73] Noyade

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-Je t'aime! Je t'aime...

Une gifle.
Un coup de poing dans le ventre.
Une épaule déboîtée...
Rien n'est comparable à ce qu'est en train de ressentir Antigone. Son cœur s'est arrêté de battre dans sa poitrine et son souffle s'est coupé.
Jamais, jamais elle n'aurait cru entendre ces mots un jour, parce qu'il avait été clair:
« Tu n'es pas dans une romance où je finirais par te demander en mariage, cela n'arrivera pas. »

Antigone ne veut pas se marier, mais en revanche trouver l'amour faisait partie de ses espérances. Elle savait en signant le contrat qu'il ne serait pas l'homme de sa vie. Seulement voilà, elle ne pouvait pas deviner qu'elle tomberait amoureuse de lui, comme il ne pouvait pas non plus prévoir qu'il le tomberait d'elle.
Il était pour elle une expérience.
Elle était pour lui un nouveau jouet.
C'était clair. C'était dit. C'était précis.
Et maintenant les voilà, bêtement tombés dans le puit des sentiments. On s'enlise dans l'amour, on tente de résister, se remonter à la surface mais on coule inexorablement, jusqu'à se noyer complètement. Et lorsqu'on se rend compte que nos poumons sont remplies de cette eau il est déjà trop tard. Impossible de s'en sortir indemne. Se laisser entraîner dans les abysses ou lutter et finir avec des séquelles irrémédiables.

Ils se regardent.
Ils se lisent.
Ils s'oublient l'un dans l'autre.

Il ne voulait pas aimer. Il aime.
Elle ne voulait pas lui pardonner. Elle lui pardonne. Parce qu'elle l'aime.

Et lorsque leurs bouches se rapprochent l'une de l'autre ils savent parfaitement qu'ils sont en train d'être emmenés dans les abysses les plus profonds. Et ils ne luttent plus. Ils se sont déjà trop battus lui comme elle. Ils veulent simplement se retrouver ensemble, dans les profondeurs sous-marines et y faire l'amour à jamais. Une valse éternelle. Une nage silencieuse et parfaite.

Avant que leurs lèvres ne se frôlent, Antigone murmure silencieusement:

-Te rappelles-tu ce que tu m'avais dit dans ce café? A propos de nos prénoms. De notre destin...

Elle n'a pas besoin d'en dire plus, il sait parfaitement de quoi elle parle.
Il lui répond dans un murmure identique:

-Je t'avais demandé si tu pensais que nos prénoms avaient une influence sur notre existence d'une manière ou d'une autre...
-Oui... Et je t'avais répondu que je ne savais pas. Mais que Césaré et Antigone étaient tous les deux morts jeunes... Et tu m'avais dit...
-« Alors dans le doute, s'il ne nous reste que si peu de temps à vivre, je pense que nous devrions profiter au maximum de ces derniers instants... »

Leurs bouches se rapprochent encore et viennent se mélanger enfin.
Enfin.
Enfin...

Ils se laissent noyer.
Ils se laissent aimer.

Antigone Où les histoires vivent. Découvrez maintenant