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"Tu peux pas dire non. C'est interdit par le règlement de mon orgueil"

-Andréa Martel





Février 2021

Point de vue Billie Jean.    


-T'en penses quoi ?

-C'est vraiment pas mal.

-Ouais, je suis plutôt satisfaite, ça lui va bien.

Les deux jeunes femmes font le tour de la table basse pour bien m'observer. Mon agacement fait un retour flagrant et j'en descends brusquement :

-Je suis toujours pas une poupée, je justifie mon geste.

-Ça, c'est clair, t'es sûre que tu veux toujours pas participer à mon défilé ?

Le premier défilé d'Ipso doit avoir lieu à la fin de la semaine. La date approchant Inès n'a de cesse de me harceler pour que j'y participe. Déjà en temps normal, j'aurais dit non, mais depuis ma sortie de l'hôpital, j'ai du mal à m'adapter à la perte de la moitié de ma vision. Les pertes, d'équilibres, les nausées, les migraines agrémentent mon quotidien et me rendent irascible. Alors non, je vais grimper sur un podium pour amuser la galerie. Je suis pas une poupée.

Je me contente de jeter un regarde sur Inès. Il est suffisamment dur pour marquer mon refus. Ça ne l'empêche pas d'insister.

-Marie le fait.

Je me tourne vers la rousse qui se contente d'hausser les épaules. Comment elle a pu tomber aussi bas ?

-Comme si les activités de groupe, c'était mon truc. On y va, on va finir par être en retard.

-Ok, mais tu sais pas dans quoi tu t'engages, je suis pas sûre que ce soit un cadeau que je t'ai fait.

Peut-être, mais je prends quand même. Il me faut un vrai travail et en trouver un part les temps qui court est déjà difficile. Trouver un travail sans expérience et sans diplôme relève presque de l'impossible. Quand Inès a débarqué chez Marie pour m'annoncer qu'elle connaissait quelqu'un à la recherche d'une secrétaire, j'ai sauté sur l'occasion sans hésitation.

Elle m'a vendu le truc, comme ce qui pouvait arriver de mieux et de pire, dans ma vie. Elle a prononcé le nom de mon futur patron avec un mélange de révérence, d'admiration, de dégoût et de crainte. Oui tout ça à la fois. Je n'ai jamais eu le plaisir de rencontrer Marc Duval, mais je ne l'oublierais jamais. D'après Inès.

Duval. J'ai l'impression que ce nom me poursuit où que j'aille. Quand j'ai fait part de ma sensation, Inès m'a confirmé qu'il s'agit bien du père de Dinah Duval.

Encore d'après elle, si Dinah est d'une gentillesse invraisemblable, Marc Duval, son père est un tyran prenant plaisir  à la souffrance des autres. Elle m'a aussi affirmé que non elle n'exagérait pas et qu'il y avait d'ailleurs un turn-over impressionnant au poste pour lequel je m'apprête à postuler pour le prouver.

J'ai pas peur des tyrans. Et j'ai besoin de ce travail.

Inès a ensuite décidé qu'elle viendrait me chercher avant mon entretien pour m'apporter son soutien. Qui, chez elle prend la forme d'un tailleur pantalons parfaitement à ma taille. Elle et Marie ont alors décidé de jouer à la poupée avec moi. Oui, le tailleur me va, est-ce que c'était nécessaire de me faire monter sur la table basse ?

Je dépose un baiser sur la joue de Marie, avant de quitter l'appartement sous ses encouragements. Dans la voiture, j'adresse immédiatement un coup d'œil au rétroviseur. Je sais pas pourquoi je m'impose ça. Mon visage est exactement le même qu'hier et encore avant hier. Il ne reste plus rien des coups. Les dernières traces ont disparu la semaine dernière. En revanche la partie gauche de mon front est toujours barrée d'une immense cicatrice partant de la racine de mes cheveux jusqu'à mon sourcil désormais coupé en deux.

FUGAZIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant