28] Fuite

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Combien de temps?
Depuis combien de secondes Antigone regarde t-elle ce spectacle?
Elle n'en a aucune idée. Le temps a cessé d'exister. Elle n'entend qu'un bourdonnement insupportable résonner à ses oreilles, comme si elle venait d'être frappée à la tête. Ce bourdonnement insupportable n'est perturbé que par la respiration trop calme de cette femme, celle trop enivrée de Césaré et surtout, surtout par les claquements des lanières en cuir contre sa peau.
Claccc...
Il résonne. Le son persiste, et elle a soudain l'impression que c'est elle qui reçoit ces coups.

Elle ne sait pas pourquoi, peut être a-t'elle respire trop fort, peut être a-t'elle fait du bruit sans s'en rendre compte ou tout simplement a-t-il sentit une présence, mais Césaré tourne soudain son visage vers Antigone.
Leurs regards se croisent et le visage de l'homme se décompose d'un coup. Il sort instantanément de la transe dans laquelle il était plongé et durant un instant il n'y a plus qu'eux deux sur terre.
Ni l'un ni l'autre ne fait un mouvement. Il se fixent. Leurs respirations se sont arrêtées, tout autant que leur cœur dans leur poitrine.

Et il y a cette femme. Cette femme qui ne se doute de rien à cause de cette cagoule sur son visage.

Antigone a la sensation que tout se déroule au ralenti depuis qu'elle a poussé cette porte. C'est comme si elle était là depuis des heures, depuis des jours.
Mais enfin, le bourdonnement dans ses tympans cesse, et elle reprend d'un coup possession de son esprit autant que de son corps. Le ralentit a cessé. Le temps réel reprend le pouvoir, et avec lui toutes les émotions.
Ça y est. Elle le sent. Son cœur qui a explosé dans sa poitrine. Elle sent chaque petit morceau lui perforer les organes. La douleur est insoutenable. L'humiliation aussi.
Elle remercie le ciel que cette femme ne la voit pas et si elle ne puisse pas voir son visage non plus.

Ses jambes lui répondent enfin. Et sans un seul mot, sans une seule parole, elle tourne les talons et s'enfuit à toute vitesse.

Elle court le plus vite qu'elle le peut dans le corridor, traverse l'immense salon où elle était restée agenouillée toute une nuit et arrive à la porte. Elle veut l'ouvrir, mais soudain une main s'abat sur son avant-bras et la retourne.
Elle se retrouve alors nez à nez avec lui.

Elle est terrorisée. Non pas qu'il lui fasse du mal, mais terrorisée à l'idée de s'effondrer devant lui. Elle résiste à l'envie si ardente de s'effondrer à ses pieds. Elle aimerait hurler, elle aimerait crier, pleurer, s'arracher les cheveux, se rouler au sol, se griffer le visage et se gifler pour être venue ici, pour avoir vu ça, pour s'être elle même mise dans cette situation. Elle regrette. Elle regrette tout. Elle ne regrette pas seulement d'être entré chez lui sans son accord... Elle regrette d'avoir signé ce contrat, elle regrette de l'avoir laissé la séduire, elle regrette d'être allé dans cette antre du BDSM.
Mais par dessus tout... elle regrette d'avoir pensé que cet homme était autre chose que ce qu'il lui avait dit: un Dominant. Il l'avait prévenue pourtant. Il lui avait dit que cette relation n'était rien d'autre qu'un lien D/s. Mais elle n'a pu empêcher son cœur de se laisser aller à des sentiments qui n'avaient en aucun cas lieu d'être.
Elle a été faible, elle a été idiote. Elle se déteste. Elle aimerait être morte en cette instant.

-Antigone! Qu'est-ce que tu...

Elle ne le laisse pas finir sa phrase et le coupe d'une voix qu'elle espère dénuée de tremblements:

-Je veux partir.
-Qu'est-ce qui t'a prit d'entrer ici sans y être invitée?! Pour qui te prends tu!?

Les yeux de Césaré sont emplies de colère. Sa mâchoire est serrée et tous ses muscles contractés. Il contrôle le timbre de sa voix, mais la jeune femme voit bien qu'il aimerait hurler autant qu'elle.
L'un comme l'autre se contiennent du mieux qu'ils le peuvent... mais pour combien de temps?

-Lâche-moi! Je veux m'en aller.

Un tutoiement. Un ordre. Un refus de répondre aux questions qu'il vient de lui poser. Un ton irrespectueux. Combien de règles vient-elle d'enfreindre en une seule seconde?

Il ne bouge pas et continu de tenir fermement son poignet, sans lâcher son regard.
Alors elle finit par dégager violemment son bras et se retourne de nouveau pour ouvrir la porte mais encore une fois il la retient et cette fois-ci l'attrape par les épaules et la plaque dos à la porte.

-Je t'ai dit de me lâcher!

Ce n'est pas un hurlement, mais Antigone a perdu le contrôle. Elle pousse Césaré mais il est bien plus fort qu'elle et enfonce un peu plus ses doigts dans ses épaules, lui faisant presque mal. Et cette douleur, même si cent fois moins intense que beaucoup d'autres qu'il lui a fait subir; est également bien moins agréable.

-Je veux partir! Je veux m'en aller! Maintenant!!

Ses yeux sont embués de larmes et sa voix est sanglotante. Elle craque devant lui, et cela lui est insupportable. Mais Césaré n'a pas l'intention de la laisser s'échapper aussi facilement. Qu'elle pleure si elle le souhaite. Qu'elle fonde en larmes. Qu'elle sanglote et pleurniche, cela lui est bien égal.
Elle a désobéit. Elle est entrée ici malgré ses ordres et avertissements, alors maintenant elle va devoir affronter les conséquences de ses actes...

Antigone Où les histoires vivent. Découvrez maintenant