Misfits

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"This is it, it's your chance to do something positive, to give something back. You can help people, you can real make a difference to people's lives"

-Tony Morecombe

Mon pied tape frénétiquement contre le sol alors que je passe une de mes mains dans ma barbe. Je suis nerveux même si je ne veux pas le reconnaître. Au départ, je voulais faire ça chez-moi et puis finalement un lieu neutre m'a semblé préférable. Je pourrais pas élever la voix sans attirer l'attention sur moi dans ce petit café.

Après le Vixen, les paroles de Billie Jean ont tourné dans ma tête pendant des jours. Ça tenait en trois mots :

Demander des explications.

Alors c'est ce que j'ai fait. Plutôt que de me répondre par messages interposés, Lina m'a proposé qu'on se voie pour en discuter. J'ai dit oui. Ses explications vont sans doute pas me satisfaire, mais au moins je n'aurais plus de questions en suspend.

Lina passe le pas de la porte du café dans lequel je l'attends. Le short en jean taille haute, la veste en cuir, elle ressemble comme à son habitude à une version pin up rock'n'roll de Blanche Neige. Sa tête fait le tour de la pièce avant de tomber sur moi. Et pour changer elle me sourit tout en s'approchant. Elle tape dans ma main avant de prendre place et de demander au serveur un double expresso.

-Je suis lessivée, entre le monop' et le salon, je suis au BDR comme dirait l'autre.

Pour une fois, l'autre ne désigne pas l'Autre, mais 2zer, qui effectivement utilise cette expression en permanence.

-Mais je suis contente de te voir ça fait longtemps.

Deux semaines. J'évite le monop'. C'est chiant, d'abord, je me suis habitué à voir sa sale gueule, ensuite parce que je dois faire mes courses dans un Franprix trois rues plus loin.

-Tu m'as manqué. Surtout, quand tu boudes comme en ce moment. Mais on va pas passer par quarante mille chemins, elle poursuit sans attendre de réponse de ma part. J'ai rencontré Dinah quand elle était internée dans le centre de remise en forme où je faisais des ménages. J'ai vu Nekfeu, une fois quand il est venu la voir.

-Pourquoi est-ce tu nous l'as pas dit ?

-Comment est-ce que j'étais censée le faire ? Clairement, je sais que je manque de pudeur, que je suis pas toujours en harmonie avec ce qu'on considère comme de la bienséance et j'en joue beaucoup. Mais je pouvais pas lancer le sujet de moi-même sans passer pour une stalker et vous n'avez jamais parlé d'elle devant moi.

Elle tourne le café dans sa tasse à l'aide de la cuillère même si elle n'a pas mis de sucre dedans. C'est la première fois que je la vois aussi mal à l'aise. Comme elle le revendique, Lina n'est pas pudique et elle a très peu de considération pour les normes sociales et ce qu'on peut ou ne peut pas dire face à des gens qu'on connaît à peine. C'est pour ça que j'ai l'impression de tout connaître de sa vie. Elle parle beaucoup, d'elle, des gens dans son entourage et elle le fait systématiquement avec humour.

-On s'est tout de suite super bien entendu. Sans entrer dans les détails, elle m'a un peu expliqué comment elle était arrivée au centre. Elle m'a aussi dit pour vous. Elle parlait beaucoup de toi d'ailleurs.

Automatiquement, mes paumes de mains commencent à transpirer. J'ai pas envie, mais je peux pas m'empêcher d'être heureux de découvrir qu'elle parlait de moi.

-Alors forcément, quand on s'est rencontré, j'avais l'impression de tous vous connaître. À travers votre musique d'abord, et ensuite à travers toutes les histoires qu'elle a pu me raconter. Tout le monde n'est pas en capacité de me supporter. Je suis un peu bizarre et je fais du bruit pour cinquante. Généralement, je repère facilement les gens qui m'apprécient. Je savais que sous ton air renfrogné, tu m'appréciais, c'est pour que j'aie fait du forcing pour que tu m'invites à une de tes soirées. Je connaissais personne en montant sur Paris, j'avais juste besoin d'amis.

FUGAZIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant