Tout pour la musique (2)

➵ Chapitre 71

Juillet s'en était allé, août était arrivé. Deux heures et huit minutes séparaient Lyon de Montpellier, où je devais retrouver mes amis. Rachelle partait de Lilles, Alice et Antoine de Besançon et Ludovic de Strasbourg.

  Je ne m'étais pas trompée en pronostiquant que Simon comprendrait le message que j'avais cherché à passer via Titanium. Il m'en avait parlé dès qu'il en avait eu l'occasion. Mon père, quant à lui, ne m'en avait pas touché un mot, et l'entêtée que j'étais refusait catégoriquement d'amener le sujet.

    Alice, qui s'était coupé les cheveux au niveau des épaules, s'était empressée de m'appeler il y a une petite semaine pour me montrer sa coupe. Sa bonne humeur était passée à travers l'écran de l'ordinateur, si bien que je me souvenais avoir passé le reste de la journée en sautant partout, au point que Simon n'ait dû me couler une bonne dizaine de fois à la piscine.

   Mon téléphone vibra dans ma poche, me tirant de mes rêveries.

« Depuis quand tu sais rouler les r ? En tout cas, superbe prestation ! On est impressionné ! Faire un solo comme ça, franchement bravo ! Il n'y a que toi pour réussir à faire ça ! »

Je souris face au message de Mike, et renonçai à l'idée de lui demander qui faisait partie du « on », si il était dedans. Sainte-Cécile avait mis en ligne l'intégralité de notre spectacle ce matin et Mike se faisait un plaisir de me le commenter par message. Si j'en crois son dernier message, ils doivent en être à Man Down.

« J'ai appris ! Merci beaucoup, j'étais super stressée avant de chanter... »

« Emily stressée... Étonnant. Franchement. »
« Emilie*. Oh je hais mon correcteur ! »

Je lui répondis par des smileys qui pleuraient de rire et soupirai discrètement, les yeux absorbés par le paysage. Quel dommage ! Je ne pourrai jamais asséner à Luke la gifle verbale qu'il méritait.

   Si au début l'inquiétude et la tristesse avaient le dessus, c'était à présent la colère qui dominait. Et j'étais d'autant plus frustrée de savoir que je ne pourrai jamais lui dire tout ce que j'avais sur le cœur. Cet abruti me manquait.

Nos discussions sur les livres, sur la musique, son sarcasme discutable, son rire. C'est donc ça, l'amour, le vrai, celui qui fait perdre la tête aux gens, celui qu'on ne peut pas se sortir de la tête ? Effectivement, ça n'a rien à voir avec mon amourette avec Thomas.

« Oublie-le » disent-ils. Facile à dire. Ce n'est pas au sein des murs de votre cœur qu'il vit. Et si un jour je suis amenée à le croiser, il m'entendra ! Il ne s'en sortira pas si facilement, hors de question !

Mon poing se desserra lorsque mon téléphone vibra à nouveau. Ludovic venait d'arriver et Solange venait d'envoyer dans le groupe « RETOURNE TOI ESPÈCE D'ABRUTI ». J'étouffai mon rire comme je pus pour ne pas briser le silence qui régnait dans le wagon. J'étais contente de les revoir, ils m'avaient manqué.

Je m'efforçai de ne pas penser au fait que d'ici un mois, nous entrerions en terminale. Je n'avais plus qu'un an à passer à Sainte-Cécile, et cette perspective me donnait le vertige. Je chassai l'image d'un futur dans lequel j'avais perdu mes amis et où j'étais complètement seule, et pas épanouie. Ça n'arrivera pas, je me battrai pour.

   Dans l'immédiat, j'allai passer une semaine de rêves avec des amis en or (même si je ne connaissais pas encore très bien Ludovic, ce serait l'occasion) et je ne penserai pas à Luke. Aujourd'hui ne compte pas. Techniquement, cela prendra effet lorsque nous serons arrivés chez Solange.