Antigone

55] Sang

-Je vous en prie. Poursuivez votre démonstration. Il me plaît d'être l'objet d'une telle cérémonie. Pour rien au monde je ne voudrais abréger votre plaisir madame...

A peine ces mots sont sortis de la bouche d'Antigone que le visage de Diane devient aussi livide qu'un linge. Son petit sourire s'efface aussitôt et ce n'est plus de la provocation qui teinte ses pupilles, mais de la haine. Et cela ne fait qu'accentuer l'expression faussement respectueuse d'Antigone.
Elles savent parfaitement toutes les deux que la jeune femme se fout ouvertement d'elle, et ça la Domina ne peut pas le supporter.

Le revers de sa main vient s'écraser si violemment sur la joue d'Antigone qu'elle se cogne l'arcade sourcilière contre La Croix de Saint-André et qu'un goût de sang se répand dans sa bouche.
La douleur n'est rien comparée à ce qu'elle a déjà subit ce soir. Et ce n'est donc que le plaisir de lui avoir fait perdre le contrôle d'elle même qu'Antigone ressent. Le petit sourire en coin change de camp et vient se plaquer malgré elle sur les lèvres de la jeune femme. Si infime que seule Diane peut le voir.

Un filet froid coule sur sa paupières et vient aveugler son œil gauche. Son arcade sourcilière est ouverte et saigne abondamment, provoquant des réactions de la part de la foule.

Antigone le sait, certains pratiquants du BDSM aiment le sang. Mais ce n'est qu'une part infime, et généralement c'est une frontière à ne pas franchir. Et surtout pas dans une démonstration officielle.
Perdre ses moyens est la dernière chose qu'un Dominant digne de ce nom doit faire.

Diane et Antigone ne se lâchent pas des yeux, se toisant l'une et l'autre avec tellement de tension que l'atmosphère complète de La Grande Salle étouffe.

Si cela ne tenait qu'à elle, Diane se ferait un plaisir de frapper cette petite garce jusqu'à ce qu'elle crève. Seulement voilà, c'est impossible.

Monsieur Vespéral finit par intervenir en arrivant aux côtés de sa femme et lui glisse discrètement:

-Cela suffit Diane. Arrêtons la démonstration maintenant.
-Je n'en ai pas terminé avec elle!
-Si! Tu es en train de te tourner au ridicule. Tout le monde a vu que tu avais perdu le contrôle de toi même.

Avant qu'elle ne puisse rétorquer quoi que ce soit Césaré saute sur l'estrade et sans demander à qui que ce soit l'autorisation, vient détacher Antigone qui se laisse tomber dans ses bras avec un soulagement incommensurable.
L'adrénaline de la jeune femme redescend d'un seul coup, ne laissant que la fatigue et la douleur.

-Tu n'as pas à interrompre une démonstration!
-Je n'ai rien interrompu du tout. C'est vous qui l'avez fait, en franchissant vos propres règles. Elle saigne.

Diane hausse les épaules et tente de dédramatiser:

-L'arcade sourcilière est un endroit qui saigne beaucoup, mais c'est anodin. Elle n'a rien.

À cet instant, Césaré aimerait cracher au visage de cette femme qu'il a pourtant jusqu'ici toujours profondément respectée. Mais provoquer une esclandre est la dernière chose de censé à faire.
Il doit s'occuper d'Antigone, et rien d'autre ne compte en cet instant qu'elle, recroquevillée dans ses bras.
Alors, sans un mot de plus il descend de l'estrade sous les regards choqués de toute l'assemblée et fend la foule en tenant précieusement sa jeune soumise entre ses bras avant de monter quatre à quatre les marches de l'escalier qui mène jusqu'aux Donjons privés.