➵ Chapitre 73 - partie 2/3

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Effectivement, Solange avait raison. Cette chanson me rappelait bien trop Luke. Et elle collait un peu trop à mon goût à la situation et à ce que je ressentais. La première semaine de cours s'était bien déroulée, même lorsque j'ai dû chanter devant toute la classe. A trois reprises.

   Comme elle rentrait facilement dans la tête, je n'avais eu aucun mal à saisir la mélodie. Le début, par contre, ça c'est une autre histoire. Sans l'aide d'Alice et de Solange, je n'aurai jamais pu y arriver aussi vite. J'avais tellement peur que M. Wiener me fasse une remarque que je m'étais entraînée jusqu'à l'excès, au point qu'Alice ne pût plus supporter la chanson. Peut-être qu'on en fait trop par rapport à M. Wiener ; toujours est-il qu'il a dit à Marine qu'il ne comprenait pas ce qu'elle faisait dans cette classe. Marine a une jolie voix. Ce n'est pas de sa faute si elle ne maîtrise pas toute sa capacité vocale. D'ailleurs, le peut-on vraiment ?

   Il m'avait dit que ce n'était pas mal et qu'il s'attendait à pire venant de moi. J'ai soigneusement ignoré sa pique et me suis contentée d'hocher la tête. Quand il a dit la même chose à Solange, elle a pris le temps de regarder successivement ses ongles manucurés puis lui avant de lâcher : « et moi, je suis sûre que je vous ai épaté et que vous ne vous attendiez pas à autant de réussite. »

   Il y a eu un silence durant lequel ils se sont défiés du regard, tout le monde retenait son souffle.

— Vous êtes trop sûre de vous.

— Non, Monsieur. Moi, je sais ce que je vaux.

A ces mots, elle était retournée s'asseoir en faisant claquer ses talons sur le parquet, sans lui accorder un regard. M. Wiener n'avait pas répondu à sa provocation et avait continué à faire passer la classe.

— Attention, Solange, il va t'avoir dans son collimateur, si tu continues, l'avait prévenu Ludovic, à la cafétéria

Elle avait secoué ses cheveux en arrière et avait levé la tête bien haut.

— Eh bien, qu'il essaie ! Je ne me laisserai pas faire.

Les pupilles de ses yeux étaient si dilatées que leur brun semblait s'être évaporé au profit du noir.

— Soit, avait répondu Ludovic, mais fais quand même attention.

— Sinon quoi, Ludo ? Il va m'insulter, me tirer vers le bas ? Il est qui pour faire ça ? Mon prof ? Ce n'est pas comme ça qu'on enseigne ! Je refuse de le laisser faire, de me laisser faire. Je ne m'inclinerai pas devant lui, avait-elle répliqué. Tu vas te laisser faire, toi ?

— Ce sont les règles, avait-il affirmé, durement. Ses remarques tombent dans l'oreille d'un sourd.

— Eh bien moi, je jouerai selon mes propres règles. Qui ne dit rien consent, Ludovic, avait-elle rétorqué, sur le même ton dur

— Comme tu veux, avait-il soupiré, vaincu.

  A présent, on était mardi soir, et j'allais avoir ma toute première colle de maths. Ma toute première colle tout court, en fait. Le pire, c'est que celle de musique est juste après, à 19 heures. D'après ce que j'ai vu, c'est la seule fois du semestre où elles se suivent.

   Mon coeur battait à la chamade, j'avais chaud, très chaud. Mon estomac était noué. Je ne savais pas à quoi m'attendre. Hier soir, j'avais vu Marine sortir en pleurs. Ça ne me disait rien qui vaille. Je jetai un coup d'œil à mes compagnons d'infortune : Léon, qui était pâle comme un linge et Antoine, qui attendait avec détachement et m'offrait des sourires rassurants. S'il était stressé, rien ne transparaissait. Alors que moi... On aurait dit que ma bouche était pleine de grenouilles et que je luttais pour ne pas les recracher.

Tout pour la musique (2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant