➵ Chapitre 81

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Juillet 2019

   Certaines personnes ne reviennent jamais. Parce qu'elles sont parties dans un endroit où on ne peut pas les suivre. Au final, quelque soit la couleur de nos sentiments, quand on aime on prend le risque de tout perdre. Ce soir-là, une partie de moi était morte avec elle. Si nous l'avions trouvée plus tôt, elle serait encore parmi nous.

  Lorsque j'ouvris les yeux, après ces quelques secondes de réflexion, il faisait déjà jour. Le soleil filtrait à travers les rideaux. Il était encore tôt, je le vis sur le four-micro-onde. J'avais succombé aux larmes au souvenir de la mort de Solange. Et puis, je n'avais pas pu aller plus loin. J'espérais en être capable, mais la fatigue et la douleur avaient eu raison de moi. En plus, mes mains tremblaient encore. Je me rendormis, épuisée. Les draps sentaient si bon, d'une odeur qui éveillait des sentiments que je pensais oubliés.

   Au réveil suivant, une pensée me fendit l'esprit. Le passé ne me définissait pas. Il m'a forgée, c'est vrai. Mais est-ce une raison pour me cacher derrière lui ? Je ne peux pas passer mon temps à me chercher des excuses pour ne pas avancer. Comme Lise me l'a si souvent répété par le passé : Solange ne reviendra pas.

Instinctivement, je passai mes doigts sur mon poignet. Il fallait peut-être que je profite de ce moment pour le lui rendre. Par respect.

C'était décidé, j'allais le lui rendre aujourd'hui. Sur cette pensée, je somnolai jusqu'à ce que j'entende la porte de la chambre s'ouvrir. Je m'étirai et m'assis doucement au bord du lit. Les cernes sous mes yeux n'étaient que les vestiges de ma nuit passée à me souvenir.

— Bonjour, m'accosta-t-il, la tête encore dans les vapes

— Bonjour, répondis-je, d'une voix encore plus ensommeillée que la sienne

— Ça va ? demanda-t-il, après avoir ouvert les rideaux. Tu as les yeux rouges.

— Oh, ça ? C'est juste de la fatigue, affirmai-je avec un geste évasif de la main

« Et puis des larmes » ajoutai-je en pensée.

Il haussa les épaules, dubitatif.

— Tu veux boire quoi ? demanda-t-il en scrutant l'intérieur de ses placards

— Ce que tu as, murmurai-je en m'approchant timidement

— J'ai de tout : du thé, du café, du jus d'orange – même de pomme je crois –, du lait, du cacao, de l'eau... et ... euh c'est tout.

— Je veux bien du thé.

— Copieuse, commenta-t-il en sortant plusieurs boîtes qu'il étala sur la table. Mais bizarrement, je m'en doutais, ajouta-t-il en me jetant un regard amusé.

— Dans ce cas, pourquoi tu m'as demandé ? questionnai-je en l'observant remplir la bouilloire

— La politesse, j'imagine.

Je me massai les tempes, me rappelant que hier matin, j'avais failli lui arracher les yeux. Et maintenant, maintenant il me semblait que mes souvenirs m'avaient électrocutée et que mon sang circulait à la vitesse d'une avalanche. Oui, c'était ça. J'avais le torrent dans les veines.

— Des toasts ? proposa-t-il, me faisant relever la tête

— Oui, me-... Oh mon Dieu ! m'interrompis-je en fonçant vers lui. Tu as du beurre de cacahouète ! m'exclamai-je en désignant son placard

Il éclata de rire et il me sembla que c'était le plus beau son que j'avais jamais entendu.

— J'en cherche depuis qu'on est arrivés ! me justifiai-je. Chaque matin, quand on se lève, il n'y en a plus.

Tout pour la musique (2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant