➵ Chapitre 96 - partie 1/3

72 23 4
                                    

— Tu es sûre ? questionna Mike

— Parfaitement, affirmai-je

— D'accord. On vous laisse. Fais-le boire de l'eau, conseilla-t-il en désignant la bouteille que Thomas avait rapportée

J'hochai la tête.

— Bonne nuit.

Mike ferma la porte.

Mortifiée, je me laissai glisser contre le lit, à côté de Luke. Les larmes n'avaient pas arrêté de couler sur ses joues. Il n'était pas vraiment là, il était parti dans un pays où rien de tout ça n'était jamais arrivé, où Anna était encore en vie.

Assis de cette façon-là, recroquevillé, il ressemblait à un prince égaré dans les épines.

Je ne savais pas quoi dire, alors je n'ai rien dit. Parfois, le silence vaut mille paroles.

Je n'ai pas non plus osé le toucher, même l'épaule, car je ne voulais pas l'extirper de ces contrées idylliques où l'improbable existait. Moi-même aimait m'y perdre et vivre une vie où Solange m'accompagnait.

— Je pense tous les jours à elle.

Sa voix était entrecoupée de sanglots, comme une mélodie hachée.

— Je sais, murmurai-je.

Sans réfléchir, j'appuyai ma tête contre son épaule. Il ne bougea pas. Je réalisai trop tard qu'il ne m'entendait pas, qu'il était toujours là-bas, dans un endroit où je ne pouvais plus l'atteindre.

— J'ai si mal, poursuivit-il. La blessure est chaque jour plus profonde. Chaque jour, je meurs un peu plus.

Je ne sus que répondre à cela. Je comprenais. Pire, je me reconnaissais dans ses paroles. Nous étions comme des comètes sans traînées.

J'entremêlai nos doigts pour lui rappeler qu'il n'était pas seul.

— Je ne crois pas qu'il existe de remède, soufflai-je d'une voix tremblante.

Il planta son regard durci dans le mien. J'eux l'impression d'avoir affaire à deux orbes de pierre marine.

— Tu as raison. Il n'y en a pas. Chaque matin, je pense que je vais mieux, et chaque soir, j'ai le cœur qui éclate dans un silence fracassant.

Il dégagea sa main de la mienne, les mâchoires serrées. Il était au bord de l'implosion, les maux et les souffrances n'allaient plus tarder à quitter ses lèvres.

— Je l'aime tellement Em, finit-il par murmurer, tellement. Elle me manque. Chaque jour. Oh ! cria-t-il, je l'aime, je l'aime, je l'aime ! Anna ! Pourquoi n'es-tu plus à mes côtés ? Étais-je donc un si mauvais frère pour que tu partes sans même me dire au revoir ? Oh, Anna ! Tout est de ma faute ! Je n'aurais jamais dû te laisser seule ! Tu as raison de ne pas vouloir rentrer à la maison, je suis un monstre ! Je fais du mal à tout le monde autour de moi, tu mérites bien mieux que moi ! Je t'ai condamnée ! Oh, ma petite sœur, j'espère que tu es en paix et que tu ne souffres plus, oh... reviens s'il te plaît, j'ai été trop seul, je t'en supplie, je ferai n'importe quoi, quitte à vendre ma damnée d'âme au diable ! Anna... Oh oui, elle me manque, murmura-t-il pour lui-même

— Je sais Luke, je sais, chuchotai-je, mon coeur tourné vers Solange Griveaux.

Un sanglot m'échappa la première et je l'enlaçai, noyant mes larmes dans la pénombre de la pièce. Il enfouit son visage dans mes cheveux et ses sanglots mêlés aux miens résonnèrent au creux de la nuit.

Je ne sais pas combien de temps on est resté comme ça, entremêlés. Je suppose qu'on y est resté le temps qu'il faut ; suffisamment pour sécher nos larmes, pas assez pour apaiser nos cœurs.

Tout pour la musique (2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant