➵ Chapitre 12

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A ces mots, nous nous étions remis en place, et Luke s'était à nouveau improvisé chef d'orchestre. Je m'appliquai à inspirer et à expirer calmement, par le ventre. J'étais chez Mike, dans son garage, avec ma guitare. Nous allions jouer et rien de terrible n'allait se produire. Tant que j'étais avec ma guitare, tout irait bien. Tant qu'elle était à mes côtés, je ne risquais rien. Allez Emmy, courage.

— Tu veux peut-être un mediator, Emmy ? me demanda Luke, un pli soucieux barrant son front

— Non, c'est bon. Je préfère déjà jouer avec mes doigts, déclinai-je avec un demi-sourire

— Comme tu veux, répondit-il en haussant les épaules. C'est dommage parce que les sons sont plus puissants avec un mediator. J'en ai toujours plusieurs sur moi, n'hésite pas à me demander si tu en as besoin... Surtout qu'on tremble moins avec un mediator en main, et qu'on a moins mal aux doigts.

— Je sais. D'ailleurs j'en ai aussi toujours un sur moi, lui rappelai-je en plissant les yeux

— Le truc dans la coque de ton téléphone ? se moqua-t-il

— Au moins, je ne le perds pas ! protestai-je en riant légèrement et en sortant les deux incriminés de ma coque

— Je me souviens du bleu, c'est moi qui te l'ai donné un jour où tu en avais atrocement besoin ! s'exclama-t-il

Malgré moi, un grand sourire illumina mon visage : il s'en souvenait ! Et puis, la réalité me rattrapa et mon sourire se ternit.

— Eh bien, je ne l'ai toujours pas perdu ! répliquai-je en tâchant d'avoir l'air amusée

— Dois-je te rappeler de l'endroit où tu gardes toujours un mediator, Luke ? le taquina Mike

— Dans la coque de mon téléphone, je sais, répondit l'intéressé, allez tous en place ! conclut-il en tapant dans ses mains

Je pris ma guitare et respirai un grand coup, faisant le vide dans mon esprit. C'était normal d'avoir de l'appréhension. J'inspirai et expirai une nouvelle fois. J'étais prête. Avec le temps, ça allait disparaître. Luke fit le décompte et je me lançai, plus lentement cette fois. Je ne sus pas comment, mais je fis abstraction des autres. Il n'y avait que ma guitare et moi. Alice me rejoignit, puis ce fut le tour de Mike.

— Mickey, tu es en retard par rapport à Alice, constata gentiment Caitlin

— Désolé, marmonna Mike, c'était tellement plus facile quand on était insouciant !

Tout le monde avait arrêté de jouer et je m'avançai vers lui. Peut-être que je pouvais l'aider...

— Hey, Mike on est toujours insouciant, tentai-je de le rassurer en frottant son épaule. Ton rêve n'a pas changé en l'espace de deux ans, si ?

— Non, murmura-t-il, mais chaque fois que mes doigts frôlent les cordes, j'imagine un fiasco total. Tout m'échappe, je ne suis maître de rien, pas même de ma propre vie. Je suis assis sur un rocher en train de regarder les autres me façonner à leur image. J'aimerais juste être moi-même, mais même ça je n'y arrive pas. Je reste oisif, je me regarde disparaître.

— Tu ne restes pas à ne rien faire, c'est faux, contredis-je. Si c'était vraiment le cas, tu n'aurais pas tenu à vouloir reformer le groupe. On a un objectif, et on va se donner les moyens pour l'atteindre. Ensemble, ajoutai-je en croisant ses orbes vertes

— Ensemble, répéta-t-il en soutenant mon regard

— Alors, oublie tes idées noires le temps d'une chanson, terminai-je, doucement

— Ressens la musique, Mike, conseilla Luke d'une voix rauque. Écoute-la envahir chaque parcelle de ton corps, laisse-la aller au fond de ton âme panser ce qui te dévore. Laisse-la guider tes doigts sur tes cordes, autorise-toi à vibrer avec elle. Tu te souviens quand jouer de la basse étaient comme une bouffée d'air frais ? Ça l'est toujours, il faut juste que tu te permettes de le ressentir comme tel. Ferme les yeux s'il le faut, et laisse ton ouïe te transporter. Tu peux le faire, tu l'as déjà fait.

Tout pour la musique (2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant