➵ Chapitre 64

111 21 13
                                    

   Aujourd'hui, nous étions vendredi. Vendredi, en latin, se dit « Veneris Dies », littéralement, « le jour de Vénus ». C'est donc le jour consacré à la déesse de l'amour. Et tout me ramène toujours à Luke. Y compris lorsque j'ai dû énoncer la date en latin aujourd'hui. Il ne m'a toujours pas répondu. Mike pense qu'il ne me répondra pas.

   Je soupirai. Alice se douchait tandis que je patientais sur le canapé. Nous avions rendez-vous à 21 heures tapantes dans la chambre de Solange et Rachelle. Toutes trois s'étaient mises en tête de me changer les idées avec une soirée pyjama. Solange avait même empreinté le premier film du Seigneur des Anneaux à la médiathèque du coin. La Communauté de l'Anneau n'attendait que nous !

   Et pourtant, je n'avais qu'une envie : m'enrouler sous mes draps et pleurer jusqu'à m'endormir. La douleur continuait de me déchirer le coeur. Mike ne répondait presque plus à mes questions sur Luke ; il me disait de le laisser partir.

   Mais, comment puis-je oublier ça ? Mes sentiments sont bien réels, je ne peux pas les effacer d'un coup de gomme, comme on effacerait un trait de crayon ou un tableau. Je continue à avoir l'estomac qui se retourne en pensant à lui, suivi d'une avalanche de larmes, seules preuves physique de la souffrance que j'essaie de refouler.

   Solange me conseille d'accepter chacune de mes émotions, qu'elle soit positive ou négative, de considérer chacun de mes sentiments, même si parfois je passe de l'amour à la haine, de la joie à la tristesse. Elle essaie de m'aider à percevoir ce que je peux en apprendre.

  L'eau avait arrêté de couler, Alice n'allait plus tarder. Je soupirai et écrivit à Mike que ce soir, c'était soirée pyjama. Il répondit qu'il approuvait et que je devais penser à autre chose. « Si seulement c'était si simple. Il est tout le temps dans ma tête, même dans mes rêves. Comment suis-je supposée m'y prendre ? » lui avais-je envoyé.

   Il avait simplement dit que ça prenait du temps. A ce moment-là, Alice sortit de la salle de bains en chantonnant « ooooh, caught in a bad romance ! ». Elle farfouilla un instant dans la commande avant de ressortir de la chambre.

— Je suis prête ! m'informa-t-elle, excitée comme une puce. Arrête de penser à lui ! ajouta-t-elle, devant mon air mélancolique

— Si seulement, soupirai-je

— C'est le but de cette soirée ! Allez ! m'enjoignit-elle en me tendant la main

Je la saisis et, après avoir fermé le studio, elle m'entraîna dans le dédale de couloirs de Sainte-Cécile, tandis que le message vocal de Luke repassait en boucle dans ma tête.

— Piles à l'heure ! s'extasia Solange, après nous avoir ouvert la porte

Rachelle, qui arborait une jolie coupe pixie depuis quelques jours, apparut derrière elle.

— J'ai apporté des cookies ! s'exclama Alice en brandissant les deux paquets impliqués

— Et moi des bonbons ! ajoutai-je en montrant la boîte que je tenais dans les mains

   Toutes deux sourirent de toutes leurs dents et Solange referma la porte. Nous nous installâmes sur le canapé, et j'écoutai distraitement Rachelle raconter une anecdote à propos des canards qui nageaient dans l'étang près de chez elle.

— Ma chanson préférée, c'est Somebody Else, m'annonça brutalement Solange

Elle tenait son enceinte entre ses mains et m'observait d'un air inquiet.

— Et toi ? demanda-t-elle

Boulevard Of Broken Dreams, murmurai-je, les yeux remplis d'eau

Tout pour la musique (2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant