Antigone

43] Baiser

-Tu as raison. Tu dois être punie. Mais ce n'est pas moi que tu as offensé. Ignis, je te laisse la punir comme bon te semble. Elle est à toi.

A ces mots, Antigone se fige.
Elle se rappelle du questionnaire qu'elle avait rempli. Elle avait interdit expressément d'être donnée à un autre Dominant, en revanche ce n'est pas le cas pour être « prêtée ». Même si cela ne lui donne pas envie, elle n'en reste pas moins la soumise de Césaré et de personne d'autre et elle se doit d'accepter tout ordre ou désir de son maître, comme le dit le contrat qu'elle a signé. Autrement dit: s'il souhaite qu'Ignis la punisse, elle l'acceptera, sans broncher.

-Et c'est avec plaisir que je me chargerai d'elle.

Césaré lache enfin les cheveux d'Antigone et la pousse vers Ignis. Ce dernier passe son index sous son menton pour lui faire relever la tête et, après quelques secondes à l'observer en silence, il se penche légèrement et vient l'embrasser. Le baiser est féroce, il lui mord la lèvre inférieure et ne lui laisse d'autre choix que d'entrouvrir la bouche pour qu'il puisse y glisser sa langue.
La jeune femme est déboussolée. Il lui fait mal en la mordant ainsi et elle n'aime pas le goût qu'a sa bouche contre le sienne. Mais... étrangement... cela ne lui déplaît pas autant qu'elle l'aurait pensé.
Parce que c'est cru, c'est interdit, c'est malicieux, c'est douloureux... Ce baiser est la représentation parfaite de ce qu'elle était venue chercher dans le milieu du BDSM.

Il finit par la lâcher et donne une claque sur les fesses de Verte.

-Embrasse la, comme je viens de le faire.

A peine les mots sont-ils sortis de sa bouche, que la femme d'un peu moins d'une trentaine d'années, se précipite sur la bouche d'Antigone pour y reproduire ce que son Maître vient de faire.
C'est la première fois de sa vie qu'Antigone embrasse une personne du même sexe qu'elle. Non pas qu'elle n'y avait jamais songé, mais l'occasion ne s'était jamais présentée et elle savait bien que cela était plus un fantasme qu'une réelle envie.
Encore une fois, Antigone se laisse faire, sans savoir comment réagir. Elle ne sait pas où mettre ses mains, que faire de sa langue. Doit-elle participer activement ou rester telle une poupée de chiffon? Elle n'en a aucune idée.

Finalement Verte finit par se séparer d'elle et Ignis donne le même ordre à Jaune qui s'exécute aussi prestement.
Lui est plus jeune que les autres. Il ne doit pas avoir plus de vingt cinq ans, et Antigone voit immédiatement qu'il est également novice dans le milieu. Moins qu'elle, mais néanmoins nouveau.
Il n'en est pas moins un excellent soumis, du moins d'après le jugement inexpérimenté d'Antigone, et l'embrasse comme demandé.

Finalement, lorsque Jaune la lache et retourne à sa place, Antigone est parfaitement perdue. Elle ne sait pas si tous ces échanges de bactéries buccales l'ont dégoûtée ou au contraire excitée. Mais le simple fait qu'elle se pose la question fait dire à une petite voix dans sa tête: « Tu n'es pas normale ».
Cette petite voix, elle l'a entendue toute sa vie, toute son existence elle a eu l'impression d'être étrange, mais pour la première fois, la toute première fois, une autre voix se fait entendre et se met à hurler:
« Arrête de te poser des questions! Putain pour une fois dans ta vie... aime ce que tu es! Aime ce moment! Aime leurs baisers, aime leur monde... Aime ton monde. Tu es ici chez toi. Tu es comme eux. Tu es normale. Tu es parfaite... Je suis parfaite. »