➵ Chapitre 65

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   Il faisait atrocement chaud. L'atmosphère était si humide, si moite qu'il était impossible de me débarrasser de l'aspect brillant de mon visage. Mes vêtements m'avaient collé à la peau toute la journée, et je n'osais imaginer le supplice que devait subir l'examinatrice depuis trois jours.

J'avais passé l'oral de français sur le texte « Des Cannibales » de Montaigne, et ça s'était plutôt bien passé. L'écrit, qui s'était déroulé un peu plus tôt dans le mois, s'était aussi bien passé. Je pouvais donc me considérer en vacances. Mais curieusement, le coeur n'y était pas.

Il y a quelques jours, Solange nous avait annoncé qu'elle nous invitait, Alice, Rachelle, Antoine, Ludovic et moi, à venir une semaine chez elle en vacances. Cette perspective m'avait réjouie, puis j'étais retombée dans la morosité. Il fallait aussi dire que j'étais stressée par le français à ce moment-là. Et puis, peut-être que j'étais trop épuisée pour ressentir quoi que ce soit aujourd'hui.

Je poussai la porte du bâtiment rouge et montai les escaliers jusqu'à atteindre la salle commune où je retrouvai Alice, Antoine, Solange et Ludovic. Rachelle, qui passait l'oral juste après moi, reviendrait dans une vingtaine de minutes. Judickaël révisait dans sa chambre et Alice relisait ses fiches pour la énième fois, puisqu'elle passait demain matin.

— Alors, Emmy ? Ça s'est bien passé ? m'accosta Ludovic

— Argumentation ! « Des Cannibales », répondis-je, en souriant. J'ai juste oublié quelques détails en résumant Cannibale de Didier Daeninckx...

— L'argumentation, tu adores ! Je suis contente pour toi, se réjouit Solange. Oh, mais tu es vacances, chanceuse ! se rendit-elle compte

— Pendant que nous, on passe demain, soupira Alice, en fronçant le nez face à sa fiche sur le baroque

   Je lui souris et sortis fièrement mon exemplaire de toute l'œuvre poétique d'Arthur Rimbaud. Je le trimballais partout avec moi, un peu comme un talisman depuis que ... depuis que Luke me l'avait rendu la dernière fois que j'étais à New-York. Il y avait ajouté des annotations en plus des miennes, et je savais que je ne les retirerai jamais.

   Je le feuilletai, lisant quelques passages au hasard, m'attardant sur les passages que j'avais surlignés. C'était le seul livre dans lequel j'avais écrit. La plupart du temps, je me battais pour ne pas ne serait-ce qu'abîmer une seule page. Mais là, c'était différent, j'avais souhaité n'oublier aucune des réflexions qui pourraient surgir dans mon esprit.

— J'espère que Rachelle sera revenue à temps pour la dernière répétition de la chorale, dit Antoine en guettant d'un air préoccupé sa montre

Solange haussa les épaules.

— Au pire, elle nous rejoindra. Les profs savent qu'on passe notre oral toute la semaine, répondit-elle, tranquillement

   Je baillai discrètement et sortis ma bouteille d'eau. Alice me tendit un paquet de biscuits que j'acceptai. J'eus le temps de lire plusieurs autres poèmes avant que nous ne décidâmes de nous lever pour aller à l'auditorium où la chorale devait se réunir aujourd'hui. La prochaine fois, ce sera pour le dernier entraînement, le jour du spectacle.

   Entre Lise et Solange, j'écoutai les paroles de M. Ginsique qui semblait plus qu'heureux.

— Bonjour ! J'espère que vous allez bien, que vos oraux se sont bien passés pour ceux qui sont passés, et que ceux qui ne sont pas encore passés ne stressent pas trop. Aujourd'hui, dernière répétition. Je vous rappelle qu'on partira pour la salle le 4 juillet au matin, que la chorale, les danseurs et les chanteurs s'entraîneront tous une fois le matin, et que nous ferons un filage du spectacle l'après-midi. Vous n'avez pas besoin d'acheter quoi que ce soit pour les repas, le lycée s'en charge. Des questions ? Non ? Très bien, commençons !

Tout pour la musique (2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant