'eux. Je ricane parce que clairement, je me compte parmi eux.

-Merde, je m'exclame.

Soan rigole à cause du gros mot alors que je soulève le fer. Un nuage de fumée s'envole, dévoilant un trou dans la chemise. Je suis dans la merde. S'il tombe sur ça... Il ne peut pas tomber sur ça. J'y pense même pas deux fois quand je balance la chemise un peu plus loin dans le salon, dans l'idée de la cacher.

Je ne m'attarde pas trop sur la chemise. Le S-crew a sorti un nouvel album. Je les suis depuis un moment sur internet. Ça me fait plaisir de découvrir que leurs clips passent à la télévision. Plus encore à la télévision en Algérie. Ils percent sérieusement. C'est cool. Peut-être que je pourrais trouver l'album et l'acheter.

-Comme tu vas sis ? Demande Sofian en entrant dans le salon.

Je suis étonnée qu'il soit encore là. Je m'attendais pas à ce qu'il reste en Algérie aussi longtemps. Perso, je me serais tirée plus vite que mon ombre à sa place. Il n'y a rien pour lui en Algérie, encore moins en Kabylie.

-Pourquoi t'es là ?

-Moi aussi, je content de te voir, il répond en déposant un bisou sur ma joue. Ton mari m'a dit que t'avais besoin de faire des courses.

La maison est isolée, à la fois du village le plus près et de la ville la plus proche. Cet éloignement participe à mon isolement. Je ne suis pas quelqu'un de sociable. Ce que les gens pensent de moi, j'en ai jamais rien eu à faire. Mais j'aime être autonome. Ici, rien ne peut se faire sans voiture, je suis obligée de compter sur Sofian qui passe au moins une fois par semaine, et sur la voisine la plus proche.

C'est une femme proche dans la quarantaine, qui s'occupe de son mari déjà à la retraite. Elle est sympa bien qu'un peu envahissante. Elle aussi s'ennuie dans sa vie.

-Je finis ça et on peut y aller si tu veux bien.

Alors que je débranche de fer, Sofian attrape mon bras et l'avance près de son visage.

-C'est quoi ça, il demande en montrant mon bleu.

-Je me suis cognée contre...

-Finis pas ta phrase, il me coupe. Il te tape dessus.

FUGAZIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant