💚 Epilogue 💚

119 24 36
                                    

C'était notre dernier soir à New-York. A chaque concert, nous avions terminé en chantant Les violons continuent de chanter, et le public semblait avoir apprécié puisque certains étaient venus nous voir pour savoir où ils pourraient écouter nos chansons. A chaque fois, on leur donnait notre chaîne YouTube et nos réseaux sociaux s'ils souhaitaient rester informés.

Le trois septembre, sortirait notre premier EP : Dans le vent. John avait pris toutes les photos qu'ils voulaient prendre pour la couverture, même si au final nous avions opté pour la photographie d'une feuille verte teintée d'orange et de jaune en pleine chute, pour représenter l'irrévocabilité du temps qui coule comme un fleuve. Nous ne faisions que passer, comme des feuilles.

Il avait fallu réfléchir à l'ordre, ce qui n'avait pas été facile. Il avait fallu faire des compromis, retirer certaines chansons pour en mettre d'autres, réenregistrer certaines parties, rajouter un air mélancolique à l'une, ajouter du silence à l'autre. Néanmoins nous avions abouti à un ordre qui semblait plaire à tout le monde.

1. Les violons continuent de chanter
2. Un été pour tout écrire
3. Nyx
4. Elle a un sourire

Tout irait pour le mieux, désormais.

Je clignai des yeux face à l'éclat du soleil déclinant sur mon verre de champagne. Le jardin des parents de Mike avait été réaménagé pour accueillir tout le monde une dernière fois. Demain, je m'envolais pour Paris, encore une fois. Je ne voulais pas partir, je voulais rester ici à écrire des chansons jusqu'à en mourir. Mais il ne pouvait pas en être ainsi. Pas encore.

— A la musique, aux mots et à ceux qui les vivent ! lança Thomas, en levant son verre.

— A la musique, aux mots et à ceux qui les vivent ! répétâmes-nous, hissant nos verres à notre tour.

La boisson irradia partout dans mon corps. C'était la fin, mais en même temps c'était le début. Je ne savais pas comment l'expliquer. Qu'est-ce qui pourrait mal tourner, maintenant ? Si je voulais que ma vie change, alors je devais m'en donner les moyens. J'ai conscience de ça, je le sais. J'ai compris que je n'aurai jamais le centième de la vie parfaite que je m'étais imaginée, tout simplement parce qu'elle n'existe pas. C'est à moi de la modeler, par rapport à celle que je suis désormais. Celle qui reste, et plus celle qui fuit en s'apitoyant sur son sort. Celle qui veut, celle qui obtient parce qu'elle fait bouger les choses. Je vais y arriver.

Car jusqu'à maintenant, je n'avais pas compris ce que Sainte-Cécile avait cherché à nous donner. Un contrat, oui. Une carrière, oui. Mais surtout, le lycée nous avait offert de quoi réaliser nos rêves en travaillant : il nous avait posé sur un plateau d'or tout ce qu'un artiste travailleur rêvait d'avoir. Un réseau. Je l'avais compris en voyant John nous aider à filmer un clip, imaginer des plans et des angles auxquels nous n'avions jamais pensé. Emma nous avait confectionné des pièces uniques, et je repartais avec une veste en jean noire couverte de fleurs, étoiles et symboles peints par ses soins. Je l'avais vu en voyant Eileen transporter des sculptures pour donner vie à un univers que nous n'avions fait qu'ébaucher et effleurer du bout des doigts. Avec eux, nous plongerions en plein dedans.

— Ça va me faire bizarre d'être dans mon appartement demain soir, glissai-je avec nostalgie.

Caitlin se tourna vers moi et me sourit d'un air mélancolique.

— Et moi dont ! Je suis dans l'appartement de Luke, désormais.

Son regard s'arrêta sur une feuille tombée au sol.

— Tu as vu ? murmura-t-elle. Les feuilles jaunissent déjà. Les ratons-laveurs de Central Park vont recommencer à fouiller parmi les détritus et les feuilles mortes.

Tout pour la musique (2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant