Tout pour la musique (2)

➵ Chapitre 34 ~ Luke

  Luke ouvrit les yeux et discerna faiblement les contours des meubles de sa chambre à Saint-Mathew. Il se redressa, déjà alerte et jeta un coup d'œil à l'heure. Il était près de dix heures du matin. Il remarqua le lit vide de Mike et songea que ce dernier avait bien fait de le laisser dormir. Son cauchemar déjà oublié, il se leva et tira les rideaux des fenêtres qui offraient une vue sur New-York en plein hiver. Il avait reneigé et la ville disparaissait sous la neige. La route, les toits des voitures et les toits des immeubles étaient recouverts d'une couche de poudreuse, dont les cristaux virevoltaient à chaque coup de vent. Luke ouvrit la fenêtre pour aérer la pièce et s'accouda sur le rebord de la fenêtre. Il jura quand ses coudes dénudés rencontrèrent la neige glaciale du rebord.

Il respira une bouffée de l'air froid mais pollué de New-York. Il resta là quelques instants, à regarder sans penser à rien, ne sentant pas les morsures du froid. Qu'ils étaient chanceux d'avoir eu une chambre qui donnait côté rue ! Le ciel laiteux se mêlait au sol neigeux, les nuages cristallisés aux toits poudrés. Luke referma la fenêtre d'un coup sec. Le froid avait laissé des gerçures sur ses coudes et les jointures de ses mains. Ses ongles étaient violets.

Il enfila rapidement un sweat-shirt gris et un jean noir avec des baskets, sans oublier les chaussettes. Il alla rapidement à la salle de bain, le temps de se mettre un peu d'eau sur le visage. Il observa rapidement son reflet dans le miroir de la salle de bain. Il constata que sa mâchoire était plus carrée, et que peu à peu, il perdait ses traits enfantins. Il ressemblait de moins en moins à sa sœur, ce qui le déchargea d'un poids. Peut-être qu'il ne la verrait plus partout s'il ne lui ressemblait plus... Il ne prit pas la peine de se coiffer, gardant ses cheveux blonds dans les yeux. Il se retourna et s'apprêta à quitter la pièce. Mais, en se retournant, il avait aperçu du coin de l'œil l'image furtive d'une fillette blonde aux yeux bleus comme le ciel dans le miroir. Il fronça les sourcils et se tourna à nouveau vers le miroir, constatant que son imagination lui jouait des tours. 

   Il prit sa veste et son bonnet, avant de sortir et de fermer l'appartement à clés. Il traversa le long corridor aux murs beiges sur lesquels étaient accrochés des travaux d'anciens élèves en arts plastiques. C'était une fierté pour l'école d'avoir accueilli les plus grands artistes en tout genre entre ses murs. Un éloge leur était souvent rendu, non sans leur rappeler que c'étaient eux, les nouveaux élèves, qui en avaient l'héritage. Il y avait même une salle spécialement réservée à eux. Là-bas, on y trouvait des biographies de chacun d'eux, depuis le dix-neuvième siècle, avec des photos ou des portraits. Des œuvres étaient également affichées. Mike prétendait qu'un jour on verrait leur portrait sur un mur de cette salle. 

  Luke décida de chercher ses amis en commençant par la salle commune, où il retrouva Mike, Caitlin ainsi que Gaël.

— Alors, bien dormi la marmotte ? l'accueilla Gaël

— Dixit celui qui se lève à quatorze heures pendant les vacances, répliqua Luke en les rejoignant, sinon moi aussi je suis content de te voir.

— Le plaisir est partagé, répondit mielleusement Gaël

— Qui bene amat, bene castigat, commenta Luke, d'un air hautain

— Ce qui veut dire ?

— « Qui aime bien, châtie bien », traduisit Luke en levant les yeux au ciel d'un air outragé, c'est d'une évidence !

— Eh bien tu n'as qu'à pas parler la langue des morts !

— Le latin n'est pas-...

— Ça suffit, coupa Mike en leur jetant un regard appuyé à chacun. Luke, on t'a attendu pour le petit-déjeuner...