Je Vais Bien Ne T'en Fais Pas

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"Ça finit bien dans un sens et mal dans l'autre.  C'est toujours un peu comme ça."

-Thomas dit Grenouille

Son prénom roule sur ma langue sans que je puisse l'empêcher. Et son sourire s'agrandit. Je me suis promis de la tuer si jamais je la revoyais un jour. Dans un moment d'ennui et de haine profonde j'ai même préparé tout un discours, dans lequel je la pourris pendant plusieurs minutes.

Mais là, face à elle y a absolument rien qui sort. Toute la colère que je ressens depuis des mois semble fondre, alors qu'elle glisse ses bras sous les miens et dépose sa tête contre ma poitrine. Plus encore quand je croise son regard qui me fait sentir comme la personne la plus importante de son monde. 

Ce regard qui m'a empêché de passer à autre chose, qui m'empêche de passer à autre chose. J'ai un pincement au cœur. Je sais pas si elle le sent. 

Je finis par la repousser sans oublier de lui grogner dessus, ce qui ne fait qu'augmenter un peu plus son sourire. 

- Entre, elle finit par dire en se décalant de l'entrée pour me laisser passer. 

Le hall est encombré d'un nombre de cartons considérable. Des mecs les ferment sous le regard sérieux d'une grande blonde avec un porte-document à la main. Je suis Dinah jusque dans le salon, où elle m'annonce que nous seront plus au calme. C'est tout autant le bordel. Il y a des fringues sur le canapé et une valise ouverte sur la table basse. 

Son piano est ouvert, des partitions traînent tout autour. Le delbor ne me surprend pas. Contrairement à Ken, le bazar ne la gêne pas. Elle dit que c'est l'exacte représentation de ce qui se passe dans sa tête.

Elle est sur le point de partir. 

-J'étais sûre que ce serait toi qui comprendrais en premier, dit-elle en me tendant une bière qu'elle vient de sortir du mini frigo posé au sol. Mais je pensais pas que tu viendrais tout seul. 

Je suis seul parce que je pensais pas réellement la trouver ici. C'était un coup de poker, mais je suis pas sûr d'être si chanceux que cela. 

Pour toute réponse, je grogne à nouveau avant de prendre place sur le seul fauteuil disponible. De son côté, elle déplace la valise par terre et s'installe en tailleur sur la table basse. Son sourire ne faiblit pas. Il met en valeur le rouge de ses lèves et fait ressortir la fossette sur le coin de son visage. La monture club master old school de ses lunettes s'accorde parfaitement avec la coupe mom de son jean et le t-shirt à l'effigie de SOD qu'elle a rentrée dedans.

Elle est belle, et le nouveau coup au cœur, quand je réalise, ne me fais pas plaisir. 

C'est pas juste son physique. C'est l'aura de douceur qu'elle dégage. Elle est lumineuse et pendant un instant, j'aimerais que cette lumière m'atteigne à nouveau. J'ai envie de lui confier tous mes secrets avec la certitude qu'elle les emportera avec elle dans sa tombe. Ce qui est paradoxal parce qu'elle ne sait pas mentir. Confier un truc à Dinah, c'est s'assurer que celui-ci ne restera pas secret très longtemps. 

Ses bras nus laissent apparaître de nouveaux tatouages, mais la cicatrice sur son avant-bras gauche est clairement visible. Plus claire que le reste de sa peau, la fine ligne part de son poignet et remonte quasiment jusqu'à l'intérieur de son coude. 

Voyant mon regard en direction de celle-ci, elle dépose sa main dessus pour la cacher. C'est trop tard, je l'ai déjà vu. Elle est là pour lui rappeler, me rappeler que derrière toute sa lumière, il y a une part d'ombre que je ne comprendrais jamais.

FUGAZIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant