➵ Chapitre 91 ~ Mike

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Mike l'avait rejointe dans le salon. Alice leur avait tout de suite demandé quand ils comptaient rentrer : elle souhaitait mettre son idée à exécution et regarder Sabrina l'Apprentie Sorcière. Émilie avait répondu qu'elle rentrerait dès qu'Alice le souhaitait, et c'était comme ça qu'il s'était retrouvé à les raccompagner, elles et Thomas.

Si Luke avait eu toutes les peines du monde à rester cordial avec la jeune femme, il en avait été de même pour elle, et Mike devait admettre qu'il ne se serait sans doute pas contenu, s'il avait été à sa place, ce qui n'arriverait jamais, ou du moins l'espérait-il. Il s'était promis d'en rediscuter avec lui. Quand bien même Émilie n'aurait pas dû l'agresser comme ça, il n'était pas sûr que Luke avait été honnête.

« Il n'y en a pas un pour rattraper l'autre » songea-t-il, après avoir jeté un coup d'œil à Emilie, qui gardait son regard obstinément fixé sur la lune.

— Je sais, soupira-t-elle en remarquant les œillades que lui jetait Alice, j'aurais dû lui en parler à un autre moment. Mike t'a devancée, ajouta-t-elle, avec un léger sourire

— J'allais plutôt te demander comment tu te sentais, objecta Alice. Mais Mike a raison.

   Il y eut un bref silence pendant lequel Mike ne distingua plus que les bruits de la circulation et les enseignes lumineuses des cafés, bars et boutiques encore ouvertes.

— Ça fait plus mal que je ne le pensais, finit par avouer Émilie

— J'imagine, souffla Alice, d'une voix fatiguée

Émilie haussa les épaules.

— C'est mieux d'être fixée.

« Pas sûr » pensa Mike, amèrement.

S'il avait effectivement oublié Hailey, la blessure, elle, n'avait pas encore totalement guérie. Il se rappelait très bien à quel point le confort du mensonge était agréable et valait mieux que l'âpre vérité. Entendre l'autre vous raconter des paroles dont il ne croyait pas un mot, c'était comme écouter sa maman nous lire un conte : c'était doux, cotonneux, chaleureux, apaisant ; rien ne semblait impossible ou inaccessible, on se sentait invincible. Et puis tôt ou tard, on comprenait que c'était juste pour ne pas se rendre compte qu'on s'endormait juste à côté des monstres, qu'on s'endormait juste au-dessus d'eux, que la barrière pour ne pas sombrer dans leur monde n'était qu'un mince voile de soie, qui se déchirerait au moindre à-coup. Oui, mieux valait se battre contre des moulins à vents que contre des chevaliers armés jusqu'aux dents.

— N'y pense pas pour l'instant, finit-il par lui conseiller.

Il se sentait las, comme si toutes ces disputes lui avaient râpé toute son énergie. Il ne savait plus quoi lui dire sans provoquer de nouvelle dispute, alors il s'abstenait. Se prendre la tête avec sa meilleure amie ne réglerait pas le soucis. Et puis, il lui avait déjà exposé son point de vue.

Il laissa son regard glisser jusqu'à Thomas, dont les prunelles noisette luisaient comme celles du prince d'Euphor, dans Goldorak, un de ses animés préférés, et soupira intérieurement. Il n'était plus si sûr d'avoir une chance. Mais en même temps, s'il ne disait rien, comment pourrait-il le deviner ?

— On est arrivé, constata-t-il, attristé

Il n'avait, au final, pas même échangé un seul mot avec Thomas. Il jeta un coup d'oeil à Alice, dont les sourires n'étaient que de façade. Son amie avait fané. Les mots qu'il voudrait lui murmurer, ceux qu'elle avait besoin d'entendre, semblaient flotter au-dessus de sa tête, sans qu'il ne puisse s'en saisir et lui offrir, plein d'espoir, comme on réciterait un sort supposé nous rendre meilleur.

Tout pour la musique (2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant