54] Respiration

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Diane finit par reposer la canne, comprenant que ce n'est pas avec ça qu'elle fera flancher Antigone. Elle attrape alors une tige métallique et de sa main libre vient tirer les cheveux de la jeune femme tout en lui murmurant sensuellement à l'oreille:

-Résister à la canne est une chose, mais ça s'en est une autre.

En démonstration elle approche la tige du corps d'un autre soumis et appuie sur un petit bouton. Aussitôt le corps de l'homme d'une quarantaine d'années sursaute et il pousse un petit cri de surprise mêlé à une douleur évidente.

Antigone comprend aussitôt qu'il s'agit de Violet Wand. Autrement dit de décharges électriques plus ou moins puissantes déchargées à la victime. C'est trop peu puissant pour provoquer la moindre séquelle, mais largement suffisant pour faire atrocement mal. La jeune femme ne peut que supposer de ce qu'elle va ressentir, et le fait de ne pas savoir ne fait qu'accentuer son appréhension.

Pour se donner du courage elle cherche des yeux Césaré dans la foule. Ignis est en train de lui dire quelque chose mais il n'en reste pas moins concentré sur sa soumise. Lorsque leurs regards se croisent il lui fait signe de respirer profondément et de rester calme.
Cela peut paraître absurde, mais ce simple contact avec lui, aussi loin d'elle soit-il, lui donne une détermination et un courage incommensurable.
Elle a résisté jusqu'ici, cela va continuer.

Soudain, Diane remarque ce contact visuel entre eux et comprend que cela joue en sa défaveur. Si elle veut réussir à la faire craquer elle doit la laisser seule. Qu'elle soit perdue, sans repères.
Aussitôt elle attrape un bandeau et lui met sur les yeux. Antigone est plongée dans le noir complet, avec une insupportable sensation d'enfermement. Elle ne peut pas bouger et ne peut désormais plus voir. Il ne lui reste que l'ouïe pour analyser le monde qui l'entoure et cela ne lui suffit pas. Une nausée claustrophobique incontrôlable lui monte à la gorge.

Elle doit se reprendre. Elle ne doit pas craquer juste pour un foulard sur les paupières. Ce serait du gâchis.
Elle repense aux signes de Césaré.
Respirer. Rester calme.

Soudain, une vive douleur lui saisit le téton droit. Comme une aiguille chauffée à blanc enfoncée dans sa chair. La surprise est telle qu'elle pousse un cri aigu qui, elle le devine, fait sourire Diane.

Respirer. Rester calme.

Un deuxième coup de jus lui foudroie l'index gauche. Par réflexe elle veut retirer sa main mais bien sûr son poignet est toujours parfaitement accroché à La Croix de Saint-André.

Respirer. Rester calme.

Un troisième. Au nombril.

Respirer. Rester calme.

Un quatrième. Sur la cuisse.

Respirer. Rester calme.

Ne pas savoir où elle la tige en métal va se poser est presque pire que la douleur en elle même.

Un cinquième. Sur la joue.

Respirer. Rester calme.

La sensation d'une aiguille la perfore à chaque fois. Une brûlure la foudroie. Comme un éclair vif dans la nuit.

Un sixième. Au pied.

Respirer. Rester calme.

C'est insupportable. Cela lui donne envie de se gratter. Elle veut frotter sa peau de toute ses forces pour retirer ces sensations. Elle n'en peut plus. Elle se concentre de toutes ses forces pour ne pas crier et implorer, mais à chaque fois c'est plus difficile. Sa carapace se fissure peu à peu.
Si son bourreau continue à cette allure, elle sait qu'elle ne tiendra bientôt plus.

Et soudain, cette douleur si particulière lui foudroie l'entre-jambe. Comme si son clitoris avait été brûlé au troisième degré.

Cette fois, elle pousse un hurlement qui lui sort du plus profond des entrailles. Elle veut resserrer les cuisses mais ses chevilles sont prisonnières. Elle tire sur ses liens, sans succès.
Des murmures se font entendre dans l'assemblée.

Elle veut qu'on la libère de cette croix. Elle veut redescendre de cette estrade. Elle veut partir. Elle veut se jeter dans les bras de Césaré et ne plus jamais remettre les pieds ici.

Diane lui retire son bandeau. Son visage est tout près du siens. Satisfait.
Une larme de douleur vient couler sur la joue d'Antigone. Madame Vespéral l'essuie de son pouce et chuchote d'une voix réconfortante:

-Tu peux arrêter tout ça tu sais. Il te suffit de dire ton safeword...

À cet instant précis, ce n'est plus le courage ni l'envie de rendre fier Césaré qui l'empêche de prononcer ce mot salvateur. Mais la colère. La rage.
Désormais, Antigone préfère poursuivre la séance toute la nuit s'il le faut plutôt que donner à cette femme ce qu'elle veut.
C'est une guerre personnelle qu'elle lui a déclaré? Très bien.

Après quelques secondes, Antigone finit par entre-ouvrir les lèvres. Et alors que Diane pense avoir gagné, la jeune femme répond de la voix la plus sereine et respectueuse dont elle est capable:

-Je vous en prie. Poursuivez votre démonstration. Il me plaît d'être l'objet d'une telle cérémonie. Pour rien au monde je ne voudrais abréger votre plaisir madame...

Antigone Où les histoires vivent. Découvrez maintenant