➵ Chapitre 105

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Je me raidis et me tournai vers lui. Il avait toute mon attention.

— Je t'écoute, dis-je, maîtrisant ma voix inquiète.

— Comme tu le sais, j'étudie le français. Pour le parfaire, j'ai songé à aller une année à Paris, dans ta filière, en lettres. Et j'ai été accepté. Je pars donc aussi fin août. On risque de se croiser, là-bas, mais je ne t'embêterai pas, c'est promis.

— Tu vas en première année ? fut la seule phrase qui me vint à l'esprit.

— J'ai un emploi du temps un peu spécial, je suis une partie des cours de troisième année et de deuxième. Mais, ne t'en fais pas, je te laisserai tranquille !

— Mais non, Luke, ne t'inquiète pas ! On n'avait pas dit qu'on était amis ? Deux amis ne s'ignorent pas, en principe.

Un sourire illumina son visage.

— C'est bien vrai, appuya-t-il.

— Bon, eh bien c'est réglé. Alice n'a pas fini d'entendre parler de toi, plaisantai-je en enfonçant un doigt joueur dans ses côtes.

Il éclata de rire.

— La pauvre, conclut-il, en me prenant l'amplificateur que je voulais remettre à sa place. C'est toi qui m'a dit un jour que c'était lourd ! ajouta-t-il, un sourire taquin plaqué sur les lèvres.

Je levai les yeux au ciel avant de monter au salon. Je fus surprise d'y croiser les parents de Luke, en pleine discussion avec ceux de Mike. Eux, en revanche, ne semblèrent pas choqués de me voir. Ils me saluèrent, et sa mère m'étreignit même, me demandant de mes nouvelles. Mike, Caitlin, et Alice s'empiffraient des pâtisseries qu'ils avaient rapportées. Je m'installai à leurs côtés, bientôt rejointe par Thomas et Luke, qui ne parut pas étonné de voir ses parents.

Le père de Mike insista pour que nous restâmes tous pour le dîner et la soirée, si bien que Caitlin, Mike et moi nous retrouvâmes à faire des courses de dernière minute dans la supérette du coin.

— C'est moi qui récupère son appartement, m'annonça Caitlin, après qu'elle m'eut demandé ce que Luke me voulait.

— Vous saviez qu'il voulait venir en France ? questionnai-je.

Caitlin et Mike échangèrent un regard tandis que je prenais deux paquets de cheddar.

— Il n'a eu que ça à la bouche depuis le mois de septembre, finit par dire Mike. Ou octobre, je ne sais plus. Enfin tu m'as compris.

— Oh, je vois, commentai-je, songeant que l'héroïne du roman que je lisais aurait trouvé quelque chose d'hilarant à dire, alors que moi, je reste privée de mots.

— Au moins, enchaîna Mike, vous pourrez vous retrouver avec Alice pour faire des covers. Alors que moi et Caitlin...

— Je viendrai te voir à San Francisco, promit-elle, ne lui laissant pas le temps de finir sa phrase.

Elle ponctua sa promesse de son inaltérable sourire réconfortant.

— C'est gentil, mais au final, c'est avec moi-même que je m'endormirai tous les soirs, déplora-t-il. Seul dans une ville inconnue. Tiens, ça ferait une bonne parole de chanson ça.

— Je t'achèterai un rayon laveur géant en peluche, que je parfumerai, affirma Caitlin en plantant son regard brun chaleureux dans les yeux verts de Mike. Comme ça, quand tu te sentiras seul et abandonné, tu pourras lui faire un gros câlin et te souvenir que je t'aime et que tu me manques.

— Oh ! laissa-t-il échapper, tout sourire. Ça sera peut-être supportable alors.

— Et puis, tu as encore un mois et demi, ajoutai-je en mettant dans son sac trois pâtes à pizza et deux pots de sauce tomate.

Nous rentrâmes chez Mike, les bras chargés de victuailles. Curieusement, je me sentais bien plus légère que lorsque j'étais arrivée en juin, plus apaisée que jamais, comme si j'étais enfin disposée à laisser partir ceux qui ne pouvaient plus rester. Nous mîmes tous la main à la pâte, aidant le père de Mike à faire les cupcakes, les mini burgers et les salades de crudités, et la mère de Mike avec les pizzas, les gaufres et la salade de fruits.

Sous les étoiles, l'air moite de New-York ne nous parut pas insupportable. Thomas fit rapidement connaissance avec les parents de Luke, si bien qu'au début du repas, c'était comme si il les avait toujours connus. Mon cousin avait toujours eu un certain talent pour se fondre dans la masse et être à l'aise avec n'importe qui en toute circonstance. J'aimerais dire que je l'envie, mais pas du tout. Les gens savent tout de suite de quoi il en retourne avec moi.

Les jours défilèrent vite. J'essayais de profiter de chaque instant, de graver dans ma mémoire chaque rire, comme on coincerait des fleurs des champs entre deux pages de carnet, pour enfermer leur parfum et le sentir plus tard, même des années après. Je voulais pouvoir écouter en boucle les mots et les rires quand il fera sombre et gris, et que dans la nuit, je n'entendrai plus que mes cris étouffés et l'espoir morne de pouvoir changer de vie.

Je pourrais tout lâcher. Mes études, mon plan B qui avait fini par devenir le plan A et l'écraser complètement, mon appartement, mes amis à la faculté. Mais je n'étais sûre de rien, et je n'étais clairement pas prête à me jeter dans l'inconnu maintenant. Quand je le serai, alors je le ferai sans hésitation, sans éprouver le moindre regret pour la vie médiocre qui s'offrait à moi. A ce moment-là, tout ira mieux.

~

Bonsoir ! Comment ça va ?

Excusez-moi pour mon retard ! 😅
Que pensez-vous de ce chapitre ? :)

Le suivant du point de vue de Mike !
On se retrouve samedi prochain pour le lire ! :)

Prenez soin de vous ! 🖤

Tout pour la musique (2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant