"Hell isn't where you go when you die, it's what you become when everything you love has been taken away."
-Sunny
Je suis restée à l'hôpital jusqu'à la fin. Le S-crew dans les oreilles pour me détacher de ce qui m'entoure. Baba a fait un arrêt cardiaque à 22h36. Les médecins ont tenté de le réanimer, mais c'était trop tard. Son corps était trop fatigué.
J'ai eu le plaisir de découvrir que cela faisait plusieurs semaines qu'il était à l'hôpital. Que cela faisait plusieurs mois qu'il savait pour son cancer des poumons.
Il m'a tenu à l'écart pour ne pas me faire de la peine. C'est un échec cuisant. Si je réalise pas encore qu'il n'est plus là, j'ai conscience qu'en connaissance de cause, j'aurais pu lui dire au revoir d'une autre façon.
Les dernières semaines n'ont été emplies que de conflit. Si j'avais su...
Dans la voiture qui me ramène à la maison, je suis inconsolable. Je pleure comme je n'avais jamais pleuré auparavant. C'est la première fois que je perds quelqu'un et c'est pas n'importe qui, c'est mon baba. Pour un raison qui m'est étrangère, il m'a toujours porté plus d'attention qu'aux garçons. Je suis sa petite princesse kabyle. J'étais sa petite princesse kabyle.
-Tu dois te reprendre Yas, murmure Sofian alors que la voiture s'arrête à une feu rouge. Tu te rends malade.
Je l'entends mais ne parviens pas à me plier à son conseil. Je sais qu'il a raison. Chez nous, les émotions, on s'arrête pas trop là dessus. Pleurer c'est quelque chose qu'on ne fait pas. Ou alors seul. Mais je peux pas.
La tête appuyée contre la vitre de la portière, mon regard se perd sur le paysage extérieur. Pour la centième fois de la journée/soirée, je relance l'album du s-crew et augmente le volume dans mes oreilles. L'intro se lance. Est-ce que c'est ironique que l'album s'appelle destins liés ? Leur destin sont liés. Le mien l'était à celui de baba. Je suis ici, parce qu'il savait qu'il allait partir.
C'est la voix de Nekfeu qui finit par sécher mes larmes. Progressivement je me calme. Mais contrairement à lui, la douleur je n'en redemande pas. La voiture s'arrête. La maison est encore ouverte, les volets sont redressés, les lumières éclairent l'allée.
-Rentre So, je vais bien, je dis alors qu'il retire sa ceinture.
-T'es sûre de toi ?
-Oui, t'en fais pas.
-De toute manière je passe dans la semaine.
Je secoue positivement la tête avant de dépose un bisou sur sa joue puis je sors de la voiture.
Karim me tombe dessus dès que j'ai franchis le pas de la porte.
-C'est quoi cette merde, il demande en me balançant sa chemise à la figure.
C'est celle qui j'ai brûlé, j'ai oublié de la cacher. J'en ai rien à faire. Je l'emmerde.
-C'est pas le moment Karim, je réponds en le dépassant.
-Me tournes pas le dos.
Il me poursuit jusque dans la cuisine et me force à me tourner vers lui. Sa colère ne m'atteint pas. Ces derniers mois, j'ai fait comme mama m'a dit. J'ai rangé mon attitude. Mais ce soir, je n'ai pas la force de brider mon caractère. Et moi, personne ne me parle comme ça. Baba ne le faisait pas, c'est pas lui, alors qu'il sort de nulle part qui va le faire.
-Lâche-moi, j'ai pas ton temps.
-Tu me réponds toi maintenant ? T'étais où d'abord ?
-À l'hôpital, baba est partie, je réponds du bout des lèvres.
Je revois son corps dans ce lit d'hôpital. Pâle, maigre, des traces de larmes au coin de ses yeux fermés. Je ne reverrais plus le bleu de ses yeux.
-Oh, je te parle.
Il claque des doigts devant mon visage pour que je fasse à nouveau attention à lui. L'air rieur a disparu, le petit sourire entendu qu'il me glisse en temps normal est bien loin. Il n'y a que de la colère sur son visage. Une grosse veine gonfle sur son front, je la vois battre au rythme de son coeur.
-Il a enfin clamsé le vioque, il me dit d'un ton moqueur.
Cette fois il a toute mon attention.
-Tu savais ?
-Bien sûr que je savais, il était tellement désespéré de te marier avant qu'il ne disparaisse que je t'ai eu pour presque rien, il termine en ricanement.
La colère. C'est à mon tour de la ressentir.
-Tu savais et tu m'as rien dit, je hurle en le poussant durement.
Il recule de quelque pas pour ne pas perdre son équilibre. Sa réflexion sur ma dote, m'intéresse à peine. Il savait et il n'a rien dit. Il aurait dû me le dire.
-T'avais pas le droit.
Les larmes coulent à nouveau alors que je dépose un coup sur son torse. Il attrape mes poignets pour m'éloigner de lui. Il serre fort, il y aura des marques demain.
-Mais tu te crois où ? Hein ? Je suis pas ton pote moi.
La gifle qu'il dépose sur mon visage est tellement violente que je suis projetée au sol. Sidérée par le coup, je ne comprends que trop tard qu'il aurait fallu que je batte en retraite.
-T'as cru j'étais qui pour me parler comme aç, il hurle avant que son pied n'atteigne mes côtes.
Je perds ma respiration. Je perds mes repères, j'ai mal et part réflexe mon corps se place en position du foetus. Je sens mes côtes céder, alors qu'il continue de me hurler dessus, de me taper dessus.
Prostrée dans la cuisine, je ne peux toujours pas bouger, les coups ont cessés mais je ne parviens pas à me résoudre à bouger. Mes sanglots silencieux dévalent sur mes joues. J'ai peur. J'ai peur de bouger, j'ai peur de respirer. Une caresse est déposée sur mes joues comme pour balayer mes larmes. Je recule la tête pour me soustraire au touché et ouvre mes yeux.
Pleins de larmes le regard marron qui me fixe est emplis de terreur. La terreur de Soan me fait plus mal que les coups.
-Yaya bobo ?
-Non mon petit homme, tout va bien.
Je masque la grimace que s'installe sur mon visage quand je me redresse.
-On va au dodo, il est tard.
Monter les escaliers est la chose la plus difficile que j'ai fait de ma vie. Ma respiration est lourde, et je contrôle chaque expression de mon visage car je sais que Soan m'observe. Je ne veux pas qu'il ait peur, j'ai suffisamment peur pour deux. Dans sa chambre, je me glisse avec lui dans son petit lit. Il se tourne de façon à me voir.
Ses yeux se ferment seuls et il les frotte pour ne pas s'endormir. Il me regarde avec insistance, comme s'il avait peur que je ne disparaisse.
-Je vais te chanter une chanson, et demain quand tu te réveilleras, je serais juste là.
Naturellement, c'est une berceuse que baba me chantait quand j'étais enfant qui arrive à mon esprit. Comme prévu il s'endort avant que j'ai fini mais je poursuis. Je poursuis pour moi, j'ai un peu moins peur quand je chante.
"L'enfer ce n'est pas où tu vas que tu meurt, c'est ce que tu deviens quand tout ce que tu aimes t'as été enlevé"
-Sunny

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FUGAZI
Fiksi PenggemarHakim Akrour a toujours eu une idée précise de ce qu'il cherchait chez une femme. Lui il voulait une fille bien, une fille propre. Et si en plus elle pouvait être musulmane et algérienne ce serait encore mieux. Ce qu'il n'avait pas prévu, c'est de...