Tout pour la musique (2)

➵ Chapitre 2

   Le buffet de l'auberge était tout bonnement immense. Moi qui pensais ne pas pouvoir avaler grand chose, j'étais à ma deuxième assiette. Le voyage m'avait épuisée et affamée. Il fallait aussi dire que la nourriture de l'avion n'avait pas aidé à me remplir l'estomac. Un café plus tard, nous étions en chemin.

     Thomas, qui n'avait vu Emma que sur les quelques photos accrochées dans ma chambre, nous écoutait, Alice et moi, raconter nos souvenirs de lycée. La mine réjouie et l'oubliant pour la première fois depuis un mois, je suivis Alice dans le métro qui nous emmènerait au Queens. J'ignorai volontairement les tremblements de mes mains.

— Si parler d'elle vous met d'aussi bonne humeur, j'ai plus que hâte de la rencontrer ! annonça Thomas, adossé contre une des portes

— Tu vas l'adorer ! Par contre, son petit-ami, John, a un sens de l'humour plus que pourri ! l'avertit Alice

— A ce point ? la taquina Thomas, amusé

— A ce point, affirma-t-elle, la première fois que je l'ai vu, il s'est présenté sous le nom de John d'œuf ! Ça en dit long !

— Oh je vois ! s'esclaffa-t-il

— C'était il y a trois ans, murmura Alice, nostalgique

— Ah, les années lycée ! Les plus belles de nos vies, se souvint Thomas

— A Sainte-Cécile, la terminale est un véritable enfer, lui rappelai-je, l'année de seconde, par contre était la plus belle !

— Oh ça, tu l'as dit ! s'exclama Alice, pas de colles ignobles, pas de profs cassants, pas de « tiens si on faisait le programme de première année de maths en un semestre puisqu'on a fini celui de terminale en un semestre » ! C'était vraiment atroce, berk ! énuméra-t-elle

— Ah ça, c'est de votre faute ! se moqua Thomas

— On arrive ! se réjouit Alice en voyant le nom de notre arrêt apparaître sur l'écran au-dessus de nos têtes

    Une carte à la main et l'emplacement de l'appartement d'Emma et John entouré en rouge, Alice tentait de se dépêtrer pour trouver la rue que nous devions prendre. L'amoncellement des gens autour de nous n'aidait pas. Ne prêtant pas attention au quartier, j'aidai Alice à lire la carte et lorsqu'enfin nous vîmes la rue, nous faufilâmes dedans. Il y avait déjà moins de monde.

     Quelques minutes plus tard, nous arrivions devant un vieil immeuble orangé. Alice s'amusa à appuyer sur le bouton de la sonnette d'Emma et John au rythme de We Will Rock You, et quand une voix masculine résonna, elle s'exclama dans un français aux syllabes exagérées :

— Bonjour jaune d'œuf !

— Emma, tu vas être plus qu'heureuse ! retentit la voix de l'interphone

    Le bip caractéristique de l'ouverture de la porte se fit entendre et nous nous engouffrâmes dans l'immeuble, montant les deux étages quatre à quatre pour finalement apercevoir une petite rousse aux cheveux extrêmement longs et aux yeux brillants nous attendre dans le couloir.

Je me précipitai dans ses bras :

— Emma ! Tu m'as manqué !

— Toi aussi, Emmy !

Elle serra Alice dans ses bras avec autant de ferveur, et Thomas se présenta. Dans la seconde, elle nous tira dans son appartement :

— Venez !

John et ses éternels cheveux ondulés étaient à l'embrasure de la porte.

— Oh, Emmy ! Alice ! Ça fait si longtemps ! s'écria-t-il en nous étreignant