Tout pour la musique (2)

➵ Chapitre 60

Mardi, 23 mai 2017. Je n'oublierai jamais cette date-là. Elle fut le début de la fin, et une des pires journées qu'il m'ait été donné de vivre. Pourquoi ?

Déjà, nous avions bac blanc de physique et d'allemand. Et il n'y a pas pire que de terminer la journée par deux pénibles heures à plancher sur de la physique. Sur un sujet fait par M. Tullier qui plus est. Il avait refusé le sujet proposé par ses deux autres collègues, le jugeant « trop facile ». Il avait obtenu de Mme Joyce, la directrice, que sa classe à lui uniquement composerait sur le sujet qu'il avait concocté. Le principe même de contrôle commun semblait lui avoir échappé...

  Il était treize heures moins cinq, et nous attendions tous dans la salle que notre heure arrive. Au moins, l'allemand s'était bien passé !

  Je grimaçai : des gouttes de sueur coulaient le long de ma colonne vertébrale. J'avais pourtant attaché mes cheveux en un chignon ! Mes doigts tapotèrent fébrilement la table et je laissai échapper un soupir en observant ma calculatrice. Thomas s'était vanté d'avoir mis les formules dedans toute à l'heure. Il avait (encore) loupé une occasion de se taire...

   Le point positif de cette journée était qu'au moins, c'était le dernier bac blanc. Et c'était l'arrêt des notes. Ce soir, quand des larmes de stress couleront sur mon oreiller, je pourrai au moins me consoler en me disant que c'est terminé pour cette année.

— Vous pouvez retourner vos feuilles, indiqua tout d'un coup la surveillante

   Je sursautais et m'exécutai, tandis qu'un froissement de feuilles retentissait dans toute la salle. Je parcourus le sujet en mordant nerveusement la lèvre.

   Pourquoi les exercices 5 et 6 portaient sur des chapitres que nous n'avions pas étudié ? Quoi ? Je sais que je ne suis pas très attentive en classe mais quand même ! Si on avait traité les chapitres d'oxydo-réduction et compagnie, je l'aurais su ! Je jetai un coup d'œil à mes camarades de classe : Lise semblait au bord des larmes, Antoine avait viré au vert, Thomas faisait moins le malin, Judickaël s'était pris la tête entre les mains et Ludovic semblait sur le point de se lever et de rendre feuille blanche.

   Bon, les quatre autres exercices doivent bien être faisables, non ? 4 exercices sur 6, ça fait... euh... les deux tiers de fait, non ? Et deux tiers de vingt, ça fait... un peu moins de 14, disons 13. 13, ce n'est pas si mal, après tout !

   Je lus l'énoncé du premier exercice et répondis aux trois questions, sans me préoccuper du fait qu'il n'avait mis aucune donnée. Ce n'était pas grave, il fallait juste utiliser la constante de gravitation de 9.81 SI. M. Tullier avait tellement répété qu'il voulait qu'on l'utilise telle quelle que c'était sûrement un test pour savoir si on écoutait bien en classe.

   Vinrent ensuite les exercices 2, 3 et 4. Une vaste blague. Depuis quand je suis supposée connaître par coeur les masses du proton, du neutron et de l'électron au millième près ? Et, depuis quand suis-je supposée connaître par coeur la masse molaire moléculaire de l'étain, du tungstène et du titane ? Pourquoi n'a-t-il pas fourni la classification périodique des éléments en donnée ? Et puis, quelle idée d'utiliser des éléments pareils ! Il n'aurait pas pu utiliser l'hydrogène, l'hélium ou l'oxygène ? Et les constantes, pour ne sont-elles pas données ?

J'eus beau tourner et retourner la feuille dans tous les sens, aucune donnée n'apparut.

— Vous n'avez pas reçu d'autre page ? Je crois qu'il manque les données, demanda quelqu'un

— Non, il n'y avait que ça dans l'enveloppe, répondit la surveillante

   J'échangeai un regard abattu avec Antoine. Impossible de traiter beaucoup plus... Sentant mes yeux me piquer, je ravalai rageusement mes larmes. Je fermai les yeux et respirai calmement. Un, deux, trois. Il me serait impossible de réussir cette fois. M. Tullier n'écrira même pas 10 sur ma feuille. Et je ne préférais même pas imaginer ce que dirait mon père en voyant ma note ! Quoique, vues les circonstances, peut-être qu'il sera compréhensif...