Antigone

76] Cinéma

Antigone se demande à quel point l'erreur qu'elle est en train de commettre va être fatale. Son intuition lui chuchote que ce qui va suivre va être au mieux extrêmement gênant et au pire totalement apocalyptique.
Eliott est quelqu'un de fondamentalement gentil, mais elle ne peut pas en dire autant de Césaré qui, elle le sait déjà, va se faire un malin plaisir de piquer à vif ce qu'il pense être un potentiel rival. Mais Antigone n'a jamais ne serait-ce qu'envisager une seconde qu'il puisse se passer quoi que ce soit entre elle et Eliott. En revanche, ce qu'elle ne sait pas mais qui éclate aux yeux de tout le monde, est que lui a toujours voulu plus entre eux deux.

Pour ne pas le prendre au dépourvu elle a prévenu Eliott par message qu'elle viendrait avec un ami et lui a demandé s'il ne préférait pas reporter. Et alors qu'elle s'attendait à ce qu'il prenne cette porte de sortie il a accepté sans problème qu'il y ai une troisième personne pour ce soir.

Après s'être garés, Césaré et Antigone marchent jusqu'au cinéma Les Trois Moulins. Finalement ils voient de loin Eliott attendre devant l'entrée, et Césaré dit doucement à Antigone:

-Tiens, je crois que c'est échalote.

Elle lui donne un coup de coude dans les cotes.

-Promets moi d'être gentil!
-Bien sur pour qui tu me prends!

À cet instant Eliott les voient et va à leur rencontre:

-Antigone!

Il se font la bise puis la jeune femme les présente l'un à l'autre:

-Césaré je te présente Eliott, un ami. Eliott voici Césaré, mon...

Elle ne sait pas si elle doit le dire. Il finit sa phrase à sa place:

-Son mec.

Ils se serrent la main et se toisent. Et tandis qu'ils se regardent intensément afin de se jauger l'un l'autre, Eliott a l'insupportable sensation d'avoir déjà vu ce visage. Mais il est incapable de savoir où ni quand il a eu l'occasion de le croiser par le passé. Il n'a jamais été très physionomiste et préfère donc ne rien dire, pensant qu'il confond avec quelqu'un d'autre, et tous les trois entrent dans le cinéma.

-Qu'est ce qu'on va voir?
-Il n'y a qu'un seul film à l'affiche. Les Diaboliques. Un film des années 50 réalité par Henri-George Clouzot. Vous connaissez?
-J'ai trente-quatre ans. Encore heureux que je connaisse oui.
-Et toi Antigone?
-Seulement de nom. Je ne l'ai jamais vu.
-Tu vas aimer.
-De quoi ça parle?
-De deux femmes, respectivement l'épouse et la maîtresse d'un même homme, qui vont s'allier pour le tuer. Il est violent, infecte, sadique. À tous points de vue il mérite de crever.
-Mais?...
-Mais... ça ne va pas se passer aussi bien que prévu...

Tandis que Césaré raconte à Antigone en prenant soin de ne pas lui révéler la fin, Eliott continue d'inspecter le visage de cet homme qui lui fait face.
Il a déjà vu quelque part. Il en est sûr.
Il n'écoute que d'une oreille, mais ses paroles résonnent en lui: « il est violent, infect, sadique ».
Violent. Sadique.
Violent...

Et soudain, comme un éclair le traversant de part en part Eliott réalise d'où il le connaît. Il réalise qui se tient devant lui.
Il ouvre la bouche et articule, le souffle coupé:

-Maître Pendragon?!