➵ Chapitre 92

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   Est-ce qu'un coeur déjà brisé peut à nouveau voler en morceaux à cause de la même personne ? Peut-être que j'exagère. Au fond, j'avais toujours su qu'il ne fallait pas que je me voile la face. Et pourtant, je l'ai fait. Un court instant, j'y ai cru. On ne m'y prendra plus.

   Maintenant, son regard évitait le mien comme la peste et je ne trouvais plus d'ancre à laquelle me raccrocher dans l'océan qu'il me laissait. L'ambiance était étrange, pas électrique, mais baignée d'un halo de résignation, comme si nous avions tacitement convenu que nous nous étions tous les deux fourvoyés.

   Alors, lui et Mike étaient partis à la recherche de cafés susceptibles d'accepter des chanteurs au mois d'août. Pendant ce temps, Caitlin, moi et Alice, réfléchissions à des chansons que nous pourrions chanter.

   Nos choix s'étaient portés sur trois chansons : One Last Time, I Love You et Ocean Eyes, puisque nous les connaissions toutes les trois. Alice et moi avions même chanté One Last Time à l'occasion d'un show, au lycée.

— Je me souviens, disait Alice. On était en plein mois de janvier. On n'arrivait pas à encaisser le fait que la vie suivait son cours comme si rien ne s'était passé.

— C'est compliqué, répondit Caitlin, de voir le monde continuer de tourner alors que le nôtre s'est effondré. Il ne reste plus que des échos.

— Il ne reste que des échos, répétai-je, avant de prendre mon téléphone et de noter cette phrase. Et des éclats de tout ce qui aurait pu être.

Caitlin pressa sa main sur mon épaule.

— Et surtout, il reste la joie et la gratitude d'avoir pu la connaître.

— Tu as raison, soupirai-je. Ça ne sert à rien de s'appesantir. On n'est pas dans une série ou un livre, rien ne peut la ramener à la vie. Des fois, j'ai l'impression d'avoir oublié son visage et son rire.

Un sourire compatissant peignit les traits de Caitlin.

— Avec le temps, les image s'effacent. Cependant, les émotions restent, et c'est le plus important.

Alice se racla la gorge.

— Et euh, avec le temps, je pourrai penser à Antoine sans avoir mal ?

Un sourire peiné trahit la vérité.

— Les blessures restent, soupirai-je

— Et la mélancolie heureuse, ajouta Caitlin, les yeux voilés. Quand ton coeur dur comme la pierre fond comme la neige à la seule pensée de ses sourires.

— De quoi tu te souviens ? questionnai-je

— Je me souviens des feuilles qui volaient en tout sens, de son pull rouge, de l'odeur humide de la pluie. De tout ce que je ne savais pas. De la saveur amère de l'été quand elle m'a dit que c'était terminé, avoua-t-elle

— Zoey, devina Alice

Caitlin acquiesça.

— Elle m'a montré à quel point le monde rayonne, quand on est avec quelqu'un de bien. Gaël m'avait dégoûtée de l'amour, et elle m'a montré que c'était avant tout du travail que d'avoir une relation saine et constructive.

Tout pour la musique (2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant